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Une lecture polysémique
Vient de paraître : Turbans et chapeaux, de Sonallah Ibrahim

L'écrivain égyptien Sonallah Ibrahim, aujourd'hui considéré, à juste titre, comme le successeur de Néjib Mahfoudh, ne se soucie guère de la bienséance littéraire. Cela est bien connu. Depuis Cette odeur-là, son premier roman, qui date de 1966, et qui fut censuré pour atteinte à la morale dès sa parution, presque tous les ouvrages publiés par la suite se distinguent surtout par une écriture objectiviste, une peinture du réel et une perception originale, provocatrice, de la sexualité.
Son nouveau roman, Turbans et chapeaux — titre original : al-‘Imâma wa al-qubba'a — qui vient de paraître aux Editions Actes Sud dans une traduction de Richard Jacquemond, ne déroge pas à cette règle. Comme Le Petit Voyeur, il n'a rien de pudique. Le narrateur, un jeune disciple du cheikh Al-Jabarti (1754 -1822), le chroniqueur de l'expédition de Bonaparte en Egypte (1798-1801), était venu de la Haute-Egypte pour suivre des cours de théologie à l'université d'Al Azhar. Grâce à quelques bribes de français apprises chez un commerçant européen, il fut engagé à l'institut du Caire. Là, il devint l'amant de Pauline Fourès, laquelle deviendra quelque temps plus tard, la maîtresse attitrée de Bonaparte. Bien que ses émois amoureux courent en filigrane dans le roman, le jeune narrateur ne fait en aucun moment preuve d'une sexualité débridée. C'est que, contrairement à certaines œuvres, comme, par exemple, les contes des Mille et Une Nuits, où la luxure s'accompagne d'un processus conventionnel de rétorsion et de rétribution, les romans de Sonallah Ibrahim ne prêtent à aucune confusion entre les rapports métaphoriques des mystères de la chair et ceux issus de l'esprit. Si Turbans et chapeaux apparaît lui aussi quelque peu charnel, il n'en est pas moins prenant et pathétique.
Pathétique, il l'est surtout pour cette image qu'il nous jette en pleine figure d'une population humiliée, avilie, courbant l'échine sous la domination des soldats de Bonaparte en 1798 :
" Les Français sont entrés dans la ville comme un torrent qui se déverse dans les rues et les ruelles…détruisant toutes les barricades qu'ils trouvaient. J'étais à l'Azhar quand ils y sont entrés à cheval ; ils se sont égaillés dans la cour intérieure et dans l'enceinte réservée, ils ont attaché leurs chevaux au mur de la qibla, ils ont brisé les coffres à livres des étudiants, des pensionnaires et des écrivains publics, et se sont emparés de tout ce qu'ils trouvaient : vases, plats, bols et tout ce qui était déposé ou caché dans les placards et les armoires…. " (p.57)
Bien que l'œuvre se présente comme un roman historique, avec sa part d'imagination, elle est en réalité une "vraie fausse chronique qui n'épargne personne" et qui "résonne étonnamment avec l'époque contemporaine" (4e de couverture). Là encore, ce roman ne déroge pas à la règle. Rares sont les romans arabes qui ne soient pas rapportés à l'histoire moderne. Emprisonné pendant six ans pour militantisme communiste, Sonallah Ibrahim manque rarement d'inscrire ses romans dans l'histoire. Dans Le Petit Voyeur, par exemple, il rend largement compte des divers aspects politiques, religieux et sociaux d'une période charnière dans l'histoire égyptienne, fin des années 40.
L'histoire, on le sait, est une éternelle répétition ; Turbans et chapeaux offre lui aussi, une vue quelque peu déformée de la vie quotidienne au Caire à la fin du XVIIIe siècle , imitant en cela la fameuse chronique Aja'ib al-athar fi al-tarajem wal-akhbar (Merveilles biographiques et historiques) du cheikh Abdel-Rahmane Al-Jabarti, considéré aujourd'hui comme le père de l'histoire égyptienne. Mais parce qu'il fut écrit durant l'invasion américaine de l'Irak, ce nouveau roman de Sonallah Ibrahim peut servir de base à d'utiles réflexions et constitue un enseignement utile: critique indirecte des temps présents, et possibilité donnée d'en tirer des conclusions.
En effet, à cette époque, à la fin du XVIIIe siècle, "La Question orientale" était à l'ordre du jour dans les pays européens, soucieux qu'ils étaient du sort des minorités de l'Empire ottoman dont l'Egypte faisait partie, et qui était alors sur la voie du déclin. A cela, s'ajoute le désir de la France de porter en Egypte, pièce maîtresse de la route des Indes, le conflit qui l'opposait alors à l'Angleterre. Du coup Turbans et chapeaux se révèle être une série d'observations caustiques non seulement sur les horreurs de la guerre, et les exactions de l'armée de Bonaparte mais également sur la société égyptienne de l'époque :
" Hanna a mon âge…Je dois frapper plusieurs fois à la porte avant qu'il m'ouvre…. Après quelques hésitations, il me laisse et revient la tête couverte du turban sombre réservé aux coptes et aux juifs. Il leur est interdit de porter des turbans verts, rouges ou blancs, des chaussures rouges ou jaunes, de monter des chevaux ou des mules, et ils doivent descendre de leurs baudets lorsqu'ils passent devant une mosquée". (p. 24)
Grâce à ce procédé, grâce aussi à un texte dépouillé, parfois cru, tissant sans discontinuer des détails apparemment insignifiants, Sonallah Ibrahim met à nu, peu à peu les états d'âme et les ressorts du comportement humain. Voici ce que confie au narrateur le peintre Denon sur le résultat final de l'Expédition d'Egypte :
"Nous qui nous vantions d'être plus justes que les mamelouks… nous avons commis beaucoup d'injustices. Sais-tu que j'ai pris part à la répression de la révolte du Caire ? Je croyais que nous allions ramener ce pays à la civilisation, que nous en ferions une nouvelle colonie qui nous permettrait de compenser les pertes que nous ont fait subir les Anglais. Mais jusqu'à présent, nous n'avons fait que verser le sang et collecter les impôts."
(p.159).
Turbans et chapeaux est un beau livre qu'il faut lire et méditer. Il offre une lecture polysémique d'un moment fort de l'histoire égyptienne, où, comme l'écrit Abdel-Rahman Al-Jabarti lui-même dans sa chronique, "l'homme d'esprit découvrira les merveilles et les curiosités de l'histoire et qui restera après nous en souvenir pour les générations futures ". (p.272)
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Sonallah Ibrahim, Turbans et chapeaux, traduit par Richard Jacquemont, Actes Sud, 2011, 278 pages.


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