Des voitures brûlées de la révolution aux installations artistiques il n'y avait qu'un pas. A l'initiative de Faten Rouissi, l'idée de faire peindre ces voitures calcinées par des artistes peintres, sculpteurs, céramistes, performers, vidéastes, photographes, installateurs, designers, graphistes…et aussi aux étudiants des écoles d'art, de design et d'architecture, lui est venue juste après les cinq premiers jours de la révolution. En passant par Carthage Byrsa, pas très loin de chez elle, elle avait pensé à développer cette idée très rapidement mais avec les milices et autres problèmes de sécurité, le projet devait attendre encore un peu. Avec l'aide d'un groupe d'étudiants de l'ENAU, l'Ecole Nationale d'architecture et d'Urbanisme, Faten s'est attachée à faire aboutir ce projet. Il a fallu prendre alors des dispositions sécuritaires et faire une collecte pour le nécessaire de l'événement. Ensuite il fallait faire appel aux sponsors pour réunir pots de peintures et bombes de couleurs. Le terrain lui à Carthage, appartient à l'Etat, aucune construction ne s'y trouve, il sert de dépotoir aux voitures qui ont été brûlées pendant la révolution. Tous avec leurs bonnes volontés se sont donc mobilisés, le partage des taches s'est fait naturellement et le projet a pu prendre forme. Sans doute les artistes avaient-ils beaucoup de choses à exprimer, probablement le trop plein d'images ingurgitées pendant la révolution, qui devaient ressurgir d'une manière ou d'une autre sur un support ou un autre… L'objet de cette action reste de revoir autrement la Tunisie, de faire partager le quartier, de faire appel aux artistes, et impliquer la police et la municipalité dans un climat sécuritaire. Les militaires présents ont encadré les artistes tout le long de la journée et leur ont facilité la tâche. Ils se sont même improvisés à vouloir donner une vision nouvelle et renouvelée des choses pour mettre de la couleur à notre révolution.... La journée s'est donc déroulée un dimanche 27 février alors qu'on assistait encore à des échauffourées au centre-ville de Tunis. De 9h à 18h indépendamment de toute association ou organisme, les artistes se sont livrés bénévolement, dans une ambiance bon enfant à l'expression de leur art. Certainement inspirée par John Cage, Faten Rouissi aime à rappeler que « L'art ne devrait pas être différent de la vie, mais être une action dans la vie ». La vocation de cet événement est aussi de soutenir la révolution de la jeunesse pour la liberté et la dignité, d'une façon colorée, joyeuse et positive pendant cette phase de reconstruction du pays. Ce travail artistique in-situ est une contribution modeste des artistes et de la jeunesse à la promotion de l'art et la culture de proximité. Cet événement devrait par là même inciter notre ministère de la Culture, ainsi que les différents acteurs culturels, à soutenir et promouvoir l'art contemporain en y apportant les structures adéquates et indispensables à un développement solide et pérenne. Après tout, la culture a son importance, n'est-elle pas représentative de l'image d'un pays ? Dimanche 13 mars prochain, sur ce même terrain, on pourra assister à la suite de cette manifestation culturelle, il s'agira d'une grande exposition (sans vous en dévoiler davantage), qu'il faudra absolument venir découvrir.