Par Elyès EL GHARBI En tant que citoyen tunisien n'ayant aucune appartenance politique ou autre, je voudrais adresser cette lettre au président de la République pour lui exprimer d'abord mon respect et lui faire part des craintes mais aussi des espoirs d'un citoyen pour qui la Tunisie est au-dessus de tout parti politique et de tout autre intérêt individuel ou collectif, quelle que soit sa nature. Il s'agit de déductions qui m'ont semblé pratiques et clairvoyantes dans cette étape transitoire pour faire dissiper au moins en partie les craintes du citoyen tunisien et rassurer le peuple sur son avenir. En 1956, après l'indépendance de la Tunisie, il y avait un grand parti politique qui avait dirigé avec succès la lutte contre l'occupation française et qui avait même ouvert la voie à d'autres partis africains pour obtenir l'indépendance de leurs pays. C'est ce parti qui a édifié les institutions de la première République tunisienne. Après le 14 janvier et le changement radical, rapide et inattendu, peut-on être sûr que les partis politiques actuellement présents soient vraiment capables d'accompagner la marche du pays vers une démocratie réelle sans crainte ? Quelques mois se sont écoulés depuis le 14 janvier 2011 et la majorité des formations politiques n'ont fourni aucun effort concret pour aider à instaurer la sécurité dans le pays ni à discuter d'une manière positive et efficace des vrais problèmes économiques et sociaux et à proposer des solutions appropriées. Ils n'ont fait que critiquer le gouvernement provisoire et accuser des «forces» dites «anti-révolutionnaires». Par ailleurs, et c'est le plus grave, la majorité de ces partis n'ont aucune expérience dans la gouvernance. Certes, les sacrifices de certains partis d'opposition méritent tout le respect du peuple tunisien et sa reconnaissance mais on ne peut les excuser de ne pas avoir une analyse objective des vrais problèmes du citoyen tunisien et de pouvoir participer dès le 15 janvier à fournir des efforts pour apporter un soutien au gouvernement, à l'Armée nationale et aux forces de l'ordre à minimiser les effets négatifs inhérents à toute révolution. Par ailleurs, pourquoi on parle beaucoup des hommes politiques et on a tendance à ignorer les réalisations du peuple tunisien. Le citoyen tunisien en 2011 n'est pas celui de 1956. Le peuple tunisien a accompli plusieurs réalisations et il doit en être fier. Les spécialistes politiques, économiques et socioculturels peuvent très bien identifier et énumérer ces acquis et je ne pense pas que tout Tunisien ayant la Tunisie dans son cœur soit prêt à sacrifier un de ces acquis. Quand on parle d'acquis cela dépasse à mon avis la Constitution de 1959 ou le Pacte républicain en cours de préparation mais cela doit englober toutes les valeurs positives de la marche du peuple tunisien avant, pendant et après la colonisation. J'ouvre une parenthèse pour dire que durant toute ma vie j'ai essayé par tous les moyens de convaincre des jeunes et/ou des amis de la grandeur de notre peuple sans résultats. En fait, le système politique, économique et socioculturel depuis l'indépendance jusqu'à la révolution du 14-1-2011 a fait que le Tunisien a le plus souvent un sentiment de sous-estime injustifié, en réalité, car il était imposé par des forces intérieures mais aussi extérieures. Le constat actuel plaide en faveur de cette hypothèse puisque lorsque le peuple tunisien se soulève c'est tout le monde arabe qui le suit et cela n'arrange absolument pas la majorité des grands de ce monde. Pour revenir aux acquis du peuple tunisien, il paraît que seul le référendum qui est la voix légitime du peuple peut exprimer sa volonté et ses désirs, à savoir garder ou non ces valeurs dans la nouvelle Constitution; c'est son plein droit, personne n'a le droit de le contester puisque c'est une deuxième urne du référendum qui va renforcer et guider la première urne de l'élection de l'Assemblée constituante. D'une manière pratique, peut-on parler encore de référendum alors que la date des élections est déjà fixée pour le 23-10-2011. En fait, pourquoi pas ? Cela demande du point de vue pratique à mettre à la disposition des électeurs une deuxième urne avec deux bulletins les plus simples du monde où est inscrit «oui» ou «non». Le président de la République pourrait, de par ses prérogatives, proposer ce référendum aux citoyens tunisiens dans un texte clair, simple qui sera préparé naturellement après concertation élargie et qui devrait comporter le maximum de nos acquis. L'opération paraît simple et totalement plausible. En fait, pour assurer une bonne transition, il semble que deux référendums au moins sont nécessaires. I- Premier référendum – Quand : le jour même de l'élection de la Constituante – Objet : voter par oui ou non naturellement. – En même temps, on accomplit son devoir déjà connu de l'élection de l'Assemblée constituante. Deux cas sont possibles : – Premier cas : oui au référendum et dans ce cas, l'Assemblée constituante est obligée d'élaborer la nouvelle Constitution sur la base du texte du référendum – Deuxième cas : non au référendum et dans ce deuxième cas, l'Assemblée constituante aura la liberté complète de rédiger une nouvelle Constitution II- Deuxième référendum Quelle que soit la Constitution nouvelle, il faut revenir au peuple tunisien pour un deuxième référendum pour l'approuver ou non : – Quand : le jour même des élections présidentielles – Objet : voter par oui ou non à la nouvelle Constitution Deux cas sont possibles : – Premier cas : oui pour la nouvelle Constitution et la légitimité des nouvelles élections est absolue et définitive – Deuxième cas : non à la nouvelle Constitution et c'est le nouveau présent et/ou parlement qui aura la responsabilité de proposer d'autres solutions pour élaborer une autre Constitution et c'est un troisième référendum qui tranchera. Je n'ai pas fait allusion aux délais car c'est l'affaire des experts. Ainsi, dans les deux échéances électorales : 1- Assemblée constituante+premier référendum sur les acquis 2- Elections présidentielle et/ou parlementaires et référendum sur la nouvelle Constitution, la voix du peuple est consacrée et nul ne pourra la contester et le citoyen a une liberté complète et surtout une responsabilité légitime de participer à l'avenir de la très très chère Tunisie. Que Dieu garde la Tunisie.