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L'appel du Sage
Vient de paraître
Publié dans La Presse de Tunisie le 10 - 03 - 2011

Au cours d'un entretien à propos de son livre Les Aléas d'une odyssée (Cf. La Presse (Supplément : pensée, arts & lettres du 26-11-2010), Hédi Bouraoui nous avait alors confié :
«Etant africain et en même temps méditerranéen de cœur et d'esprit, j'ai toujours eu en tête la problématique du dialogue entre le Nord et le Sud de la Méditerranée… Les Aléas d'une odyssée fait partie d'un projet que je porte depuis plus de dix ans. Il s'agit en fait d'une trilogie, une longue saga s'étalant sur trois générations. Il y a, en réalité, cinq romans dans ces trois volets. Les Aléas d'une odyssée constitue le 2e volet».
Le troisième volet de cette trilogie vient enfin de paraître. Et comme on le devine, il porte lui aussi sur cette problématique du dialogue Nord-Sud, si chère à notre compatriote. Intitulé Méditerranée à voile toute, il se divise en deux parties. La première est consacrée au séjour à Majorque du héros des Aléas d'une odyssée, Hannibal Ben Omer, et la deuxième partie, à son fils, Télémaque, surnommé Télé MacOmer, lancé sur les traces de son père à Paris puis à Malte. Les deux parties sont, en fait, étroitement liées dans la mesure où le fils a fait du carnet de voyage de son père, un bréviaire qui ne le quitte jamais. Bien plus, presque tous les Maltais, qui ont croisé son chemin, ont connu son père, et ils ne se privent pas de le décrire et de raconter son désir d'identification et de partage. Parmi eux, Antonella:
«Il adore Malte; c'est son jardin secret !… Cette île, république du cœur ! partagée par tant et tant de peuples… J'adore sa franchise. Une vérité qui sape les assises». p.273
Pour l'immigrant maghrébin, quel que soit le lieu de son exil, c'est souvent sur le sentiment de la différence que se pose son rapport à soi et à l'altérité. Cette prise de conscience est dans la plupart des cas négative dans la mesure où l'immigré est perçu comme une menace potentielle. Tel n'est pas le cas de Hannibal Ben Omer, alias Hédi Bouraoui, Ulysse des temps modernes sillonnant la Méditerranée. Bien qu'il soit issu d'un pays arabe souffrant toujours de ce que le critique syrien Georges Tarabichi appelle la «blessure anthropologique» due au «choc de la rencontre avec l'Occident» (*), le héros de Méditerranée à voile toute n'en a cure.
En effet, tout comme dans le deuxième volet de cette trilogie, œuvre nourrie exclusivement du sol méditerranéen, la progression du récit s'effectue suivant deux axes simultanément, celui de l'émigration et celui des apports des diverses civilisations. Mythe, Histoire et Sociologie s'y mêlent et s'y télescopent. Ainsi, ayant débarqué à Majorque, désireux comme d'habitude de «capter de l'intérieur l'essence de l'île et de sa capitale», il note à l'intention de sa femme :
«Sais-tu, ma Laura-Light, que les trois religions du Livre se sont unies pour résoudre la crise qui a secoué toute l'île ? La musulmane, l'ancienne conversos, chuetas, et la catholique. Tous laïques, à l'esprit démocratique et tolérant, ont contribué, chacun de son côté, à rendre à Césarette ce qui appartient à Césarette» p.148.
Cette structure du roman a le mérite de permettre à l'auteur de déconstruire habilement la raison collective d'une société qu'il juge frileuse à l'extrême ; ce qui lui confère, du coup, une autre dimension, celle d'un «prophète visionnaire», sûr de lui, plein de sagesse, conscient des difficultés, ne cherchant ni reconnaissance ni statut spécial :
«Pour l'immigré que je suis, voyager n'est pas une sinécure ! Bien au contraire. Des embûches et des rejets à tous moments. Il faut savoir où mettre les pieds; le moindre faux pas peut être fatal. Et quoi qu'on fasse, on doit se battre contre vents et marées. Simplement parce qu'on reste toujours l'étranger qui vient perturber l'harmonie interne d'un pays. Celui-là même qui s'épuise à montrer au pays hôte son intention non seulement de recevoir, mais surtout de donner» p.80.
Ou encore
«A chaque marche, à chaque lecture, à chaque tournant de rue, de page, de projets, il vous faut vous adapter au terroir et réajuster votre vision du monde» p. 265.
A l'émigré donc de faire constamment preuve de patience mais aussi d'altruisme, d'une envie de partage malgré l'hostilité et la méfiance affichées à son égard. Pour l'humaniste qu'est Hédi Bouraoui, les différences existent bel et bien. Aucun émigré ne peut les occulter, mais elles ne constituent pas pour autant des divisions insurmontables. Si la diversité topologique de l'altérité propre à la Méditerranée est là pour l'illustrer, et si le partage d'une langue avec d'autres immigrants ne génère ni distanciation ni fausse complicité, pourquoi douter des bienfaits de l'émigration ? D'autant plus que «nous sommes tous des émigrés sur terre ! Alors pourquoi les peuples s'entretuent-ils pour un petit lopin de poussière ?» p.239.
Cette acceptation de la finitude sous-tend un appel pressant au partage fraternel, à l'ouverture vers autrui, vers la culture de l'Autre, moelle substantifique de ce roman. Elle fait partie d'un processus qui vise à occulter l'importance de la différence, et qui court en filigrane dans toute la trilogie. Le résultat n'est pas une sorte de subversion ou d'acculturation. Au contraire, c'est l'appel du sage, l'invitation à s'évader de soi-même et partir vers les autres, pour s'ouvrir à leurs cultures, seul remède aux maux actuels de la société, inscrivant de la sorte l'émigré dans l'organisation sociale du milieu ambiant comme «la figure de l'Autre» par excellence.
«On ne voit l'Homme que sous ses aspects extérieurs. Le masque que lui impose la société. Rarement l'essentiel de son monde intérieur ! Celui-ci ne devient lisible que lorsqu'il s'épanche, déverse son amour sous le regard d'autrui» p.188.
Ainsi, il ne reste rien du touriste supposé et de sa différence ! Seul le relativisme des cultures peut donc garantir l'apprentissage interculturel et, partant, dissiper l'incompréhension entre les peuples. Cette démarche de Hédi Bouraoui, qui vient d'être élu citoyen d'honneur de la ville italienne d'Acquaviva delle Fonti (près de Bari), est, à notre humble avis, des plus louables puisqu'elle offre une clé d'interprétation opérante, susceptible de reconfigurer d'une manière plus positive les relations humaines si distendues aujourd'hui.
Un livre fascinant à lire et à relire.
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Hédi Bouraoui, Méditerranée à voile toute, Editions Vermillon, Ottawa (Ontario), Canada, 346 pages
(*) Cité par Mounira Chatti : Traumas et apories de l'identité arabe contemporaine (Tewfik Hakim, Naguib Mahfouz, Alaa El Aswany) http://www.revue-silene.com/images/30/article_31.pdf


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