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«Ce pays m'a beaucoup donné»
Success story — Rencontre avec NEILA BENZINA, jeune femme entrepreneur
Publié dans La Presse de Tunisie le 17 - 12 - 2018

Elle appartient à cette nouvelle génération de jeunes entrepreneures qui conjuguent brillamment le business au féminin. Sans tambours ni trompettes, mais sans tabous non plus, elles ont pris d'assaut les domaines les plus pointus de l'économie, de l'industrie, de la finance, des services et, bien sûr, des nouvelles technologies. Dire qu'elles y évoluent à l'aise serait un euphémisme, on les reconnaît volontiers redoutablement efficaces. Mais aussi «différentes» dans leur approche : elles sont dans la performance certes, mais jamais dans l'arrivisme. Elles s'engagent dans la compétitivité, mais privilégient une certaine éthique. Et si les résultats sont au bout de leur action, il y entre une dose d'engagement sociétal, nouvelle dans cet univers de chiffres et de bilans.
Neila Benzina est le fruit d'un parcours limpide, rigoureux, bien construit. Après le Bac, elle intègre l'Institut national des télécoms à Paris. Là, elle évolue dans un environnement académique, orienté vers des matières scientifiques, mais aussi de management. Un stage de fin d'études dans une société de conseil et d'ingénierie en systèmes informatiques, «Business et Décision», lui ouvre une voie dans laquelle elle s'engage. Elle y commence sa carrière professionnelle, et est très vite appelée à participer à des missions pour des groupes importants...
«Cette diversité de clients m'a permis de connaître les problématiques du métier, et les techniques qui ont facilité la réalisation de plusieurs projets. Ce qui m'a fait acquérir un certain savoir- faire».
Savoir-faire, performance et compétences
Nous sommes alors en 2000, et le monde commence à entrer dans la bulle internet. Neila Benzina, elle aussi, souhaite travailler sur l'innovation digitale et se concentrer sur un projet «net». Elle va voir le fondateur de «Business et Décision» et le convainc de créer, au sein de la boîte, une start-up. Il s'agira de l'ancêtre de la relation client telle qu'on la connaît aujourd'hui. Une plateforme qui donne la parole aux consommateurs, leur permet d'exprimer leur mécontentement, leur répondre, et suivre l'évolution de la situation. On lui donne un label très français : Le Râleur
«Cela a plutôt bien démarré. Les grandes firmes ont adhéré. On a eu des échos dans les médias. Puis, la bulle internet a explosé, et on a mis le projet en veilleuse. C'était peut- être trop tôt. Mais pour moi, cela a été une expérience très intéressante. Cela m'a permis de voir comment on monte un projet, comment on organise les choses, comment on gère les étapes pour aboutir à un projet concret. A ce moment, j'ai commencé à penser rentrer en Tunisie pour y monter une société sur le modèle de "Business et Décision", autour de l'analyse des données digitales. Il n'existait encore rien de similaire en Tunisie, non plus qu'en Afrique ou au Moyen-Orient».
Le fondateur de la société refuse d'adhérer à ce projet. Neila Benzina décide de le faire tout de même et de se lancer toute seule. Quatre collaborateurs sont recrutés. Il n'y a pas de moyens, mais la foi, l'enthousiasme et la volonté existent. «Décision Support Company» vient de naître. Neila Benzina travaille pour ses clients un pied à Tunis, un pied à Paris. Très vite, l'équipe tunisienne étonne par son savoir- faire, ses compétences, ses performances. En six mois, on passe de 4 à 10 collaborateurs, et on commence à démarcher les clients potentiels tunisiens. Le produit était nouveau, et le terrain vierge. Tout était à faire, mais d'abord expliquer l'offre : analyses de données, relations clients, transformations digitales. Le marché est réceptif, la demande existe.
«J'ai alors fait appel aux équipes de Business et Décision pour nous aider. Ils ont compris qu'ils pourraient, à travers nous, mettre pied sur un marché où ils n'étaient pas présents, et que cela pourrait constituer un formidable levier de croissance. Ils ont alors demandé à entrer dans le capital. Et nous avons commencé à gagner des marchés de plus en plus gros, non seulement en France et en Tunisie, mais en Suisse, en Belgique, en Angleterre et même aux USA. Puis, nous avons développé des projets pour des clients maghrébins, en Algérie, au Maroc. Pour des clients africains au Cameroun, en Côte d'Ivoire, au Tchad, au Sénégal».
Engagement citoyen
Il est évident qu'une telle success story suscite l'intérêt. Il y a deux ans, on vit arriver un groupe qui souhaitait racheter la société Business et Décision. La question de la société tunisienne se posa alors : fallait-il la sortir du deal, ou vendre le tout ? Au vu des conditions globales, il sembla plus opportun de vendre le tout, mais de continuer à collaborer.
«On travaille avec un énorme groupe qui nous apporte des opportunité, mais nous gardons notre identité et jouons sur la complémentarité. Bien sûr, ce n'est pas la même manière de travailler. Les process sont différents, mais ce n'est pas un rouleau compresseur qui écrase notre ADN. Notre identité est respectée».
Mais là n'est pas la seule facette de Neila Benzina. On la voit sur plusieurs fronts. Son engagement est citoyen, social, politique.
«Je suis convaincue que lorsqu'on avance dans un parcours professionnel, il faut réfléchir à comment développer un secteur, et au-delà du développement de ce secteur, comment contribuer à aider les autres. Dans l'environnement de cette Tunisie post-révolutionnaire, il y avait des rôles à jouer là où l'on n'était encore jamais allé. J'ai décidé de m'investir pour pouvoir rendre un peu à ce pays qui m'avait beaucoup donné. Nous avons donc créé le Tact, une association réunissant les meilleurs acteurs du numérique. Avec pour objectif de mieux positionner la Tunisie sur l'échiquier international et attirer les bailleurs de fond, mais également de former davantage de jeunes, et de manière plus adéquate, aux métiers d'aujourd'hui et de demain. Je préside cette association où il y a un vrai rôle à jouer. Bien sûr, il s'agit d'améliorer le positionnement de la Tunisie, mais aussi de réduire le déficit chronique de diplômés dans le secteur informatique. Aujourd'hui, il y a quelques écoles d'ingénieurs dans les universités qui forment des diplômés pour lesquels nous nous battons tous. Par ailleurs, les filières scientifiques produisent des profils de diplômés qui restent au chômage parce qu'ils n'ont pas les soft skills nécessaires et ne sont pas formés en adéquation avec les besoins des entreprises».
Faciliter l'accès des jeunes au marché de l'emploi
Une des actions entreprise par le Tact a donc été de créer des centres dans les régions en face des différentes Iset, et en collaboration avec ces instituts, d'offrir une formation complémentaire aux jeunes. Ces centres permettront d'accélérer leur accès à l'emploi, et d'impliquer les entreprises. Avec vocation de disparaître une fois le «rattrapage» effectué, et l'Iset prenant le relais.
Mais là n'est pas le seul engagement citoyen de Neila Benzina. Elle est également vice-présidente du réseau «Entreprendre», ayant pour vocation d'encourager l'entrepreneuriat. Car si, en Tunisie, il y a une extraordinaire créativité, il est difficile de canaliser cette énergie. Ce réseau propose une voie qui permet de concrétiser un projet. De trouver un financement, mais aussi d'assurer monitoring et coaching qui rendront viable ce projet. Ce réseau s'étend dans les régions, s'adresse aux jeunes, aux femmes, leur apporte espoirs, mais aussi aide concrète.
Passionnée de culture, elle s'est également investie dans un projet de culture de proximité, l'Agora.
«C'est un projet auquel je crois beaucoup. Pas seulement pour répandre la culture dans la cité, mais pour en faire un modèle pilote à reproduire dans les régions. Dans un pays comme la Tunisie, le salut ne peut venir que de la culture. Nous avons vu la gangrène terroriste. La culture peut ouvrir l'esprit des jeunes, les orienter vers des problématiques nouvelles. Le prochain Agora ouvre à Gabès».
Encourager le micro-entrepreneuriat féminin
Parce qu'elle pense que l'entrepreneuriat peut permettre aux gens d'entrer dans le circuit économique, parce qu'elle croit à l'énergie et aux potentialités féminines, elle s'est également intéressée à la micro-finance en créant une association, Amena, et en investissant dans une institution de micro-crédit, Advance. 60% des micro-projets financés sont portés par des femmes.
Et pour ne pas occulter son activisme féminin, on la voit répondre à toutes les initiatives concernant la femme. Women's Forum, Women in Africa, Next Women, Women for Development, Femmes Forum, autant d'initiatives auxquelles elle a contribué :
«Les Tunisiennes ont un positionnement particulier. Il faut les aider à aller plus loin. De telles initiatives leur permettent de mettre le pied à l'étrier, de créer des réseaux qui les soutiennent et les font se sentir légitimes».
Concilier vie professionnelle et vie privée
Un tel parcours ne pouvait se limiter au seul horizon national, mais devait, de toute évidence, avoir un écho international. C'est ainsi qu'Emmanuel Macron, quand il n'était pas encore président, ne s'était pas déclaré, et n'avait pas encore lancé sa campagne, vint en Tunisie, et réunit, autour d'une table une dizaine de personnalités tunisiennes. Neila Benzina est à sa droite. Il parle de son mouvement «En Marche». Elle se reconnaît impressionnée par sa personnalité, sa volonté, sa détermination, son slogan, faire vite et bien, son projet pour la France. Elle l'écoute, et se dit qu'elle aimerait bien contribuer à semblable projet. Entre-temps, lui, est élu président, le parti «En Marche» se structure. Elle obtient une nationalité française en septembre 2017, et en octobre, on lui propose un rôle dans le bureau exécutif de «En Marche», en tant que représentant de la société civile. Elle trouve intéressant de contribuer en tant que femme venue d'un pays qui rayonne à l'international de par sa persévérance à aller vers la démocratie. En tant que personne qui vient d'un autre environnement, celui du digital, du numérique. Elle prend en charge la commission de la connaissance. Cela englobe la recherche et l'innovation, la formation professionnelle, l'éducation, l'enseignement, la culture. Autant dire que c'est passionnant, structurant, et que cela offre un éclairage nouveau qui pourrait créer des politiques transversales, dupliquer des projets. Et parce que Neila Benzina ramène toujours tout à la Tunisie, s'appliquer éventuellement à notre pays.
A l'issue de cette rencontre, quand on la voit belle, souriante, détendue, on a envie de demander à Neila Benzina quand est-ce qu'elle se pose, quand a-t-elle le temps de vivre sa vie de femme.
«Je suis mariée, j'ai deux enfants. L'équilibre peut sembler difficile à trouver, mais nous, femmes, avons la capacité d'appréhender multiples tâches. Nous sommes capables de nous organiser, et de donner son juste temps à chacun. Là, ce n'est pas la quantité qui compte, mais la qualité de ce temps. Il faut être en pleine conscience de chaque chose que l'on réalise. Dans le travail, il faut être concentré sur l'efficacité, sans culpabiliser. Chez soi, avec son mari, ses enfants, il faut leur donner de pleins moments sans tiraillements. Donner à chaque chose l'attention nécessaire. Bien sûr, ce n'est pas toujours facile. Je travaille sur moi pour être en pleine conscience de ce que je fais à chaque instant».


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