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« Les dissidences au sein du Conseil de l'Ordre sèment la suspicion sur la profession tout entière» Avocatie: Me Fathi BELAIBA, candidat au Conseil de l'Ordre
Aujourd'hui notre invité est Me Fathi Belaiba, candidat au Conseil de l'Ordre des avocats dont les élections se dérouleront conjointement avec celles du bâtonnier le dimanche 20 juin. Il nous parle ici des raisons de sa candidature et de son programme électoral. Interview. *Le Temps : Voulez- vous vous présenter ? -Fathi BELAIBA : Fathi BELAIBA, avocat en exercice depuis 26 ans, et candidat aux élections des membres du Conseil pour la seconde fois. * Est-ce que votre candidature n'est pas tardive ? -Ma candidature a été déposée dans les délais. Comme pour beaucoup d'avocats, qui représentent la majorité silencieuse dans la profession, les événements de cette année au niveau des structures représentatives de la profession m'ont ulcéré. Les acteurs de ces événements, toutes tendances confondues ont réagi avec excès et précipitation. Par delà les problèmes réels, ils semblent avoir oublié l'essentiel qui est la sauvegarde des intérêts de la profession. L'une des caractéristiques essentielles de notre corps a toujours été la solidarité et l'unité des structures représentatives chose que l'on ne trouve pas aussi marquée dans un aucun autre corps de métier. Comme chacun sait, l'administration d'une bonne justice suppose nécessairement un barreau fort, dont les membres puissent assumer pleinement leurs fonctions sans autre limite que le respect dû aux institutions. La perception et l'amplification par certaines parties des dissidences qui existent au niveau de l'ordre jettent la suspicion sur l'ensemble du corps de notre métier et affaiblissent les avocats collectivement et individuellement et c'est, en définitive, la justice et le justiciable qui en pâtissent en même temps que les membres de la profession. Tant que la profession était représentée par un bâtonnier incontesté soutenu par un conseil fort et solidaire, notre profession s'imposait par son rayonnement. En outre et surtout, on ne peut impunément s'attaquer (qui plus est de façon virulente) au bâtonnier, car il représente un symbole et c'est le seul responsable élu par ses pairs au suffrage universel . Attaquer le bâtonnier, c'est fragiliser la fonction. Ceux qui l'ont fait aujourd'hui oublient que si demain ils accèdent au bâtonnat, ils hériteront de l'institution qu'ils auront fragilisée. Je suis d'autant plus à l'aise pour le dire, que, dans le passé, je n'ai pas voté pour Maître Béchir ESSID, qui, d'ailleurs le sait : il doit être respecté en tant que bâtonnier de l'Ordre national des avocats. Pour ces raisons, j'ai décidé de me porter candidat aux élections des membres du Conseil, en espérant qu'avec le concours des hommes de bonne volonté, (et il en existe chez nous), ceux qui aiment réellement la profession, nous puissions redonner à la profession son lustre d'antan. * En quoi serez-vous utile à la profession? - Ne nous égarons pas. Georges Clémenceau avait dit que les cimetières étaient pleins de gens irremplaçables, qui avaient tous été remplacés. Ceci dit, il est évident qu'un rôle doit correspondre à un désir d'investissement personnel et de volontariat chez le candidat pour être assumé pleinement. La profession est pleine d'avocats qui auraient pu la servir dans les structures représentatives et qui, finalement, l'ont servi brillamment dans l'exercice quotidien de la profession, et ce par leur compétence incontestée : Maître Samir Annabi en est un exemple ; feu Maître Abderrahman Hila en était un autre. Je souligne à cet égard que la compétence suppose l'amour du métier (on ne peut pas réussir dans un métier aussi difficile que le nôtre si on ne l'aime pas) et l'honnêteté intellectuelle qui doit l'accompagner. En ce qui me concerne, ma pratique de la profession pourrait témoigner de l'amour et du respect que je lui porte depuis mon enfance car mon père, qui fut un homme de rigueur, était lui-même avocat et le respect que je lui portais, je le portais à sa profession et à sa robe noire qui m'impressionnait fortement. Les nombreux articles que j'ai écrits à partir de 1987 sur les effets de la suppression de la Cour de sûreté de l'Etat, ou sur le timbre d'avocat ou aussi bien sur les droits successoraux des épouses non musulmanes, et finalement la chronique de presse que j'ai publiée fin 2009 intitulée « La semaine du Palais » ainsi que ma pratique quotidienne de la profession peuvent témoigner du respect que j'ai et que j'ai toujours eu pour mes confrères stagiaires et non stagiaires. * Qu'est-ce qui distingue un programme électoral d'un autre : ne sont-ils pas tous similaires ? - Tout programme électoral est bon à prendre en tant que tel. Le tout est d'arriver à le réaliser. Et pour cela, la seule bonne foi du candidat ne suffit pas. Quand on est membre du Conseil des avocats, il faut oublier les divergences personnelles qui ont conduit à l'état où nous sommes aujourd'hui : la solidarité entre les membres du Conseil d'une part, et entre ces derniers et le bâtonnier d'autre part, par souci des intérêts de la profession, doit prévaloir. Autrement dit, les clivages et les sensibilités politiques de chacun, parfaitement concevables, respectables et naturelles, ne doivent pas nuire à la cohésion de l'action du Conseil. En outre, si on regarde de plus près certains programmes, on ne peut qu'être frappé par le caractère théorique de certains engagements : à titre d'exemple, proposer la modernisation de la profession est, en soi, une initiative très louable. Mais comment moderniser ? quelles sont les propositions concrètes à cet égard ? Pour reprendre votre expression, que proposez-vous de concret ? - En réalité, mes propositions concernent essentiellement deux points : 1- L'amélioration matérielle de la situation de l'avocat, et de l'avocat stagiaire en particulier et ce par l'augmentation de l'indemnité professionnelle et de l'indemnité de la Commission d'office. Il est également important dans un souci d'équité de désigner les avocats commis d'office (ce sont, en pratique, des stagiaires en pratique) à tour de rôle, ce qui peut être garanti par l'usage d'un programme informatique qui assure un minimum d'égalité. Le domaine d'intervention de l'avocat doit être élargi, pour la garantie d'une justice plus effective. Pour cela, l'organisation de l'aide judiciaire doit être généralisée. Je précise que l'avocat stagiaire devrait être admis à postuler dans les affaires qui, aujourd'hui, ne nécessitent pas le recours de l'avocat. Autrement, il sera le premier à pâtir de cette réforme, puisque, aujourd'hui, l'avocat stagiaire peut justement se constituer dans ces affaires sans restriction aucune. Je propose également : - le refus de toute installation de cabinets de conseils ou d'avocats étrangers en Tunisie, cela par le respect même du principe de l'égalité de traitement. Nous n'avons pas à ouvrir les bras à des pays où nous sommes, professionnellement, persona non grata ; - la modification de l'article 41 qui interdit strictement le pacte de quota litis, vers une plus grande souplesse ; - la suppression de la fonction de fonctionnaire rédacteur à l'administration de la propriété foncière ; - L'établissement par le Ministre de la justice et des Droits de l'Homme, après consultation du Conseil de l'ordre d'un seuil minimum d'honoraires que doivent respecter les clients des avocats (compagnies d'assurance et banques en particulier), et les juges sachant que l'avocat reste libre de s'entendre avec son client sur un seuil plus élevé. Cela aura pour effet de garantir un minimum de revenus, seul compatible avec la dignité de l'avocat. 2- Le second volet de l'action que je propose, vient de mon expérience quotidienne : Dès lors que l'avocat entreprend de représenter son client auprès de l'administration, et à chaque étape, il est d'usage qu'il rencontre un obstacle qui l'empêche d'assumer pleinement son rôle. L'administration estime que l'avocat ne peut représenter son client sans mandat exprès qu'auprès des tribunaux. En droit, l'avocat a toute qualité pour représenter et assister les personnes physiques et morales (je cite) « auprès de toutes les instances judiciaires et administratives » (article 2 de la loi n° 89-87 du 7 septembre 1989 portant organisation de la profession d'avocat). Plus particulièrement, l'avocat détenteur d'un jugement ou d'une ordonnance sur requête peut l'exécuter sans mandat, et ce, conformément aux dispositions de l'article 288 du code de procédure civile et commerciale qui énonce que l'exécution d'un jugement se fait sur la requête du bénéficiaire du jugement ou de son avocat. Il s'agit par conséquent d'être vigilant et d'intervenir auprès des hauts responsables de ces administrations pour les informer, les sensibiliser et instaurer d'autres pratiques conformes au droit et qui garantissent la rapidité et la simplicité des procédures et des services rendus finalement à l'administré. *Un dernier mot ? -Je lance un appel à tous ceux qui voudraient s'abstenir, parce qu'ils sont désabusés ; ils représentent à peu près 40 % des avocats ayant le droit de vote. Ces avocats refusent de participer aux élections parce qu'ils refusent de faire le jeu des clans. Or, cette attitude est pain béni pour les clans : elle fait leur affaire. La participation du plus grand nombre d'avocats est plus que souhaitable : elle est nécessaire pour que le futur bâtonnier soit choisi parmi les plus compétents (car ne l'oublions pas, la compétence, qui prouve l'amour du métier, confère l'autorité et le respect inhérents à la mission du bâtonnier). Cette participation est également nécessaire pour que le Conseil de l'Ordre de demain soit représenté par des professionnels dont l'unique souci est la sauvegarde de la profession. Interview réalisée par Néjib SASSI