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Secousses (1)
OPINION?
Publié dans La Presse de Tunisie le 18 - 03 - 2011


Par Mohedine BEJAOUI *
La Tunisie indépendante depuis 1956 a attendu 55 ans pour vivre la libération. Emancipation des esprits, affranchissement de la peur, colère contenue depuis bien plus de 23 ans qui déposa le despote, déchira en un éclair la cuirasse d'une dictature, dont le poison s'est infiltré jusqu'au subconscient d'une mémoire collective aujourd'hui grisée par la victoire. Demain, une fois la gueule de bois passée, il faudra bien se désintoxiquer. Les dangers nous guettent, de l'intérieur, parce qu'un demi-siècle de parti unique a achevé de structurer le corps social autour du culte de la personne. L'inconscient collectif toujours fasciné par l'homme providentiel est aujourd'hui orphelin de l'incarnation personnifiée de cette révolution, succombant au syndrome de Stockholm qui n'est pas moins pertinent en psychologie de masse. Les régimes voisins ne nous apporteront aucune aide —doux euphémisme—; nous qui sommes désormais les empêcheurs de torturer en paix. Nous sommes seuls face à notre destin. Allons-y! Nous n'avons pas le choix. Notre hymne national, hymne à la célébration de la vie digne, poème qui a pris un sens historique ces derniers jours nous dicte cette injonction: Haloummou haloummou limajd el zamen!
Pendant un demi siècle, nous n'avions connu que deux règnes sans partage: celui de Bourguiba, un despote éclairé dont l'intégrité et le patriotisme sont incontestables, disciple de Voltaire et Rousseau dont il se garda bien d'appliquer les consignes durant un règne de 31 ans , à qui nous devons la santé, l'éducation et le statut de la femme, puis nous avions vécu sous l'empire mafieux d'un autocrate mal éclairé, tyran sans foi ni loi, qui doit au peuple tunisien des milliards volés et des vies brisées.
La chute du dictateur fut paradoxalement une revanche posthume de Bourguiba dont la fin de règne interminable accoucha du dictateur corrompu. Bourguiba laissa derrière lui un peuple civilisé sous des dehors bon enfant, c'est la civilisation qui renversa la barbarie, l'œuvre éducative de Bourguiba a démythifié le géant aux pieds d'argile et démystifié les agissements délictueux et immoraux du mafieux.
Les germes de la révolution étaient pourtant bel et bien là depuis le début des années 80, pourquoi avions-nous attendu si longtemps? Une succincte rétrospective permettrait d'appréhender les soubresauts qu'a connus la société tunisienne, de comprendre les aspirations actuelles et repérer les écueils qui se dressent sur ce chemin lumineux.
Il faudra au moins remonter à l'échec du modèle socialisant brutalement mis en place par l'hyper ministre aux cinq portefeuilles A. Ben Salah, qui lui coûta une lourde condamnation, et produisit par ricochet l'élimination d'une autre forte tête, A. Mestiri, un libéral du parti du président et néanmoins autre potentiel concurrent du père de la nation. Bourguiba, qui n'aime pas qu'on lui dispute sa succession —Bourguiba ne pouvait que succéder qu'à lui-même—mit fin au bal des prétendants en se proclamant en 1975 président à vie, instituant de fait une sorte de monarchie républicaine. Ce fut le début de la cécité politique d'un Bourguiba qui perdait avec l'âge de sa perspicacité et de sa hauteur de vue. De plus en plus coupé des réalités, peu à l'écoute du peuple, prêtant l'oreille à des courtisans qui s'évertuaient à lui présenter une Tunisie bien outrageusement maquillée, Bourguiba se fourvoyait, le système politique monolithique tunisien empruntait des chemins dangereux. En janvier 1978, un bras de fer entre l'UGTT (syndicat unique) et le PSD (parti unique) se dénoua dans le sang. Les Tunisiens gardent en mémoire la violente répression du " Jeudi noir ", première secousse tellurique qui révéla l'apparition de la première faille séparant la société de l'Etat tunisien. Arrivent les années 80, du libéralisme échevelé, celles du clientélisme, du népotisme, de l'affairisme sous la houlette de H. Nouira, Premier ministre puissant de Bourguiba vieillissant et très malade. Le syndicat monte en puissance, les grèves se multiplient, la centrale dirigée par un H. Achour de plus en plus tenté par le pouvoir devient un acteur principal de la contestation du régime. Dans les interstices d'un espace de dialogue rétréci, bourgeonna une nouvelle force politique parmi les opposants: la mouvance islamiste, mouvement qui eut toutes les chances de prospérer sur les décombres d'une promesse de modernité non tenue. Dans un contexte d'endettement et de contraintes budgétaires aiguës, le pays vivait une crise sociale sans précédent. Le gouffre ne cessait de se creuser entre la société et la sphère politique, les transformations sociales allaient trop vite, les instances politiques se sclérosaient. La crise économique profonde ne fera qu'accentuer l'incompréhension entre le peuple et ses gouvernants sans prise sur les mutations socioéconomiques à l'œuvre. Entre-temps, Bourguiba passait l'été à fêter son anniversaire à Monastir, la télévision nous rendait compte de ses pathétiques baignades quotidiennes. Tout va bien Madame la Marquise !
Rappelons qu'à cette époque, le FMI, qui après avoir joué le rôle de VRP de la finance mondiale pour recycler des pétrodollars coulant à flots, se convertit en recouvreur en chef des crédits impayés. Un plan d'ajustement structurel (PAS) sanctionna les mauvais élèves, la Tunisie de l'époque en faisait partie. Le gouvernement tunisien fut donc contraint d'annoncer la hausse des prix du pain et autres produits de première nécessité subventionnés. La révolte éclata comme souvent dans les régions les plus déshérités, les mêmes qui se sont soulevées il y a quelques semaines : Douz, Kébili, El Hamma, Gabès, Kasserine. Le 3 janvier 1983, Tunis et sa banlieue s'embrasent. Sous l'état d'urgence et le couvre-feu, Bourguiba, fit marche arrière et revint habilement sur toutes les mesures d'austérité; s'excusant du bout des lèvres de n'avoir pas mesuré le caractère excessif de ces hausses, il fit porter le chapeau à son Premier ministre M. Mzali — tenté par la succession- rééditant le coup qu'il asséna à A. Ben Salah quelques années auparavant des suites de l'échec de la socialisation qu'il mena à marche forcée. La révolte de 1983 coûta au peuple tunisien 143 morts et des centaines d'arrestations. Ce sera la première secousse sismique dans un sous-sol politique désormais animé par une tectonique erratique, invisible et néanmoins active. Bourguiba n'en tira aucune conséquence et commit une erreur historique de faire comme si de rien n'était.
Alors que la société politique était en perdition, dans une ambiance délétère propice à la montée inquiétante de l'islamisme, Bourguiba nomma Ben Ali directeur de la sécurité nationale, ministre de l'Intérieur, puis Premier ministre. Grisé par une ascension fulgurante, ayant goûté à l'ivresse du pouvoir, il en devint addict, Ben Ali déposa Bourguiba le 7 novembre 1987 par un "coup d'état constitutionnel" (!) L'événement fut vécu comme un soulagement par la majorité des Tunisiens.
Le règne sénile et interminable de Bourguiba emmenait le pays au bord du précipice, il fallait faire quelque chose. L'on connaît la suite, le gouffre pourtant bien profond ne cessait de se creuser entre la société civile et la société politique. Aussitôt intronisé président de la République, Ben Ali tourna le dos aux promesses d'ouverture, serinées lors de son discours d'investiture, il enfila lentement et fermement les habits du dictateur et s'accommoda des privilèges indus que lui accordait un système politique verrouillé.
Il ferma les yeux sur l'enrichissement crapuleux de son clan, profitant au passage de prélever sa part. La corruption et l'arrogance ne manquaient pas d'ajouter à l'incompréhension, l'arbitraire et l'humiliation. En quelques années, sa famille et ses proches amassèrent des fortunes colossales, faisant main basse sur des pans entiers de l'économie, la malversation fut érigée en système de gouvernement.
La révolte du pain, bien absorbée par l'habileté du combattant suprême pendant les années 80, — comme aimaient à l'appeler les courtisans de l'époque —, préfigurait ce qui se produisit à la fin des années 2010, au sud, au centre puis partout dans le pays. Le peuple tunisien qui a beaucoup changé en avait plus qu'assez d'être considéré comme un mineur inapte à l'émancipation, assujetti à un système véreux, immoral et coercitif. J'ai partagé avec mon peuple ce sentiment de honte et d'humiliation à chaque fois que je passais dans une rue, devant un édifice public, chez l'épicier, où je ne pouvais éviter le portrait du dictateur, me regardant de haut, la main sur son portefeuille — sur le cœur ! Les slogans à la gloire du tyran nous invitaient à suivre le guide myope : "Tous ensemble pour la Tunisie" ("Maan Min Ajli Tounis"). Il n'en tenait qu'à cela, nous l'avions fait, ensemble nous l'avions fait pour la Tunisie en se débarrassant du traitre et de sa pieuvre mafieuse.
Ma révolte était incommensurable cet été 2010, lorsque je lus sur tous les journaux à la solde du dictateur qu'un appel de centaines de l'élite tunisienne priait le tortionnaire de se représenter en 2014.
La Tunisie ressemblait de plus en plus à la Corée du Nord...un Etat corrompu, tortionnaire qui tient sous sa botte policière un peuple dans un coma définitif. Abattu, je perdis espoir et confiance en mon peuple. Je me trompais lourdement. Quelques mois passèrent, se produisit l'impensable.
* (Docteur ès sciences économiques, directeur général d'un centre de formation-France)


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