Dans quelques jours, la Tunisie sera la capitale arabe avec la tenue, à Tunis, de la 30e session ordinaire du Sommet de la Ligue des Etats arabes, auquel 21 pays ont annoncé leur participation représentés par des délégations officielles de haut rang. A l'ordre du jour du Sommet, l'examen des grands défis qui se posent à la région arabe et particulièrement le terrorisme transnational, le retour de la Syrie dans le giron arabe, la cause ou la question palestinienne, la situation en Libye et le conflit au Yémen. Des dossiers complexes, traînant dans leur sillage des guerres fratricides, des conflits d'intérêts géostratégiques, des crises économiques et des tensions sociales n'épargnant aucune partie de cette région d'environ 400 millions d'habitants Six mille participants sont attendus au 30e Sommet arabe. Mais l'importance de ce sommet se mesurera au nombre de souverains et de chefs d'Etat qui rehausseront l'assistance par leur présence. Le roi saoudien et le prince héritier du Qatar, en froid depuis plusieurs mois, ont été parmi les premiers à annoncer leur présence. Parmi les absents : le roi du Maroc et le président algérien. Toutes les institutions tunisiennes sont à pied d'œuvre pour mener à terme et dans les meilleures conditions les préparatifs logistiques et sécuritaires de ce grand rendez-vous arabe qui s'étalera sur six jours, du 26 au 31 mars au siège du Palais des Congrès. Reste la réussite politique de ce sommet qui dépendra de la concrétisation des objectifs assignés. La réussite est liée à l'aptitude des dirigeants arabes à s'entendre sur les questions stratégiques, à accorder des concessions, si nécessaire, et à donner des réponses adéquates aux attentes de leurs peuples. Très improbable considérant l'inertie de la Ligue arabe face aux exactions israéliennes et face aux souffrances des peuples arabes opprimés, bombardés, déplacés, dépossédés. Divisions politiques sur fond de crises multiples Le monde arabe est divisé sur nombre de questions stratégiques et il y a lieu de craindre à l'avenir l'aggravation de ces divisions, notamment pour ce qui concerne le retour de la Syrie à la Ligue arabe, la cause palestinienne surtout au niveau de la position arabe à adopter contre l'Accord du siècle, annoncé unilatéralement, depuis plus d'une année, par le président américain Donald Trump, tout comme sa décision inattendue d'annoncer Al Qods capitale de l'entité sioniste. Annonces immédiatement et catégoriquement rejetées par l'ensemble des Palestiniens (soutenus par une large frange de l'opinion arabe) qui, depuis, expriment sans relâche leur colère en bravant les tirs mortels sur les manifestants et les exactions de l'armée israélienne. Quant à la position des dirigeants arabes, elle n'est pas commune et affaiblit de ce fait la parole et la voix arabes dans les instances onusiennes. Les Palestiniens se sentent pour cette raison abandonnés, aussi bien par les politiques que par les médias arabes. Dans une récente rencontre-débat organisée par le Forum Ibn Rochd relevant de la représentation de la Ligue arabe à Tunis, l'accent a été mis particulièrement sur le rôle vital des médias arabes dans la revivification de la cause palestinienne que les crises syrienne, libyenne et yéménite ont marginalisée et reléguée à un rang secondaire. Un objectif sciemment recherché par l'occupant isarélien et ses alliés, les USA en tête. Quant à la tragédie que vit le Yémen, nul ne sait quand elle prendra fin et quand cesseront les souffrances du peuple yéménite. La position de la Tunisie vis-à-vis de ces questions a la caractéristique d'être constante et sans relief favorisant le respect de la volonté des peuples et prônant la solidarité arabe. Ainsi, après 2014 et l'accession de Béji Caïd Essebsi à la présidence de la République, la Tunisie n'a eu de cesse de soutenir le dialogue inter-libyen et le règlement politique de la crise libyenne sous l'égide des Nations unies et avec la contribution de l'initiative présidentielle tripartite (Tunisie, Algérie, Egypte). La Tunisie a, ainsi, œuvré à réparer les dégâts occasionnés par la Troika (Ennahdha, ex-CPR et Ettakattol) et particulièrement par le président provisoire Moncef Marzouki aux relations tuniso-syriennes, d'abord en rouvrant une antenne diplomatique à Damas puis en soutenant le retour de la Syrie dans le giron arabe. Cette décision est arabe et collective, elle doit être prise au sein de la Ligue arabe et la Syrie aura pour sa part le choix de l'accepter. Un autre obstacle vient d'être érigé par M. Trump en reconnaissant, toujours de manière unilatérale et contre la législation internationale, le Golan syrien occupé propriété d'Israël. Concernant la cause palestinienne, la position de principe de la Tunisie est le soutien inconditionnel au peuple palestinien dans sa lutte pour ses droits légitimes et l'instauration d'un Etat palestinien indépendant sur son territoire occupé avec «Al-Qods» pour capitale. Beaucoup d'attentes en termes de complémentarité économique Le volet économique est également inscrit au programme des assises de ce 30e sommet arabe. L'impulsion des relations de coopération et de la complémentarité économique entre les différents pays arabes, ainsi que la coopération arabe avec les différents blocs régionaux et internationaux, seront examinés. Volet aussi stratégique pour la région que celui politique. Le 30ème sommet de la Ligue arabe vient à un moment où les pays arabes affrontent une des périodes les plus difficiles pour leurs dirigeants et leurs populations, sur le plan sécuritaire, économique et social. La plupart des pays arabes affichent un déclin de la croissance, un endettement en exponentielle et des manifestations importantes, notamment en Algérie, précédées par un soulèvement populaire violent au Soudan. Un mal-être généralisé. « Les peuples arabes se sentent frustrés à cause de l'échec des régimes arabes qui ne sont pas parvenus à lever le niveau de la coopération interarabe», a déclaré l'expert économique et ancien ministre des Finances, Hakim Ben Hammouda, à l'occasion d'une récente conférence organisée par l'Institut tunisien des études stratégiques sur «Les enjeux de l'action arabe commune à la lumière des mutations régionales et internationales». L'expert a imputé le faible niveau de complémentarité économique arabe à l'incapacité des systèmes arabes post-indépendance à instaurer un développement inclusif, à créer une croissance soutenue, à diversifier les structures économiques et à maintenir les équilibres financiers. En chiffres, cela donne une moyenne de croissance dans la région arabe de 2,2% en 2018, soit le niveau de croissance le plus faible par rapport aux autres groupements régionaux. La moyenne de l'endettement s'établit à 75% dans les pays arabes et le chômage à 30%, contre une moyenne mondiale de 13% L'ancien ministre pointe les déficits budgétaires des pays arabes, malgré leurs richesses naturelles et leurs ressources humaines, et critique la dépendance de certaines économies arabes par rapport à la rente pétrolière et gazière, subissant, ainsi, les effets de la volatilité des prix des hydrocarbures à l'échelle internationale. Il fustige également l'exemple tunisien à cause du recours des gouvernements successifs à l'endettement, estimant que son taux pourrait atteindre 80% à la fin de l'année en cours, et critique l'ingérence des institutions financières internationales dans la prise de décision nationale. Malgré l'écart entre les promesses des discours officiels et leur concrétisation sur le terrain, l'opinion arabe ne désespère pas et continue d'attendre et d'espérer un nouvel élan des relations interarabes, même progressif.