Le tissu des entreprises moyennes et grandes est en train de se contracter, soit -31% entre 2010 et 2016, selon une étude du cabinet Ernst & Young. De même, le nombre d'entreprises qui font des opérations d'exportation a baissé de 9 mille en 2010 à 6 mille en 2016 au profit des importateurs. On estime également que l'emploi se crée plus dans les petites entreprises. Le développement de l'entrepreneuriat est l'un des objectifs sur lequel s'attelle le gouvernement actuel pour résorber la problématique du chômage. Cette problématique devenue persistante est le reflet d'une crise économique aiguë que connaît notre pays mais aussi d'un état d'esprit qui fait que la fonction publique est le rêve d'un bon nombre de jeunes, surtout des diplômés du supérieur. Mais disons qu'il est beau de vouloir développer l'entrepreneuriat et la création d'emplois; néanmoins, les obstacles auxquels font face les jeunes pour monter leurs entreprises sont assez importants. A ne citer que l'accès au financement et la lourdeur administrative. La promulgation du Start-up Act constitue ainsi une avancée pour améliorer l'écosystème de l'entrepreneuriat pour une catégorie bien particulière d'entreprises qui axe sur l'innovation. Cette catégorie qui pourra être un vecteur important de la transition numérique en Tunisie. Cette transition a fait l'objet d'une conférence-débat organisée récemment par le magazine "L'Economiste Maghrébin" en partenariat avec la Banque Mondiale, sur le thème « Economie 4.0, entrepreneuriat, innovation, startups ». Une conférence qui a rassemblé plusieurs personnalités du monde de l'entreprise, des experts et des économistes en présence de Saida Ounissi, ministre de la Formation professionnelle et de l'Emploi. Hédi Mechri, directeur de publication, a affirmé que très peu d'entreprises se créent d'une à une autre, comptant actuellement 5.000 entreprises industrielles. Il a ajouté que les très petites entreprises (TPE) ont peu de chances d'évoluer vers de nouveaux paliers de développement et de réussir le passage de la TPE à la PME, à la grande entreprise. Un constat qui trouve son origine dans l'accès difficile au financement, aux réglementations administratives lourdes, aux lois régissant le marché du travail, etc. M. Mechri a ainsi estimé que "le danger n'est pas dans la fracture numérique mais dans la fracture de motivation". Difficultés de conversion Pour Antonius Verheijen, responsable des opérations pour la Banque mondiale, les PME sont les porteurs de la croissance économique, indiquant qu'une relance économique ne peut se baser que sur des PME plus fortes. Il a souligné que le Startup Act est un modèle à suivre dans le Maghreb et en Afrique et un signal fort pour changer l'image de la Tunisie dans le monde comme un pays qui veut innover. Il a ajouté que le développement d'un secteur fort de startups offrent des opportunités de création d'emplois. M. Verheijen a affirmé qu'il est temps d'avancer sur d'autres éléments, à l'instar de la loi sur le capital investissement afin de mieux pallier la question du financement. De son côté, Mounir Ghazali, représentant du cabinet Ernst & Young, a indiqué qu'une situation inquiétante a été révélée selon une étude menée par le cabinet. Le tissu des moyennes et grandes entreprises est en train de se contracter, soit -31% entre 2010 et 2016. De même, les entreprises qui font des opérations d'exportation ont baissé de 9 mille en 2010 à 6 mille en 2016 au profit des importateurs. On estime également que l'emploi se crée plus dans les petites entreprises. D'ailleurs, l'étude a montré que le contexte économique actuel et le climat des affaires ne permettent plus facilement la conversion des petites entreprises en moyennes et grandes entreprises. D'où la recommandation d'Ernst & Young de déployer un effort plus important et d'avoir des politiques publiques directes qui facilitent cette conversion. Un travail devrait se faire au niveau du climat des affaires et au niveau des startups innovantes pour les intégrer dans les grandes entreprises et le secteur public. Tarek Cherif, président de la Conect, a indiqué que la problématique du financement doit être jugulée au niveau du capital risque et non pas du système bancaire classique. Il a ainsi appelé à encourager davantage les fonds d'investissement dans les régions. "Le système classique est adapté à des entreprises qui existent et qui ont des garanties", a-t-il lancé. Il a souligné que les départs des compétences doivent interpeller sur l'avenir du pays et sur les remèdes qui doivent être mis en place pour éviter ces départs, puisqu'ils peuvent être fatals pour les entreprises. Le gouvernement réagit D'un autre côté, Saida Ounissi, ministre de la Formation professionnelle et de l'Emploi, a exposé les objectifs de la stratégie nationale en matière d'entrepreneuriat, se reposant sur cinq axes principaux. Le premier est le développement de la culture entrepreneuriale depuis le plus jeune âge à l'école à travers la création de clubs et de favoriser les espaces d'incubation. Le deuxième est l'adaptation du cadre légal à l'auto-entrepreneuriat pour l'amélioration de l'écosystème. Le troisième est l'accès aux marchés, en permettant un parcours particulier aux primo-entrepreneurs pour exporter leurs produits et favoriser leur entrée dans les marchés publics. Une action qui a commencé avec le ministère de l'Equipement, l'Onas et le ministère de l'Education. Le quatrième axe est l'accès au financement en palliant la problématique des garanties qui constitue un frein à l'entrepreneuriat. Elle a indiqué que la mise en place du Fonds national de promotion de l'artisanat et des petits métiers (Fonapram) est un bon pas, mais on vise à ce qu'il soit orienté aussi vers les autres banques et non seulement la BTS, pour qu'elles prennent le risque et baissent les barrières d'accès au financement aux petits entrepreneurs. Le cinquième axe est la gouvernance en veillant à harmoniser l'intervention des différents acteurs dans le domaine entrepreneurial, à travers une plateforme numérique. Slim Feriani, ministre de l'Industrie, a signalé que l'impulsion de l'investissement et le développement du Partenariat public-privé sont consignés dans la stratégie du ministère. L'objectif est de hisser le pays à un nouveau palier de développement en termes de contenu et de taux de croissance qui serait de plus de 5 % par an à partir de 2020. La PME est ainsi un élément essentiel de cette démarche, surtout avec la promulgation de la nouvelle loi sur l'investissement, la loi relative au Partenariat public-privé (PPP), la loi sur le Start-up Act et la loi sur le registre national des entreprises.