La diplomatie européenne organise le ban et l'arrière-ban. Il y a un peu plus d'une année, la baronne Catherine Ashton avait été nommée haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Et le 1er décembre 2010, le Service européen pour l'action extérieure (Seae) a été mis en place. Le Traité de Lisbonne se corse institutionnellement. Souvenons-nous. Son entrée en vigueur, le 1er janvier 2010, a été corollaire de la nomination du Belge Herman Van Rompuy au poste de président du Conseil européen, pour un mandat de deux ans. Une semi-innovation en vérité, la charge existant en fait, de 1975 à 2009. Mais, jusque-là, elle était simplement honorifique et non-officielle. Elle incombait à tour de rôle au chef d'Etat ou de gouvernement de l'Etat membre assumant la présidence du Conseil de l'Union européenne. C'est dire qu'elle changeait tous les six mois. A l'échelle de la politique extérieure européenne, le poste de Catherine Ashton importe beaucoup. Egalement vice-présidente de la Commission européenne, elle a la lourde charge de fédérer l'action extérieure de l'Union. Ce qui n'est pas toujours si évident. Quant au Service européen pour l'action extérieure (Seae), il est subordonné à la haute représentante de l'Union. Son personnel est issu des départements correspondants de la Commission européenne, du secrétariat général du Conseil et des services diplomatiques des Etats-membres. Les partenaires asiatiques, américains et africains de l'UE sont un peu dans le brouillard de l'enchevêtrement des casquettes européennes. Qui est quoi et qui fait quoi ? D'autant plus que la présidence tournante encore en vigueur pour quelque temps entend jouer pleinement ses prérogatives. En diplomatie plus qu'ailleurs, la règle de la cohérence est de mise. Les brumes y desservent. Et la multiplicité des voix d'une même instance n'arrange guère les choses. L'UE est cependant, on l'oublie souvent, un conglomérat d'Etats dont les rivalités enfantèrent il y a peu deux guerres mondiales. Elle a, de surcroît, les défauts et travers de toute architecture hyper-volontariste. Ici comme ailleurs, qui trop embrasse, mal étreint. Paradoxalement, ce qui motive le plus l'insistance européenne à assurer sa surreprésentation diplomatique, c'est son inconsistance diplomatique. L'Europe est en effet la grande muette des principaux dossiers internationaux. Point d'Europe dans les pourparlers de paix au Proche-Orient, simple figuration dans le différend nucléaire Etats-Unis-Iran, retrait sur la pointe des pieds et à l'anglaise d'Irak et d'Afghanistan. Il faudrait y ajouter l'étonnant suivisme européen dans les grands échanges sur le climat, l'environnement ou l'armement. L'incurie atteint parfois son comble au gré de l'actualité. Ainsi l'Otan a-t-elle approuvé il y a quelque temps un plan secret de défense pour les pays baltes. Aux dernières nouvelles, l'Alliance atlantique avait décidé le 22 janvier dernier "d'étendre sa stratégie de sécurité pour la Pologne [Eagle Guardian] à l'Estonie, à la Lettonie et à la Lituanie" annonce le quotidien madrilène Al Pais. Et ne nous y trompons pas. Qui dit Otan parle nécessairement des Etats-Unis d'Amérique. Les Baltes, craignant dit-on pour leur sécurité au lendemain de la guerre de Géorgie, cherchent désespérément le parapluie de l'Otan. Or, dans l'Europe, il n'y a guère déjà de bloc nordique dont les pays baltes feraient partie. Et comme la diplomatie n'accepte pas le vide, l'Otan s'est immiscé dans les interstices des frilosités sécuritaires baltes. Ce qui en dit long sur la sclérose diplomatique européenne intramuros. Aujourd'hui, les Européens en semblent plus conscients. N'en déplaise au cafouillage des casquettes, il y a une volonté réelle de surpasser le handicap majeur de l'inertie. Mais cela reste tributaire aussi de la manière dont l'Europe se positionne vis-à-vis des USA et du nouveau bras de fer qui se profile avec la Russie. Parce que certains réflexes de la Guerre froide font toujours de la résistance.