La Tunisie lutte activement contre les pratiques de torture depuis 2011 mais le chemin reste encore long avant d'atteindre une forme de satisfecit en matière de garantie des droits de l'Homme L'Instance nationale de prévention de la torture a organisé, hier, un événement majeur en matière de défense des droits de l'Homme devant la symbolique place des droits de l'Homme de Tunis. L'INPT et ses coordinateurs célèbrent la Journée mondiale de lutte contre la torture, le 18 décembre de chaque année, et ce depuis 2002. Ce jour là, l'Assemblée Générale des Nations unies adoptait le protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le thème du colloque de l'INPT s'intitule « Les mécanismes nationaux de prévention face au phénomène de surpeuplement des lieux privatifs de liberté : stratégies et approches. » Il a été rehaussé par une présence pluri-ministérielle pour donner le ton à l'événement. Avec la participation de cinq ministres dont Hichem Fourati, ministre de l'Intérieur, Mohamed Karim Jammoussi, ministre de la Justice, et Abderraouf Chérif, ministre de la Santé. Un défi international M. Fethi Jarray, président de l'INPT, lutte activement contre la torture dans les prisons et geôles tunisiennes afin de rompre avec cette pratique qui représentait la face sombre de la Tunisie avant l'avènement de la révolution de la liberté et de la dignité du 14 Janvier 2011. Il indique que la surpopulation carcérale est un problème épineux et la volonté de le résoudre est réelle. La Tunisie a ratifié une convention-cadre en 2011 et 2013. Malgré la lenteur du développement de la lutte contre la torture à cause d'un environnement nuisible on compte obtenir des résultats. La lutte contre la torture suscite une considération internationale qui pousse les différents acteurs et partenaires sociaux à redoubler d'efforts face aux difficultés liées à la prévention de la torture. « Les gens accusés de terrorisme ou d'abus sexuels qui sont pointés du doigt affirment qu'ils méritent d'être torturés». Un raisonnement qu'il juge inacceptable. « Dans notre approche, on considère que le prisonnier est un être humain à part entière ». M Joao Nataf, secrétaire du SPT (sous-comité de prévention de la torture) a dressé le tableau sur le plan international dans la prévention de la torture. Il recommande de déterminer régulièrement les situations de privation de liberté. Formuler des propositions pour la prévention et envisager une nouvelle législation. « Le SPT suit activement l'INPT à travers la publication de rapports annuels. A l'échelle mondiale, le parcours est encore long car les mécanismes de prévention ne sont pas un but mais un moyen ». Selon un communiqué remis aux présents, on peut retenir qu'en Tunisie, le phénomène de surpeuplement des lieux privatifs de liberté demeure une réalité incontestable du fait des capacités d'accueil très limitées des lieux de détention et des difficultés diverses à résorber les milliers de personnes placées en détention préventive en attente de leur jugement. Cette situation, véritable fléau social, touche de nombreux pays, notamment ceux dont le régime carcéral place les détenus dans des chambres collectives ». Témoignages éloquents Durant les débats, une dizaine d'interventions ont marqué de leur sceau les interrogations qui mettent en doute une embellie dans les mécanismes de prévention de la torture à cause du décalage avec la condition de détention des prisonniers. Un intervenant a raconté qu'il a été heurté en voyant l'état physique déplorable des prisonniers l'été dernier en pleine canicule. Il raconte qu'ils « étaient contaminés par des maladies parasitaires et avaient même des poux. » L'absence de stratégie et la non-activation de certains points dans les mécanismes de prévention de la torture sont décriées. Un intervenait a jugé utile de punir plus sévèrement un mari incarcéré pour « coups et blessures contre son épouse. » Une intervention a stigmatisé l'assistance : l'absence des responsables des centres pénitentiaires pour assister au colloque. En effet, le chef de la commission d'amendements des procédures pénales devait assister à la mi-journée. Une autre déclaration a fait part des doutes quant à la radicalisation présumée du prisonnier lors de son incarcération. Elle estime qu'ils ne le deviennent que lors de leur séjour en taule. En parallèle avec les activités du colloque, l'INPT organise une exposition. La première sera consacrée à la littérature carcérale, en présence des auteurs et d'anciens détenus. La soirée du 18 décembre a été consacrée à une projection-débat de « Coloquinte », un documentaire de Mahmoud Jemni sur le calvaire d'anciens prisonniers politiques. Un concert donné par une troupe musicale composée de détenus de la prison de Borj Erroumi, sous la direction de Dhafer Gherissa, clôturera le colloque aujourd'hui 19 à la salle « Théâtre des régions » de la Cité de la culture.