Les travaux du colloque international intitulé «Erreurs et vérités dans la culture islamique» organisé récemment par le Centre des études islamiques de Kairouan ont été clôturés par le Dr Béchir Negra, directeur du centre, qui a notamment expliqué que la culture islamique était toujours en relation avec les autres cultures, ce qui explique l'enrichissement du savoir et la réalisation du progrès au profit de l'humanité. «Cependant, il est regrettable de constater que les idées réfutables de l'islamophobie sont diffusées par tous les moyens de l'information, dans l'intention de ternir l'image de l'Islam. Cette religion, en fait, préconise la paix, la justice et la liberté. Nous souhaitons que la paix se propage partout dans le monde car les confrontations et le terrorisme inquiétent non seulement les Occidentaux, mais aussi les musulmans de bonne foi», a ajouté le Dr Negra, avant de préciser que les actes de ce colloque seront publiés prochainement afin de servir de références à tous les chercheurs. Témoignages Notons que cette manifestation qui a vu la participation d'éminents universitaires tunisiens, français, algériens, iraniens, marocains, jordaniens et allemands, a comporté cinq séances plénières, où les conférences et les débats ont permis d'aborder les différentes interprétations des sources de réflexion islamique, les erreurs et les vérités du point de vue islamique, les critiques et les méthodes, les différentes lectures de l'Islam et des musulmans, la pensée islamique et la critique littéraire. Parmi les communications, citons celle du Pr Hamadi Ben Jaballah (Université de Tunis), qui a essayé de montrer en quoi l'erreur n'est pas toujours négative et qu'elle peut, au contraire, révéler toute une substructure intellectuelle qui lui est commune avec la vérité. «En fait, c'est le même esprit capable de vérité et qui, en même temps, est capable de tomber dans l'erreur. Donc errer, n'est pas nécessairement un phénomène négatif sauf que l'erreur n'est vraiment détectable qu'au niveau d'un discours rationnel. Et on ne peut parler vraiment d'erreur dans les domaines de l'art, de la poésie, des rêveries humaines où, là, tout est permis. On peut dire ce qu'on veut même si c'est faux. Ce n'est pas nécessairement soumis à une règle logique. Donc, dire que l'erreur n'est pas nécessairement négative, c'est dire qu'elle est prometteuse…», a précisé le Pr Ben Jaballah, avant de mettre l'accent sur le préjugé qui explique l'erreur de l'homme par la sensation et par le fait que s'il part de ses expériences sensibles, alors il peut être victime de l'erreur des sens et de leurs illusions. Le conférencier a montré comment, au fond, les gens ne se trompent pas, tout simplement parce que erreur et vérité se situent au niveau des discours, au niveau des jugements. Or, les gens ne parlent pas, donc ils ne jugent pas. La raison tombe-t-elle dans l'erreur ? Pour le Pr Hamadi Ben Jaballah, la raison est une faculté qui fonctionne selon des règles et des normes qu'Aristote a déjà codifiées. C'est ce que nous appelons les règles de la logique. La raison ne peut pas se tromper. Donc, d'où vient l'erreur ? Là, le conférencier s'est rabattu sur Kant et sur Descartes pour dire que l'homme se trompe parce que la faculté qui émet des jugements, ce n'est ni les sens ni la raison mais, plutôt la volonté. «C'est moi qui juge, qui décide que ceci est cela. L'erreur est donc humaine. Or, si la volonté seule est capable d'errer, cela signifie qu'elle n'obéit pas nécessairement à une faculté absolument libre», a-t-il précisé avant d'expliquer comment à partir d'une méditation sur l'erreur, nous arrivons à la découverte de la liberté comme donnée onthologique fondamentale de l'existence humaine. Et, à partir de là, il a essayé de la montrer à partir du Coran, de la Bible et de certains philosophes arabes que le rapport de l'homme à Dieu est d'abord le rapport entre deux êtres absolument libres et que l'homme peut même dire non à Dieu et affirmer sa propre volonté : «C'est pourquoi, ne mérite vraiment la foi en Dieu, ne peut vraiment croire en Dieu que celui qui croit à la liberté». Confrontation et réconciliation entre l'Islam et l'Occident Pour sa part, le Pr Angèle Kremer-Marietti, présidente du groupe d'études et de recherches épistémologiques à la raison d'Auguste Comte à Paris, a expliqué dans son intervention que les trois religions monothéistes se suivent et sortent du même monde. «Il y a de la haine souvent, mais c'est le même berceau oriental qui a produit les trois religions. Donc, à partir de là, un monothéiste peut supporter un autre monothéiste. Il n'y a pas de raison de le nier ou de le tuer. Avec une même origine et un même noyau, pourquoi y avait-il la guerre et la confrontation entre le monde occidental et le monde islamique, souvent alimentées par une certaine politique au Proche-Orient. C'est pourquoi, il serait souhaitable que, grâce à l'émigration dans le monde, les musulmans s'adaptent à la démocratie et aux lois des pays dans lesquels ils vivent. On doit apprendre à vivre ensemble», a expliqué Mme Marietti avant de citer Ibn Rochd qui proposait le dialogue et qui appelait cela la négation de la négation: «Cette notion, on la retrouvera plus tard chez Hegel. C'est l'idée qu'on doit entendre l'opposé, même prêter des arguments opposés aux siens pour mieux comprendre l'autre qui est différent. On ne peut pas supposer que le monde est identique. Mais quand on discute, on s'alimente, on s'instruit l'un de l'autre», a ajouté la conférencière, avant de terminer par une épistémologie de la compréhension réciproque entre les peuples et entre les individus. Une nouvelle traduction du Coran en allemand Parmi les invités de marque de ce colloque, figure le Pr Hartnut Bobzin de l'université d'Erlangen en Allemagne, qui a traduit récemment le Coran en langue allemande : «J'ai fait avec plaisir cette traduction en adoptant un style clair et proche du style arabe, sans tomber dans l'imitation du côté linguistique et stylistique car chaque langue a ses procédés d'écritures. J'ai fait ce choix parce que la plupart des traductions allemandes du Coran (une vingtaine à peu près) était d'un style sec. J'ai critiqué par exemple ceux qui utilisent le mot «Allah» au lieu du mot «God», comme si c'était un dieu inconnu. Heureusement que depuis les années 90, il y a eu des efforts de la part de musulmans allemands pour de nouvelles traductions avec des explications claires».