Par Aman Allah BELKHIRIA* Les dernières décisions du ministère de la Jeunesse, des Sports et de l'Education physique semblent aller vers une réalité incontournable de restructuration de toute l'activité. Personne ne peut nier la bonne foi et l'abnégation du Dr Aloulou en vue de parer au plus urgent, à savoir créer le maximum de postes d'embauche pour les diplômés de la manière la plus équitable possible, et " réanimer " l'activité sportive dans les limites du possible. Heureusement que dans ces deux volets, les résultats ont été assez satisfaisants, voire bons. Or, si à cause du caractère provisoire de sa mission le ministre a essayé de parer au plus urgent et à bien gérer le quotidien, il ne semble pas avoir poussé (ni même pensé) dans le sens d'une réflexion sur la restructuration du département par une projection adéquate conforme aux nouvelles normes " post-parti-unique ". En fait, toute réflexion objective ne peut se faire que par une personne détachée de toute contrainte ou intérêt personnel, ce qui est le propre du chercheur, et que ne peut aisément faire un agent, ni même un cadre impliqué dans un processus global. On commence par un constat objectif observable au moyen de paramètres et de critères quantifiables, ensuite viendront les projets d'action, leur application, le suivi et leur évaluation. Mais d'abord, il s'agit de définir nos finalités : que voulons-nous, où voulons-nous aller dans ce département ? L'objectif doit être clair, quantifiable, observable. C'est justement ce que nous semble être peu évident au niveau de ce ministère : on s'est habitués aux dogmes du passé, ceux de " l'élite comme fin en soi ", " une grande pyramide pour avoir une élite forte", le sport scolaire comme vivier du sport civil, etc. Sauf que tous ces paradigmes sont, selon nous, antisociaux de par leur nature élitistes, et donc d'exclusion des moins bons. Pour nous, la pratique sportive est avant tout un droit, un élément de la justice sociale. Le sport est d'abord éducatif, socialisant et évidemment hygiénique, il est le meilleur moyen de renforcement de la santé physique et morale des jeunes et aussi des moins jeunes. Moult personnes ont décrié l'insignifiance du nombre de pratiquants effectifs en Tunisie : les statistiques prouvent que le nombre réel des pratiquants sportifs est dérisoire par rapport à ce qu'il devrait être et en comparaison de nos voisins algériens (Taekwondo : plus de 380.000 licences) ou français (natation : 800.000). L'énorme paradoxe, c'est que notre élite brille relativement de mille feux. Ce qui confirme d'ailleurs qu'une bonne approche méthodologique de détection et d'orientation des talents, que nous avons d'ailleurs menées, suffit à produire des champions, loin des dogmes du "sport scolaire", de la fameuse pyramide et autres valeurs de Boy-Scout. Voilà un réel sujet de réflexion : que veut-on ? Cherche-t-on la gloire d'un " Zinochet " , de l'ex RDA, des aparatchiks de l'ex-Urss et autres ? Cherche-t-on l'accessibilité de la pratique de l'activité physique et sportive pour tous, ne peut-on concilier les deux ? Il est évident que l'ancien régime n'a cherché que la gloire de l'élite au détriment du social. N'a-t-on pas annulé l'épreuve du Bac Sport ? N'a-ton pas limité les séances d'éducation physique à leur plus simple expression avec trop peu de moyens matériels et humains? Le pire c'est d'avoir instauré cette forme hybride du " baccalauréat option sport " qui n'existe nulle part ailleurs et qui mène au désastre des milliers de familles et leur progéniture, n'offrant que des illusions et aucune perspective d'embauche. Tenez-vous bien, on sait que rien qu'à ce jour, près de cinq mille élèves étudient dans cette branche au lycée, que près de six mille diplômés sont en attente d'une chimérique embauche et que près de six mille autres étudiants poursuivent leurs études dans les quatre ISSEP à l'Ecole Supérieure des cadres de la Jeunesse de Bir El-Bey alors que la moyenne d'embauche au ministère n'est que de deux cents personnes : une vraie hémorragie et quel gâchis. Structures sportives : le débat semble ouvert concernant les clubs, les ligues, les joueurs de football, etc... Or, il est de notoriété publique que les nouveaux textes organisant les structures fédérales ont été décrétés à la va-vite sous l'autorité directe des barons de l'ancien régime : le flou en est la seule impression que l'on en garde, l'exemple du bureau fédéral de natation gagnant avec à peine un tiers des voix, ou la polémique " bac plus 2 ou deux ans au supérieur " , celui des anciens responsables, etc., l'expertise comptable des dépenses demeurant toujours dépendante d'un cadre ou d'un simple agent du ministère de tutelle et puis, les très douteuses prérogatives des "membres fédéraux bénévoles " élus pour servir et qui gardent toute la latitude de " se servir " et surtout de décider du technique. Le staff technique n'a pas de statut, il est tributaire du bon vouloir des membres du bureau fédéral sinon des cadres du ministère, administrateurs avant tout de par leur statut et qui, quelles que soient leurs compétences, ne pourront jamais rivaliser avec les techniciens de la discipline sportive Nous ne pouvons plus rester dans l'expectative des nouvelles restructurations au niveau de l'Etat : agissons pour le meilleur d'une justice sportive, d'une éthique socialisante et non élitiste, même si notre présence à nous sur terre n'est finalement qu'éphémère.