Par Zohra BEN SLIMEN Trois ans après avoir adressé une lettre à monsieur Mohamed Ghannouchi, alors Premier ministre, dans le secret total et par l'intermédiaire d'une personne proche du pouvoir pour le sensibiliser à venir à notre secours et prévenir les dangers qui nous menaçaient, j'ai l'honneur et l'avantage de nos jours de pouvoir adresser cette nouvelle lettre ouverte, cette fois-ci espérant qu'elle trouvera un meilleur destin que sa précédente restée lettre morte. Résumé de l'affaire : Un membre de l'ancienne famille au pouvoir, soit Sakher El Materi, devait faire ériger à La Goulette, sur une superficie d'un hectare vue sur mer, un village touristique en rapport avec la Société Goulette Cruise (SGC). Une série de procédures ont été fabriquées de connivence avec certaines administrations pour l'éviction des 12 familles résistantes(au départ elles étaient 76) à une mise à la rue spectaculaire, sans avis préalable et par la force publique de ces dernières le 12 janvier 2010 à six heures du matin. Après que l'affaire eut pris une ampleur médiatique qui a dérangé l'ex-président au risque de ternir son image de prétendu juste et de protecteur du faible, ce dernier a ordonné la constitution d'une commission en vue d'une indemnisation des victimes. La commission était présidée par une personne mandatée par la présidence avec des membres de différentes administrations qui ont tous manifesté une certaine compassion vis-à-vis des victimes et confirmé dans les coulisses leur présence figurative et passive dans ladite commission que dirigeait la présidente d'une façon autoritaire, injuste et superficielle sans considération pour les victimes ni concertation avec elles. La solution imposée consistait en la construction d'un immeuble de trois étages à Khéreddine d'une superficie de moins de 800m2 composé d'appartements de différentes conceptions et superficies dont les critères de distribution étaient établis et appliqués d'une manière injuste et illogique. La remise des clés était prévue pour le 1er mai 2011, mais à ce jour le chantier, dont il n'y a aucune assurance sur l'existence des conditions minima de confort et de sécurité, n'est toujours pas terminé et aucune position officielle de l'administration ne nous a été signifiée. Les victimes sont en majorité en possession de l'unique projet de contrat imposé par la première commission présidentielle et qui est remis en cause en l'absence de ladite commission et de ses investigateurs dictateurs. Etat des lieux : Sakhr El Materi n'est plus là, la commission a disparu avec sa présidente et le terrain est toujours là, mais la municipalité l'a vite reconverti en un parc de loisirs, alors que les familles jetées à la rue le 12 janvier 2010 continuent à vivre exilées de leur milieu naturel et à se débattre contre des loyers imposés par leur état de sans-abri. Attente du nouveau gouvernement : Inviter les différentes administrations concernées à la constitution urgente d'une nouvelle commission compétente qui siègera en vue de se rapprocher de l'ensemble des victimes qui, tout en comprenant les priorités du gouvernement provisoire, comptent sur la continuité de l'administration et sur l'Etat de droit pour croire que ce qui constituait un rêve accompagnant des procédures judiciaires entravées de tous les sens avant le 14 Janvier, ne peut que devenir une réalité, sans besoin de recoure à la justice, dans cette détermination collective et quasi générale de réconciliation avec les droits en commençant par ceux de la dignité et du choix de l'habitat. Pour cela, ladite commission devrait : - Eclairer sur la nouvelle situation du terrain ( valeur, statut, affectation et destination). - Mettre en place et activer la procédure de remboursement des loyers que subissent les victimes mises à la rue depuis le 12 janvier 2010 - Trouver une solution d'hébergement des victimes qui se trouvent confrontées à des loyers dont la valeur est souvent multipliée à cause de la saison estivale. Nous comptons sur votre habituelle qualité de sauveteur des situations difficiles pour que le dossier Bratel de la Goulette trouve une issue salutaire pour toutes les parties concernées d'autant plus que Monsieur le ministre des Domaines de l'Etat, contacté depuis le début de la révolution par certaines des victimes, avait fait montre d'une compassion et d'une compréhension augmentant leurs espoirs de réhabilitation de leurs droits, mais les faits sont que les douze familles ignorent toujours si la révolution du 14 Janvier apporterait les fruits de leur propre révolution qui avait commencé il y a quelques années quand ils ont refusé de céder aux pressions par structures interposées des anciens dictateurs.