Par Mohamed HADDAR * Le modèle de croissance suivi jusqu'à maintenant a montré son incapacité à répondre aux aspirations d'une population jeune et de mieux en mieux formée à la recherche d'opportunités d'emploi pour exprimer ses talents et sa créativité. Malgré une croissance économique relativement élevée et en dépit des multiples actions publiques en matière d'emploi, les pressions sur le marché du travail deviennent plus fortes. Dans tous les cas de figure, les acteurs actuels n'ont pas et ne pourront pas créer tous les emplois nécessaires. En raison de la faiblesse de l'investissement privé national, de l'ordre de 13 à 14% du PIB. Dans le même sens, les flux d'investissement directs étrangers, bien que significatifs, sont aujourd'hui insuffisants pour engendrer un transfert de technologie massif et contribuer de façon sensible à l'accumulation du savoir et donner lieu à des activités à haute valeur ajoutée. Sur la base de ce qui précède, il en découle un certain nombre de propositions. La Tunisie doit mettre en place un programme économique et social à la hauteur des ambitions du peuple tunisien. L'objectif est de passer d'une économie de sous-traitance à une économie de création et d'innovation. Si la stabilité politique est totalement assurée et si la transition vers la démocratie réussit, notre pays disposerait d'un excellent climat des affaires et du capital humain rendant possible l'adoption d'un nouveau schéma de croissance, l'élaboration d'un nouveau partenariat avec le capital étranger. Un nouveau palier de croissance : soutenir l'innovation Tous les économistes soutiennent qu'une réduction du chômage exige un taux de croissance annuel bien supérieur au taux de 5% réalisé au cours des décennies écoulées. Indépendamment de la valeur du taux de croissance avancé par les uns et les autres, il devient urgent de changer de modèle de croissance suivi jusque-là. L'économie tunisienne ne manque pas de ressources mais elle les exploite mal en se contentant d'exploiter ses ressources existantes, principalement le faible coût de la main-d'œuvre, le soleil et la mer… et en dépréciant sa monnaie. Elle n'a pas réussi à développer des activité incorporant plus de valeur ajoutée qui lui permettraient de mieux se hisser à un palier de croissance plus élevé et mieux partagé. Très fragile, le modèle suivi s'est rapidement retourné. Le pays doit construire des ressources spécifiques incorporant un savoir-faire et un contenu technologique élevé. L'un des axes majeurs pour modifier la dynamique tunisienne dans les années à venir réside dans la promotion d'une «économie fondée sur la connaissance (EFC)». Sur ce plan, il y a un consensus général. Cependant, il faut dépasser le discours et réussir à rendre effective l'émergence d'une telle économie. A ce niveau, la Tunisie a été jusqu'à ce jour hésitante à se lancer résolument sur un modèle de croissance fondé sur le progrès technologique, l'apprentissage continu et l'innovation où le capital humain joue un rôle décisif, où l'innovation est permanente et où le diplômé du supérieur devient l'atout principal du processus. Cette EFC requiert, entre autres, une population bien éduquée et créative, un climat de l'innovation propice à l'expression et la diffusion de la nouveauté, et plus généralement un cadre économique et institutionnel favorable à l'esprit d'entreprise et à la modernisation. Cela implique une révision de notre système éducatif, un nouveau système de rémunérations, une véritable modernisation de l'administration et une conception d'un système national d'innovation. Avec la Révolution et si la transition réussit, ces conditions pourraient être remplies. Ce modèle implique une impulsion de l'investissement national privé et un nouveau partenariat avec le capital étranger. Un nouveau rôle de l'investissement privé national et étranger La Tunisie ne peut se permettre d'accroître l'emploi au détriment de la productivité comme c'était le cas dans les années 70 et 80, car l'amélioration de cette dernière est une condition préalable pour relever le défi d'une concurrence mondiale plus intense. Le manque de dynamisme du secteur privé national est un élément structurel qui explique la faiblesse dans la création d'emplois. La concentration des PME, principales créatrices d'emplois, dans des secteurs à faible valeur ajoutée tels que le textile ou le bâtiment pèse sur la demande de main-d'œuvre qualifiée. La stratégie générale de ces PME, pour minimiser les coûts, est d'embaucher un plus grand nombre d'ouvriers à faible qualification et d'utiliser un stock de capital à faible niveau technologique. Une relance de l'investissement privé, national et étranger, est nécessaire. La prospérité future du pays repose, en grande partie, sur la capacité de ses futurs gouvernements à mettre en place un environnement propice au développement d'un secteur privé capable de relancer les défis. L'expérience internationale indique que les pays qui ont réussi ont fait un appel massif à des IDE porteurs d'un transfert technologique. Définir un nouveau partenariat avec ce capital étranger devient une urgence.