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Sur le volcan, les corps intacts de trois enfants incas
Argentine
Publié dans La Presse de Tunisie le 09 - 02 - 2011

• Retrouvés dans un état de conservation exceptionnel, les dépouilles sont exposées dans un musée argentin, par -20°C.
De Salta, Argentine — Les corps de trois enfants incas inhumés il y a cinq siècles et à plus de 6.000 mètres d'altitude, au sommet d'un volcan, ont été retrouvés par des scientifiques stupéfaits de leur excellent état de conservation.
Aujourd'hui installés sous une cloche de verre à et maintenus à une température de -20°C, ils étonnent les visiteurs du Musée d'archéologie de haute-montagne de Salta (Argentine). Mais la façon dont les corps ont été récupérés par les chercheurs ne plaît pas à tout le monde : pour la communauté indigène locale, ces enfants auraient dû rester sur leur montagne.
L'histoire de ces impressionnantes dépouilles, comme plongées dans le sommeil, commence sur les hauts-plateaux semi-désertiques de la province argentine de Salta, les convulsions de l'écorce terrestre ont fait surgir les plus hauts volcans de la planète.
En langue quechua, on nomme cet altiplano la «Puna», ce qui signifie aussi désert. Une immensité de désert, à plus de 4.000 mètres au-dessus du niveau de la mer.
Une expédition scientifique au sommet du volcan Llullaillaco
Au matin du 26 février 1999, une équipe de quatorze chercheurs, aguerris aux techniques d'escalade et de résistance à l'altitude, se déploie sur les flancs du volcan Llullallaico. Sa masse grise et rocailleuse marque la frontière andine entre le Chili et l'Argentine.
Avec une cime culminant à 6.739 mètres, le cinquième plus haut volcan au monde n'est pas inconnu des «andinistes» qui l'ont gravi tout au long du XXe siècle, pour la première fois en 1952.
Sous la houlette du Nord-Américain Johan Reinhard et financée par le National Geographic, cette expédition a été minutieusement préparée. L'équipe internationale (Argentine, E-U, Pérou) composée d'anthropologues, d'archéologues, établit son campement de base à 4.900 mètres d'altitude. L'un des participants, Christian Vitry : «L'ascension du volcan ne présente pas de difficulté technique mais demande un bon état physique et une excellente capacité d'acclimatation. Entre 5.800 et 6.500 mètres, la pente devient très escarpée et le terrain est plus meuble, ce qui requiert un effort plus important.»
La première semaine est dédiée au transport d'aliments et d'outils vers les campements intermédiaires (à 5.800 et 6.600 mètres), l'objectif étant de fouiller au sommet du volcan, où des relevés archéologiques marquent le dessin précis d'une plate-forme cérémonielle datant des Incas.
Une tempête de neige par -37°C retarde le début des fouilles pendant deux jours, mais le 14 mars, sous l'obscure terre volcanique, apparaissent trois figurines de lama.
Quelques centimètres plus bas, enveloppé dans plusieurs tissus, se trouve le corps d'un garçon inca en position assise, pratiquement intact. L'émotion est intense pour l'équipe, qui redouble d'efforts car Reinhard est persuadé que cette cime est un des plus importants lieux de cérémonie de l'empire inca.
Trois jours plus tard, deux autres corps d'enfants, entourés de leur précieux trousseau, sont extraits. Une fillette, dénommée la «fillette de la foudre», a le visage tourné vers le ciel. Plus grande, une adolescente au visage paisible et longs cheveux tressés, la «demoiselle», assise en tailleur, semble plongée dans le sommeil.
Les «enfants du Llullaillaco», entre 6 et 14 ans, sont tous en habit de cérémonie, chacun entouré d'objets destinés à les accompagner dans l'éternité.
Leur état de conservation est exceptionnel, et les scientifiques perçoivent bien que ces enfants incas sont le témoignage unique au monde d'un empire disparu il y a moins de cinq siècles. Entourés de glace, les corps sont transportés dans la proche ville de Salta, et un temps hébergés dans le laboratoire de l'Université catholique.
Le rite de la Capacocha, sacrifice d'enfants pour les dieux
Les rites incas ont été bien documentés par les chroniqueurs du XIVe et du XVe siècles. Celui de la Capacocha s'accomplissait de façon cyclique, pour obtenir les faveurs des dieux, en leur offrant la vie d'enfants.
Sélectionnés pour leur perfection physique parmi les classes dominantes, ceux-ci étaient amenés jusqu'à Cuzco et reçus par l'Inca, puis acheminés jusqu'au lieu du sacrifice.
«N'oublions pas qu'il s'agissait d'un système politique de domination», précise l'anthropologue Gabriela Recagno, «dans les régions assujetties se déplaçait un représentant de l'Inca avec un enfant qui allait se transformer en un dieu : il ne mourrait pas et allait pouvoir surveiller tout ce territoire du haut de la montagne. Il devenait un gardien du territoire, un être divinisé. Un système très bien rodé pour, à travers la religion, et la peur, exercer une politique de domination à travers les sacrifices. Au sommet, on endormait les enfants, par ailleurs épuisés par une marche de 1.600 kilomètres, avec de la chicha, un alcool de maïs et sous l'effet du froid, de la basse pression, ils s'endormaient jusqu'à mourir d'hypothermie».
A découverte unique, technique de conservation unique
Le succès de l'expédition fait rapidement place à une question cruciale. Que faire de ces corps tellement bien conservés qu'on hésite même à parler de momies?
Après quelques mois de consultation dans d'autres musées du monde confrontés à un défi similaire, les scientifiques se rendent à l'évidence : à une découverte unique doit correspondre un musée spécifique avec d'inédites techniques de conservation.
Les corps seront préservés par un système avancé de cryogénie (par le froid), en étant maintenus dans des capsules de verre avec un contrôle permanent de l'atmosphère qui les entoure : température, humidité, pression, composition de l'air.
Aujourd'hui directrice du Musée d'archéologie de haute montagne (MAAM), Gabriela Recagno insiste sur la «préservation de ce patrimoine afin de diffuser une culture ancestrale relativement proche dans le temps.»
Le parcours du musée met l'accent sur l'histoire de l'Empire inca, le laps de domination de 80 ans sur le nord-ouest de l'actuelle Argentine, les différents rites, et expose le précieux «trousseau» des enfants du volcan : délicates statuettes à figure humaine vêtues de textiles traditionnels et de plumes, peignes, pochettes tissées remplies de maïs, de feuilles de coca, coupelles et cuillères en bois.
Au fil de la visite, la climatisation s'accentue dans les salles, recréant l'illusion de la froidure au sommet du volcan et répondant aux exigences de la conservation.
Dans la dernière salle, un panneau opacifié prévient le visiteur sensible de l'approche de l'enfant exposé. «C'est une représentante des peuples indigènes, membre du musée, qui nous a orienté vers ce type de présentation», rappelle la directrice.
Des analyses «non invasives» effectuées ponctuellement
En charge du système sophistiqué de préservation, l'ingénieur Mario Bernarski précise : «Pour les enfants du volcan Llullaillaco, nous parlons de momies instables ou de corps en processus de momification. Ce ne sont pas des momies complètes car leur intérieur contient tous les organes, avec une hydratation de 70%. Notre objectif est avant tout la conservation et les analyses effectuées ponctuellement sont non invasives».
Angelica Corthals, anthropologue légiste, vient ainsi régulièrement de New York pour participer au système de surveillance.
De quelles régions venaient ces enfants ? Quel chemin ont-ils suivi depuis Cuzco ? Beaucoup de réponses sont attendues d'eux, tout en sachant déjà par exemple qu'ils n'étaient pas frères et sœurs, et qu'ils ont été bien alimentés jusqu'au dernier jour de leur vie.
Un dirigeant indigène : «Nous avons été meurtris»
Comme on pouvait l'imaginer, l'enthousiasme des chercheurs est bien loin de faire l'unanimité. Dans cette région andine où une bonne partie de la population a des ascendants indigènes, la nouvelle qui fait à l'époque la une du New York Times, suscite de vives protestations, notamment de la communauté Kolla.
Miguel Siares, dirigeant de la communauté indienne Kollas Unidos, précise ces critiques : «En tant que Kollas, nous avons été très meurtris. Nous considérions ces enfants comme vivants, protégés dans le ventre de notre Pachamama (nom inca de la Mère Terre). Notre demande est qu'ils reviennent sur la Puna, là où ils reposaient depuis des siècles et non en centre-ville.»
Gabrielle Recagno, directrice du Musée provincial depuis six mois, reconnaît que «pour quelques communautés, ces montagnes continuent d'être des lieux sacrés, qu'ils dénomment huaca (sanctuaire). C'est pourquoi nous commençons la visite par la description de cette géographie sacrée».
Elle précise aussi qu'il y a eu, depuis cette découverte, «un accord avec les communautés et une prise de conscience des archéologues. Depuis, on n'est plus dans la science pure et dure, mais participative».
«Travailler désormais en accord avec les communautés»
Un accord avec les scientifiques et chercheurs ? Miguel Siares préfère parler de «relation», voire de «dialogue». Ce qui est clair pour lui, c'est que les fouilles dans ces conditions ne doivent jamais plus se reproduire.
Et pourtant, «en trois ans seulement, au Pérou, seize ou dix-sept corps ont été extraits, dont six du volcan Misti en une seule expédition», fait remarquer Christian Vitry : «Pour la recherche, c'est trop. Dans une province archéologiquement très riche, nous voulons freiner cet élan, pour avant tout résoudre le conflit social et travailler dorénavant en accord avec les communautés».
Depuis 1994, la Constitution argentine reconnaît «la préexistence des peuples originaires» dans le pays et le territoire qu'ils ont habité de façon ancestrale.
Pour Christian Vitry, «en comparaison du Pérou ou de la Bolivie, c'est ici un phénomène relativement récent. Depuis une quinzaine d'années, il y a un processus de ré-ethnisation de la part de communautés en recherche d'une identité».
Les «enfants du LLullaillaco» devraient-ils continuer de reposer à la cime du volcan ou leur valeur pour la recherche scientifique justifie-t-elle amplement leur exposition aujourd'hui à Salta ? Alors que la polémique reste ouverte, le Musée provincial ne désemplit pas de visiteurs captivés par cette histoire qui a déjà traversé cinq siècles.


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