«A l'instar des autres pays, les jeunes s'intéressaient de moins en moins aux affaires publiques. En effet, les indicateurs de plusieurs organismes gouvernementaux et non gouvernementaux ont montré une faible participation des jeunes à la vie politique. Au cours de la dernière décennie, l'ancien régime a toujours reproché le manque d'engagement politique des jeunes. Mais, en réalité, ce sont les partis politiques et les anciennes structures qui n'étaient pas en mesure d'écouter les jeunes et de les attirer vers des programmes mobilisateurs. Pour certains, les jeunes constituent un facteur de propagande, plutôt qu'une cause à défendre. Pis encore, les structures, basées sur l'âge, ont gratifié les aînés de postes de décision, au détriment des jeunes, qui jouaient le simple rôle de figurants. En effet, la composante jeunesse a été parachutée dans tous les programmes politiques sans pour autant répondre aux attentes et aspirations des jeunes. En ces temps, l'attention des jeunes a porté sur des événements et consiste notamment à protester contre un texte de loi, défendre le peuple palestinien ou contester une décision politique… Donc on pratique la politique en dehors du mode classique, organisé et structuré, à savoir les partis, les syndicats ou les associations. En plus, les jeunes ont commencé à s'intéresser à la politique via Internet et les médias alternatifs, pour contourner la censure, très forte jusqu'au 14 janvier. On commence à avoir de l'information sur la politique de la Tunisie par d'autres sources. Cette sphère virtuelle a permis aux jeunes de s'exprimer librement et de coller à l'actualité nationale et internationale, notamment au sujet des droits de l'Homme et la violation de ces droits. Consciente des évolutions de la scène politique, la jeunesse, instruite, a participé dans une large mesure à la révolution. Sur la Toile, on remarque une prise de conscience remarquable de la part des jeunes à la vie publique. Malheureusement, ils n'ont ni l'expérience nécessaire ni les moyens suffisants. A cet égard, il convient de rappeler que la politique est un métier, une science et un art et ça demande de l'expérience et beaucoup de ressources. A l'heure actuelle, les jeunes sont avides de concrétiser leur passion à la politique en plans, programmes et actions. La problématique est donc de savoir comment transformer un tel mouvement social en actions politiques ? Le potentiel est là. Lors des derniers mois, les jeunes ont montré une grande capacité à se rassembler, s'organiser et agir, ce qui reflète une certaine maturité. Toutefois, plusieurs conditions doivent s'ajouter pour assurer une participation active à la vie publique. D'abord, il incombe aux acteurs politiques de s'ouvrir aux jeunes et de développer des partenariats solides et équilibrés. Ensuite, il faut mettre en place des plans d'encadrement et de formation au profit des jeunes acteurs pour se familiariser avec les modes de défense de leurs intérêts, les règles d'élaboration des programmes et les méthodes pour veiller à ce que les structures politiques considèrent leurs aspirations et leurs attentes. Enfin, les jeunes auront besoin de s'approprier les techniques de communication nécessaires pour prendre la parole, s'exprimer et mobiliser les autres». Propos recueillis par R. MAAMRI