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«All Inclusive tue l'artisanat… »
Entretien avec Salah Amamou, président de la FNA
Publié dans La Presse de Tunisie le 28 - 12 - 2018

Quand un vieillard meurt, c'est une bibliothèque qui brûle. La citation de l'écrivain malien Amadou Hampâté Bâ se confirme également dans le domaine de l'artisanat. Les raisons ne manquent pas pour dresser un bilan lourd et inquiétant de la situation du secteur. Entre menace de disparition des métiers, invasion des produits asiatiques, qualité de touristes qui a changé…le secteur de l'artisanat risque, aujourd'hui, de perdre ses spécificités originelles. L'alerte avait été donnée par les artisans eux-mêmes via le président de la FNA, Salah Amamou, dans une tentative d'attirer l'attention des autorités concernées sur la gravité de la situation et la nécessité d'agir de manière urgente pour sauver un secteur menacé de disparition. Interview
Comment décrivez-vous le secteur de l'artisanat ?
L'artisanat est un secteur très diversifié qui a ses propres spécificités. Cette branche de l'activité socioéconomique du pays s'exerce dans des centaines d'activités, représentant environ 250 métiers et plus de 350 mille emplois. Mais l'artisanat ne se résume pas seulement à cela, c'est un secteur qui a créé une relation triangulaire solide entre l'identité culturelle, le travail des artisans, et les traditions. De tout temps, des hommes et des femmes ont façonné, taillé, tissé, sculpté des objets utilitaires et quotidiens. En un seul mot, l'artisanat est une histoire de tradition et de passion. C'est une ancre dans la culture et un secteur à multiples facettes.
D'où viennent les maux de ce secteur ?
Au lendemain de l'Indépendance, la Tunisie a parié énormément sur ce secteur en créant en 1959 l'Office national de l'artisanat (ONA) qui avait pour fonctions principales d'encadrer le secteur (formation, études économiques, promotion, assistance aux artisans, développement de la coopération internationale…), et de commercialiser les produits artisanaux, notamment à destination des touristes. La belle époque de l'industrie artisanale a perduré pendant trois décennies où les activités du secteur ont connu une très forte croissance et une prospérité sans précédent. L'artisanat textile (tissage des tapis) était de loin le plus important. Mais il y a aussi la fabrication des chéchias, le tissage de la laine, du coton, de la soie et la confection des vêtements masculins et féminins, la poterie et la céramique, la mosaïque, l'artisanat du cuivre, l'orfèvrerie et la bijouterie artisanale… Les ateliers artisanaux étaient présents dans les quatre coins du pays, employant plus de 33.000 travailleurs. Mais à la fin des années 1980, le secteur a pris un autre tournant avec la première crise économique qu'a connue le pays. L'expérience du Programme d'ajustement structurel (PAS) engagée en Tunisie sous l'égide du FMI (Fonds monétaire international) a entraîné un coût social dont le déséquilibre du marché du travail est le plus déterminant. En 1990, suite à un conseil ministériel restreint, la restructuration menée a vu la création de deux nouvelles entités outre l'administration publique connue aujourd'hui sous le nom de l'Office national de l'artisanat tunisien (Onat). Il s'agit de la Société de commercialisation des produits de l'artisanat (Socopa) et la Société de production des produits de l'artisanat (Sopart). Censées devenir de véritables locomotives du secteur et des modèles à suivre pour les entreprises privées, ces deux entités ont vite fait de péricliter et disparaître pour des raisons et motifs qui restent à déterminer. Ces échecs ont influé sur l'évolution du secteur qui a perdu des repères et les outils de régulation qui étaient aux mains de l'administration.
En 1996, il a été décidé de fermer définitivement la Sopart ce qui a mis des milliers de personnes au chômage forcé. Une année après, il a été décidé de renvoyer tous les centres de formations artisanales qui étaient au nombre de 16 à l'Agence tunisienne de la formation professionnelle (Atef). Aujourd'hui, tous ces centres ont mis la clé sous la porte et arrêté définitivement leurs activités. Donc, avec l'absence d'un diplôme dans l'artisanat, il est difficile d'obtenir un crédit pour artisan. Le secteur a commencé à perdre de son éclat et de sa valeur. La goutte d'eau qui a fait déborder le vase c'était la fermeture en 2007 de la Socopa qui avait comme missions principales d'assurer l'approvisionnement en matières premières et de commercialiser les produits artisanaux. Du coup, l'image de nos produits a été fortement atteinte par ces faits. A titre d'exemple, la production de tapis et de tissu en coton enduit est passée de 426.000 m² en 2001, à moins de 40.000 m² en 2017. Malheureusement, le métier de confection du tapis est aujourd'hui quasiment abandonné. De même pour les secteurs de l'artisanat du cuivre et de la céramique qui ont perdu respectivement 70% et 50% de leur productivité.
L'artisanat est un produit boudé par le consommateur local depuis un bon moment. Comment peut-on expliquer ce comportement ?
Après la Révolution, la situation se dégrade davantage avec l'aggravation de la crise économique et financière, la baisse du pouvoir d'achat, l'augmentation du taux de chômage, la dépréciation continue du dinar…On ne peut pas reprocher au consommateur local, à lui seul, la détérioration du secteur. Le Tunisien est dans l'obligation de faire la distinction entre le prioritaire et le moins prioritaire. Pour lui, le produit artisanal n'est pas un besoin, c'est un produit de luxe et de décoration qui reste coûteux.
D'où provient le choix de touristes comme principale cible de ces produits ?
Depuis les années 1970, l'artisanat a été sélectionné comme un produit touristique par excellence. A l'époque, le secteur touristique était en pleine croissance ce qui a influé directement sur l'artisanat qui a pris son envol. 80% des produits artisanaux ont été achetés par les touristes qui étaient une source de devises et de promotion de nos produits dans leur pays d'origine. C'était une sorte d'exportation indirecte où nos produits ont rayonné dans plusieurs pays du monde sans payer les droits de douane, les frais d'exportation…Ceci est le résultat de l'image qu'a eu la destination Tunisie auprès du marché européen, mais aussi de la confiance de nos clients qui a été établie sur des bases solides. La politique de commercialisation de nos produits artisanaux est la même aujourd'hui, sauf que le tourisme, qui est en perte de vitesse, suite à la multiplication des attentats terroristes depuis 2011, peine à retrouver ses couleurs. Idem pour l'artisanat qui est largement dépendant de la situation du secteur touristique. Il est vrai qu'on parle souvent de 6 millions de touristes qui visitent la Tunisie chaque année. Mais ce nombre ne reflète rien car leur qualité a changé vers le pire. Les touristes qui visitent, aujourd'hui, notre pays ne dépensent pas. Ils ne veulent pas quitter l'hôtel.
C'est la face cachée d'All Inclusive !
L'objectif recherché à travers cette formule est de permettre au touriste de profiter pleinement de ses vacances sans avoir de soucis de dépassement budgétaire. Mais il y a du bon et du mauvais de cette formule : l'All Inclusive tue l'artisanat et le para-touristique puisque le client ne sort pas de son hôtel. Elle tue l'environnement touristique local. La décision de revoir cette formule sera un grand pas vers une volonté d'accroître le tourisme intégré et de qualité.
Qu'en est-il de la prolifération des produits asiatiques à bas prix ?
La guerre est encore ouverte pour mettre un terme à ce fléau qui menace tout le secteur. Il est vrai que les produits asiatiques fabriqués en Chine ou dans d'autres pays d'Asie du Sud se sont multipliés. Il est vrai aussi que leurs prix défient toute concurrence, notamment celle des créations traditionnelles des artisans locaux. Mais nous ne comptons pas baisser les bras. Ces produits «Made in China» n'ont rien à voir avec nos produits et ne représentent pas notre artisanat. Malheureusement, les produits importés représentent le principal mal qui affecte l'artisanat tunisien. Ajoutons à cela que depuis 2011, les contrôles deviennent de plus en plus rares et insuffisants à l'heure où les importations asiatiques ne cessent d'augmenter. Donc, pour assurer leur survie, les artisans se trouvent dans l'obligation d'abaisser la qualité du produit authentique car l'offre s'adapte toujours à la demande. C'est la réalité amère de notre secteur.
Comment voyez-vous la mise en place d'une stratégie spécifique à l'artisanat ?
Il serait intéressant de mener une stratégie spécifique qui s'adapte au contexte actuel. On n'a pas besoin d'une boîte de solutions prête ou inspirée d'autres pays ; un regard sur le passé et une évaluation de la situation depuis 1959 à nos jours pourraient mener à une solution radicale capable de mettre fin à la souffrance de ce secteur. Il existe des éléments forts et intéressants qu'on doit consolider. Mais, de l'autre côté, il faut éviter de répéter les fautes du passé et de passer à l'action sans perdre plus du temps car la machine économique ne s'arrête pas. Sur un autre plan, le privé ne croit pas énormément en ce secteur. Aucun investisseur ne prend le risque d'investir un montant énorme dans ce secteur risqué. Donc, c'est à l'Etat d'intervenir pour protéger notre patrimoine et cette petite industrie pleine d'idées originales. La fermeture de la Socopa était un coup dur pour le secteur. Il est temps de trouver l'alternative pour aider ce secteur à renaître de ses cendres. L'Etat doit aussi jouer pleinement son rôle en ce qui concerne l'approvisionnement en matières premières, la commercialisation des produits artisanaux et la refonte des méthodes de formation qui devraient être spécifiques à l'artisanat et appuyées par un travail de recherche et d'innovation continu.
Les décisions du Conseil ministériel restreint du 15 février 2016 qui se résument en trois : la mise en place d'une structure pour l'approvisionnement en matières premières et pour la commercialisation des produits du secteur dans le cadre d'un partenariat public-privé, la création d'un système de formation professionnelle propre au secteur de l'artisanat sous la tutelle de l'Office national de l'artisanat, la transformation du Centre technique du tapis et du tissage en une agence disposant des compétences nécessaires pour fournir la matière première et commercialiser le produit pour le secteur du tissage et du tapis, devraient se transformer en réalité et non rester des promesses sur papier. Donc, les solutions ne manquent pas. Il suffit de trouver la volonté et la détermination nécessaires pour passer à l'action.


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