N'importe qui peut s'improviser chauffeur de taxi ou de louage clandestins à Tunis. Il suffit juste d'avoir un véhicule et de proposer ses services dans des zones qui ne sont pas desservies par les moyens de transport appropriés et surtout lors des heures tardives pour les louagistes. Décidément, depuis le 14 janvier 2011, les activités illégales sont banalisées. Un phénomène a pris une toute autre dimension, il s'agit du transport clandestin. Ce phénomène, très observé dans la région du Grand-Tunis, plus précisément du côté des gares routières de Bab Alioua, Bab Saâdoun ou Moncef Bey, fait forte concurrence aux moyens de transport conventionnels. Plusieurs facteurs expliquent le développement de ce genre de transport. Primo, l'insuffisance, voire l'absence de transport en commun dans des zones périphériques de la ville (El Mourouj, Jdaida, Mhamdia , Fouchana, etc.) et le soir du côté des gares routières de Bab Alioua et de Bab Saâdoun. Secundo, certains opérateurs privés de transport en commun refusent de desservir ces zones sous prétexte que ces lignes ne sont pas rentables. Tertio, l'absence de contrôle et de sanction à l'encontre des rabatteurs. Une activité très en vogue En outre, n'importe qui peut s'improviser chauffeur de taxi ou de louage clandestins à Tunis. Il suffit juste d'avoir un véhicule et de proposer ses services dans des zones qui ne sont pas desservies par les moyens de transport appropriés et surtout lors des heures tardives pour les louagistes. Selon Mourad, un de ces rabatteurs qu'on a rencontré du côté de la Rue de la Gare, ils seraient de plus en plus nombreux à se lancer dans cette activité illégale. Il renchérit : «Ça fait plus de quatre ans que j'exerce ce métier. Plusieurs habitants de Mhamdia et de Fouchana ont recours à ce genre de locomotion tout simplement parce que les opérateurs privés de transport en commun refusent de les desservir sous prétexte que ces lignes ne sont pas rentables, contrairement à nous. Ennakl Errifi (le transport rural) n'est pas disponible en quantité suffisante pour satisfaire le nombre important des habitants de ces deux villes. D'autre part, on est disponibles à toute heure de la journée ou de la nuit». Mme Fatma, une usagère ayant l'habitude de prendre ce genre de transport, nous a déclaré : «Il faut avouer qu'avec l'augmentation du nombre de la population dans le Grand-Tunis, les usagers souffrent le martyre à cause du comportement de certains louagistes qui arrêtent le service à partir de 17h00 en nous laissant en rade et désemparés. Ainsi, je peux vous confirmer que ces moyens de transport se révèlent pour nous d'un grand secours, dans la mesure où ils comblent les défaillances du transport régulier». Mais qui dit clandestinité, dit tout bénéfice. En effet, ceux qui exercent ce genre de métier n'ont ni charges ni assurances à payer. Il leur suffit juste d'avoir une bagnole ou une estafette qui roule et le tour est joué. Pis encore, il s'est avéré que ces dernières années, plusieurs agences de location de voitures ont trouvé dans cette activité une parade afin de dynamiser leur activité durant les périodes creuses (basse saison). Selon Slim (un jeune rabatteur), plusieurs agences de location de voitures se sont engouffrées dans ce créneau. Il ajoute : «Je travaille au pourcentage avec 2 agences de location de voitures. Le deal est comme suit, soit on partage fifty-fifty soit on me loue la voiture à 30dt pour les 24heures». Un moyen de transport à risque Certes, selon plusieurs témoignages, ces moyens de transport représentent une sorte de bouée de sauvetage, mais cela n'empêche que le transport clandestin reste une alternative comportant des dangers. Tout d'abord, en prenant ce genre de moyen de locomotion, l'usager ne bénéficie d'aucune assurance en cas d'accident. D'autre part, avec une criminalité galopante dans nos contrées et une sécurité qui laisse à désirer depuis le 14 janvier, surtout avec la montée exponentielle des actes de kidnapping, voyager dans un louage ou un taxi clandestin représente un risque. Karim (28 ans, ingénieur), nous raconte : «Le 26 janvier dernier, j'ai vécu l'un des pires moments de ma vie. Vers 20h30, après avoir quitté mon lieu de travail, je me suis dirigé vers la gare routière de Bab Alioua afin de prendre un louage pour rentrer chez moi à Nabeul. Et à ma surprise, j'ai trouvé la station complètement vide. Mais dès mon arrivée, j'ai été interpellé par un monsieur qui m'avait proposé de me prendre dans son Isuzu pour la somme exorbitante de 60dt. Vous imaginez ? Tout ça, parce qu' à cette époque, le couvre-feu était de mise et les louages et les bus rentraient plus tôt que prévu. Ce soir-là, après avoir attendu jusqu'à 21h30 en compagnie de 3 autres voyageurs, j'ai été obligé de rentrer à Nabeul dans une voiture Renault et Symbol équipée d'une plaque d'immatriculation bleue, c'est-à-dire une voiture de location (tout un symbole à cette époque!). Au début on s'était mis d'accord pour un prix de 5dt/personne avec le chauffeur et en cours de trajet, la tarification a grimpé à 6dt sous la pression du chauffeur. Vous ne pouvez pas imaginer la terreur qu'on a vécue ce soir-là. Car à tout moment, le chauffeur pouvait nous braquer.» Vu l'émergence de ces pratiques, on se pose la question suivante: à quand des mesures pour annihiler ce mal qui gangrène notre société ?