La Direction générale de l'aménagement et la conservation des terres agricoles (DGACTA) a élaboré une étude intitulée « Diagnostic et perspectives de l'agriculture pluviale» qui s'inscrit dans le cadre de la nouvelle stratégie d'aménagement et de conservation des terres agricoles 2050 réalisée en décembre 2017 dont l'une des actions du Plan d'actions est précisément le soutien à l'agriculture pluviale. Cette action est rattachée à l'initiative spéciale engagée en amont du bassin versant de Nebhana, avec l'appui de la Coopération technique allemande (GIZ) qui en assure le financement. La marge de progrès se situe donc au niveau de l'agriculture pluviale qui contribue à environ 65% de la production agricole en valeur. Néanmoins, l'agriculture pluviale est soumise à des conditions difficiles dans l'ensemble du pays à l'exception de la région des plaines céréalières au nord de la Dorsale pour lesquelles les précipitations sont relativement suffisantes en termes de quantité et de répartition intra-annuelle pour une conduite intensive des cultures en sec. Capter les eaux de ruissellement Dans les régions semi-arides et arides, les conditions sont plus contraignantes pour l'agriculture pluviale et seule une arboriculture rustique (olivier, amandier, figuier, grenadier) à faible rendement parvient à se maintenir avec des dispositifs permettant de capter les eaux de ruissellement (meskat, jessour, tabia). Dans les zones désertiques, l'agriculture est quasi impossible en dehors des oasis qui sont enclavées dans de grands espaces de parcours collectifs dédiés au pastoralisme camelin et où la culture se fait sous irrigation à partir de nappes fossiles. Le défi à relever pour l'agriculture pluviale est de s'adapter au changement climatique et d'augmenter ses performances qui sont en deçà de ce qu'on peut observer dans des pays aux conditions similaires, notamment autour du bassin méditerranéen. Il semblerait que la cause de cette situation soit due à l'épuisement des sols, du fait des pratiques culturales traditionnelles. A noter que l'agriculture pluviale ne s'oppose pas à l'agriculture irriguée puisqu'on trouve des exploitations mixtes faisant de la culture pluviale au sein de périmètres irrigués ou faisant de l'irrigation sur une petite surface, à partir d'équipements individuels d'exhaure, pour compléter le revenu provenant d'exploitations dominées par l'agriculture pluviale (50% des exploitations hors périmètres irrigués sont dans ce cas). Toutefois, la surexploitation actuelle des nappes phréatiques due à la multiplication des forages fait craindre que cette ressource en eau ne soit plus utilisable et, de ce fait, la survie de ces exploitations mixtes est en péril. Besoins de sécurité alimentaire Un diagnostic de l'agriculture pluviale a été effectué pour mettre en exergue et identifier les enjeux de l'avenir de l'agriculture pluviale en Tunisie. Ainsi, trois orientations majeures ont été proposées aux décideurs. Deux d'entre elles visent à rééquilibrer la balance commerciale des produits agricoles et alimentaires (PAA), aujourd'hui structurellement déficitaire. Le but étant de ramener des devises au pays et répondre aux besoins de sécurité alimentaire. Une troisième option met l'accent sur une agriculture de terroir ancrée dans les traditions dont les systèmes de production doivent être améliorés avec l'aide de la recherche. Pour chacune de ces options, le passage à l'agro-écologie est indispensable pour remédier à l'épuisement des sols et augmenter la réserve en eau disponible pour les plantes (amélioration du Sol-Eau-Plante). Il s'agirait de sauter l'étape «révolution verte» pour passer directement à la transition agro-écologique. Le soutien à l'agriculture pluviale est une démarche transversale qui concerne plusieurs directions relevant du ministère de l'Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche. La Direction générale de l'ACTA ne peut pas, à elle seule, résoudre le problème de la résilience de l'agriculture pluviale au changement climatique, car elle ne dispose pas de tous les leviers d'action pour le faire. Elle interviendra donc au titre de la stratégie ACTA 2050 et dans le cadre de ses compétences, notamment pour toute la partie aménagement des terres, protection des sols (lutte contre l'érosion), stockage de l'eau dans le sol et les nappes (banquettes, seuils de recharge) et reconstitution du couvert végétal sur les zones sensibles (ravines, talus de banquettes, zones érodées, constitution de haies…). Ses activités devraient également être orientées vers l'aménagement foncier en liaison avec l'Agence foncière agricole (AFA). En effet, le diagnostic foncier montre qu'il existe un très grand nombre de petites exploitations (75% ont moins de 10 ha) — qui plus est morcelées — et qu'un travail important de restructuration foncière et d'aménagement foncier doit être effectué, si l'on veut espérer que ces exploitations se professionnalisent par agrandissement de leur taille, mise à niveau et passage à l'agro-écologie. A défaut, on peut penser qu'elles ne pourront pas résister au changement climatique et aux sécheresses récurrentes qu'il va amener ; la conséquence en serait une chute importante de la production nationale dont on peut avoir une idée en mesurant l'impact des années sèches.