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La médina... les médinas
Publié dans Le Temps le 19 - 02 - 2016

En perdant sa vocation des productions et aussi en quelque sorte de commercialisation, la médina s'est retrouvée comme abandonnée, désertée par une partie aisée de sa population. La médina (les médinas) qui comptaient en leurs seins toutes les demeures d'importance des grands artisans, des nobles et des grands commerçants perd de son importance urbaine et architecturale ainsi que les métiers qui l'animaient.
Evidemment, la perte de populations des médinas se fera de plus en plus au profit des quartiers européens nouveaux et des nouvelles zones de résidence de la banlieue avec leurs urbanismes, leurs institutions et leurs transports nouveaux. Cette transformation urbaine et architecturale brutale va faire perdre à l'artisanat un marché traditionnel au niveau des artisans maçons, menuisiers, céramistes etc.
Les produits de l'artisanat qui meublaient les demeures des bourgeois et notables tunisiens (bois, faïence, fer forgé, pierres...) ne sont plus dominants par rapport aux produits importés de France et d'Italie... la destruction de la médina est une conséquence de cette politique coloniale au niveau urbain, architectural et au niveau de l'artisanat.
L'attitude des autorités coloniales par rapport aux objets de l'artisanat consiste à les considérer comme vivantes que si et seulement s'ils continuent formellement à remplir une fonction et à satisfaire un besoin réel. Toute autre vision qui considère qu'un objet artisanal peut évoluer n'est pas acceptable. Pour eux un objet artisanal est nécessairement ethnologique et appartenant au passé.
Cette attitude est restée vivante surtout lorsque l'office national va être créé et où sa traduction en arabe de l'ONA, insiste sur le mot. L'office a été conçu entre autres pour encadrer tous les métiers et non pas seulement les métiers traditionnels.
L'indépendance de la Tunisie en 1956 va trouver l'artisanat exsangue. L'artisanat a connu des situations très difficiles telles que nous les avions décrites. Quelles seront les réponses apportées par l'Etat national pour enrayer une crise de plus en plus grave qui touche, comme nous l'avons dit, tous ses secteurs de l'artisanat ainsi que d'autres qui lui sont collatéraux ?
La réponse de l'Etat national pour résoudre les problèmes de l'artisanat a consisté à essayer de rationaliser l'artisanat et à la moderniser dans le sens industriel du terme mais en gardant les anciennes structures. La première action est la création de l'office national de l'artisanat en 1959 dont les missions ont connu une évolution significative.
Les missions imparties à l'office national de l'artisanat et l'encadrement du secteur traditionnel au niveau de la production, de la commercialisation. Ces missions ont continué à être actives jusqu'en 1990 où on les a révisées pour se délester de la mission de production et de celle de la commercialisation.
L'office reste actif au niveau de l'encadrement non pas des artisans mais au niveau du secteur en général. La réforme de 1990 vise à intégrer l'action de l'office dans les exigences nouvelles de l'économie libérale à savoir réduire l'intervention de l'état et promouvoir l'initiative des artisans afin qu'ils participent à la création de la dynamique économique nouvelle.
La structure de l'artisanat, indépendamment de l'ONA, ne repose pas sur un système économique moderne constitué d'entreprises modernes à fort taux de croissance, mais, reste dominée par le secteur informel où tout au plus, par un artisanat individuel ou familial.
La gestion de ce secteur traditionnel reste rudimentaire et ses actions de développement ne produisent pas des possibilités de financement auquel il pourrait avoir accès.
La capacité de production reste limitée au niveau quantitatif, qualitatif et même au niveau des prix.
Tous ces éléments rapportés par l'étude stratégique la plus récente (débuts des années 2000), réduisent les possibilités concurrentielles de nos produits au niveau de l'exportation mais même surtout, par rapport au déferlement des produits provenant des pays comme la Chine, l'Inde, l'Egypte.
Nos médinas ne montrent plus des produits fabriqués dans des ateliers d'antan mais bien dans des usines de Shangaï ou de Bombay... L'exportation a été pourtant encouragée. Des lois octroient des avantages substantiels pour ceux qui arrivent à exporter. Des mesures portant création du CEPEX et du FAMEX ont été prises et pourtant les exportations de l'artisanat n'ont atteint que 0,4 des exportations totales du pays.
L'artisanat qui a connu une crise, surtout depuis la fin du XIXe siècle, voit sa déconnexion par rapport au marché national, à la mondialisation et à la nécessité de l'exportation s'approfondir et s'aggraver... et pourtant notre pays a connu des périodes où il a toujours été exportateur et même dominateur plus particulièrement par rapport à la Méditerranée.
Le maintien de la mission d'encadrement du secteur ne résout pas les problèmes réels que vit l'artisanat. L'office aurait-il réussi à colmater la brèche et à résoudre la crise de l'artisanat contemporain en Tunisie qui a commencé à se poser au début du XIXe siècle et surtout durant la première moitié du XXe ?
La tâche impartie à l'ONA dépasse de loin les capacités et les possibilités de l'office à apporter une réponse à un défi national économique, social et culturel. L'office, lors de sa création en 1959, devait remplir des missions de production, de commercialisation et d'encadrement. Les missions de production ont été remplies par la création de structures autonomes dans la production des tapis surtout, des milliers d'ouvriers ont intégré la SOPART et ont produit surtout le tapis et d'autres produits mais dans une proportion moindre.
La SOPART produisit des millions de m2 de tapis mais malgré leur qualité, les bas prix pratiqués, la SOPART finit par être liquidée, l'Etat ne pouvait plus jouer la carte de la production tant il est vrai qu'il a délaissé cette tâche au profit du système libéral privé.
La SOCOPA qui a joué un grand rôle dans la commercialisation des productions étatiques et privées a continué malgré tout à vendre et à participer à la promotion des produits de l'artisanat en général. La SOCOPA cessa, il y a quelques années ses activités qui ont été reprises par des entreprises commerciales privées.
Ces renoncements à la production artisanale et à la commercialisation reflètent peut être que l'office n'a pas rempli ses missions et qu'il n'a pas réussi à rétablir la situation de l'artisanat en Tunisie et qu'il pouvait même l'avoir aggravée. Comment est-on arrivé à cette situation ?
La création de l'office s'est faite dans la foulée de moderniser la production et de répondre à la nécessité de la nationaliser. L'ambiance de l'époque était réformiste même si le secteur était traditionnel. La contradiction est déjà à la base du projet. Comment pouvait-on moderniser une production traditionnelle ?
En fait, l'office se trouvait affronté à une réalité qui le dépassait. Dès le début, il refusait les productions des métiers d'arts, des produits nouveaux exigés par la vie moderne. Cette conception réduisait l'artisanat à être traditionnel et exigeait qu'elle ait un rapport et une référence patrimoniale.
Prisonnier d'une conception coloniale de l'artisanat comprise comme imitation d'un objet du passé, l'office national de l'artisanat a propagé cette attitude dichotomique entre artisanat traditionnel et produits des métiers d'art et ceux créés par les designers et artistes. L'office est resté traditionaliste alors que la production moderne envahit le monde.
L'artisanat semble être monopolisé par le passé, alors que certains produits traditionnels ne répondant plus à un besoin, ont disparu ou sont en train de disparaître.
Leur maintien malgré leur perte de fonction les réduit à une forme folklorisée et réifiée.
Dans une société émergente mais moderne caractérisée par l'adoption d'un système économique libéral reposant sur la recherche et la nécessité d'obtenir un taux de croissance élevé, il est très difficile voire impossible de privilégier une production artisanale reposant sur la répétitivité traditionnelle passéiste. Le monde a changé, les besoins aussi.
L'office national devait intégrer dans ses préoccupations des nouveaux besoins, des nouveaux métiers. Il est évident qu'il devrait devenir l'espace de rencontre entre les métiers d'art anciens mais aussi nouveaux, traditionnels ou modernes sans pouvoir dépasser la contradiction entre imiter et créer.
L'artisanat est un mode de production qui se réfère certes, au patrimoine mais aussi à tout ce qui se fait au niveau des métiers d'art et des métiers utilitaires qui satisfait les besoins de la vie quotidienne moderne et repose sur la production d'une entreprise individuelle ou sur celle de la petite entreprise. Il est recommandé de rapprocher les métiers traditionnels des métiers d'art et des petits métiers.
Il est temps de prendre des mesures dans cette vie qui consistent à rassembler les créateurs professionnels, les professionnels, issus des centres professionnels, des Instituts des Beaux Arts et des Arts et Métiers, des facultés pour promouvoir une production équilibrée qui promet l'adaptation de la forme à la fonction et développe un nouveau design intégré dans le circuit mondial et au courant de tout ce qui advient et réussit dans le monde.
La réussite dans ce domaine nous permet de retrouver l'action entreprise par l'artisanat tunisien lorsque pendant très longtemps il a su investir la Méditerranée de ses produits tout au long de son histoire. Aujourd'hui, la méditerranée ne suffit plus à relever le défit de la mondialisation que si elle n'est pas contrée partout dans le monde, risque d'occuper tout le terrain qu'elle a conquis y compris dans nos médias.
La mondialisation dans sa phase actuelle est un phénomène certes récent mais, en fait, elle plonge ses racines historiques très profondément, dans des régions stratégiques comme la Méditerranée. Si la mondialisation consiste en une sorte de globalisation et de généralisation des échanges en faveur de ceux qui produisent bien et bon marché, la Tunisie en a très souvent profité de cette situation dans son histoire.
L'époque phénico-punique, la période romano-africaine et les différentes périodes musulmanes jusque la fin du XIXe siècle n'ont-elles pas vu l'artisanat historique tunisien se répandre et dominer l'espace méditerranéen grâce à ses produits artisanaux et agricoles ?
La proximité des pays voisins maghrébins, proches orientaux, sub-sahariens et même africains et européens a permis à l'artisanat historique tunisien de développer, à plusieurs reprises, une position hégémonique basée sur l'exportation de nos produits artisanaux et agricoles.
Si nous devons tirer des leçons de notre histoire, nous pouvons affirmer que la Tunisie n'a jamais cessé, sauf à la fin du XIXe siècle, d'occuper une place privilégiée en Méditerranée alors considéré comme le centre du monde. Evoquer cette situation ne veut pas dire que nos adoptons une attitude nationaliste exacerbée.
Nous faisons référence à ces constats historiques pour affirmer que nous possédons dans notre histoire et notre patrimoine des possibilités de reconquérir, non pas nos positions hégémoniques nostalgiques, mais un statut de producteur et d'exportateur de produits adéquats et culturellement significatifs.
Ainsi, nous pouvons alors, non pas seulement consommer et recevoir les produits fabriqués ailleurs, mais concevoir, produire et participer à proposer nos propres produits pour équilibrer les échanges avec les autres peuples.
Pour réussir et mener à bien cette démarche, il nous semble que nous devons développer une politique de mondialisation de notre artisanat dans le sens du design et de la production moderne sans aucune restriction et en utilisant tous les moyens techniques de production susceptibles de garantir la quantité, la qualité du produit et les bons prix afin de la rendre concurrentielle aussi bien au niveau du marché national qu'à l'extérieur.
Evidemment, les mesures que nous préconisons pour moderniser le mode de production artisanal doivent êtres accompagnées d'un développement de l'artisanat dans le cadre, non plus d'un artisanat individuel, mais d'un artisanat d'entreprise impliquant son insertion dans le circuit bancaire de financement et une gestion impliquant la recherche du produit et un taux de croissance élevé.
Cette attitude, nous permet d'arrêter la profusion de l'importation des produits provenant d'horizons multiples comme la Chine, l'Inde .. et nous permettra de mobiliser tous les moyens pour nous occuper plus sereinement de notre patrimoine artisanal et de pouvoir ainsi en réhabiliter les métiers et leurs objets qui ont connu des dommages provoqués par le temps et l'action du colonisateur et de la mondialisation.
La réhabilitation pouvant être accompagnée de la conservation de notre patrimoine artisanal et par sa mise en valeur au niveau commercial mais aussi muséographique. Il est temps de sauver la mémoire collective de notre peuple au niveau de l'artisanat parce qu'un peuple qui n'arrive pas à conserver les objets et les gestes qui l'ont permis, ne pourra pas être en mesure de les définir clairement.
Il reste cependant important d'affirmer en même temps que le développement d'un artisanat moderne est une affirmation de notre ouverture au monde et un refus de nous isoler et de nous enfermer dans la vision passéiste de notre patrimoine.


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