• Le nombre des victimes de la révolution a atteint 238 dont 33 ont péri dans les prisons • 113 procès en cours et arrestation de 54 agents de l'ordre • 15 anciens ministres et responsables, dont Ridha Grira, seront auditionnés par la Commission dans les prochains jours Les données fournies, hier, par Me Taoufik Bouderbala, président de la Commission nationale d'investigation sur les abus enregistrés au cours de la période allant du 17 décembre jusqu'à l'accomplissement de son objet, n'ont pas manifestement répondu aux attentes des journalistes ni satisfait leur désir d'en savoir plus sur les dossiers qui continuent à retenir l'attention des citoyens, à l'instar des snipers, des meurtriers des martyrs de la révolution qui sont toujours en liberté, du nombre des prévenus arrêtés à la suite des investigations dirigées par la commission, des anciens ministres interrogés par les membres de la commission, de ceux qui le seront prochainement, des certificats médicaux et des autopsies ainsi que des analyses balistiques effectuées par les médecins mais contestées par les familles des victimes, campant toujours sur leurs positions et préservant leur méfiance à l'égard de tout ce qui se fait actuellement afin que justice soit rendue aux martyrs et à leurs familles, etc. La commission a, en effet, proposé, hier, aux journalistes un communiqué de presse comportant les détails sur les investigations qu'elle a menées au cours des trois derniers mois. «D'abord, nous pouvons dire que la commission est parvenue à parachever son action d'investigation dans l'ensemble des gouvernorats du pays (couverture totale)», a notamment souligné Me Bouderbala. Il apparaît, également, que les membres se sont déplacés aux centres d'arrêt pour écouter les accusés et les anciens responsables arrêtés dans le cadre des instructions en cours. «Nous avons procédé à l'écoute et non à l'interrogatoire de 18 responsables en état d'arrestation dont de hauts responsables au ministère de l'Intérieur, des anciens ministres et des responsables du RCD dissous», précise encore le président de la commission. Pour ce qui est des snipers dont le dossier continue à être au centre des préoccupations des citoyens, principalement les familles des victimes, il a notamment souligné que «tous les anciens responsables sécuritaires auditionnés par les membres de la commission ont nié le recours à de tels spécialistes connus sous l'appellation snipers lors des confrontations avec les contestataires au cours de la révolution, dans les différentes régions du pays. Ils ont tous affirmé qu'il n'y a pas de corps spécialisé portant l'appellation snipers au sein des forces de sécurité intérieure». La commission a, toutefois, adressé une correspondance officielle au ministère de l'Intérieur, depuis plus de deux mois, lui demandant de lui faire parvenir l'organigramme du ministère afin de vérifier si ce corps existe ou non parmi les corps relevant du ministère. «Notre correspondance n'a pas reçu de réponse depuis le 26 mai 2011, mais nous restons attachés à ce que le ministère nous fournisse la réponse que nous demandons», précise-t-il. Une haute capacité de tir à distance Quels sont les résultats auxquels ont abouti les investigations entreprises par les membres de la commission auprès des témoins et des victimes ainsi que de leurs familles ? Me Taoufik Bouderbala est catégorique sur les trois faits suivants. D'abord, l'enquête a montré que plusieurs personnes ont été tuées ou touchées par «des éléments qui bénéficient d'une haute capacité de tir à distance, qu'ils se sont positionnés dans des lieux qui leur permettent de choisir leurs victimes avec précision et qu'ils ont agi sans sommation des victimes. Ainsi, nous pouvons affirmer que des opérations de snipers ont bel et bien eu lieu». Ensuite, la commission a fait documenter deux cas à propos desquels les témoins affirment avoir vu des rayons de laser avant que les victimes ne soient touchées par les tireurs à distance. Enfin, la commission est parvenue à la conclusion que certains éléments appartenant à plusieurs corps sécuritaires spécialisés en matière de confrontation des manifestants sont astreints à des entraînements intensifs dans le domaine du tir à distance, ce qui va de pair avec certains témoignages qui parlent de renforts sécuritaires inhabituels et qui faisaient observer également que des éléments de ces unités tiraient sur les manifestants du haut de certains immeubles. 193 procès et 54 agents de l'ordre arrêtés A propos des interrogations des citoyens sur les causes de la non-comparution devant la justice des prévenus accusés des meurtres perpétrés contre les manifestants, Me Bouderbala a précisé «que tous les cas de décès ont été transmis au ministère public, que des instructions ont été ouvertes dans tous les crimes d'homicide commis depuis le déclenchement de la révolution jusqu'à aujourd'hui et que plusieurs parmi les prévenus désignés par la commission ont été arrêtés». Il a indiqué que 193 procès ont été intentés contre les présumés assassins des martyrs de la révolution. D'autre part, 54 agents de l'ordre ont été arrêtés dont 14 dans l'affaire de Ouerdanine (affaire de la fuite de Kaïs Ben Ali qui n'a jamais été prouvée) sans prendre les policiers poursuivis dans ces mêmes affaires mais qui sont restés en état de liberté. La commission a également écouté les victimes parmi les forces de sécurité intérieure et de l'armée (dont certains ont contacté par eux-même la commission) et a demandé aux ministères de l'Intérieur et de la Défense nationale de lui faire parvenir les dossiers de ces victimes. Malheureusement, les correspondances de la commission sont restées lettre morte. Volet événements de Métlaoui, les membres de la commission se sont rendus sur place du 5 au 8 juillet et ont dialogué avec toutes les parties impliquées. «La commission propose, souligne Me Bouderbala, l'organisation d'une conférence nationale à Métlaoui qui aura pour objectif de contribuer à la réconciliation escomptée entre toutes les parties, et ce, en vue de renforcer l'unité nationale et d'éradiquer l'esprit tribal». Près de 1.000 citoyens auditionnés à Kasserine Répondant aux questions des journalistes, Me Taoufik Bouderbala a affirmé que la commission a effectué 43 visites dans tous les gouvernorats du pays depuis fin mars jusqu'au 8 juillet 2011, qu'elle a rencontré les parents de toutes les victimes et qu'elle est parvenue à dresser le nombre définitif des morts qui s'élève à 238 dont 33 ont été enregistrés dans les prisons. Le nombre des blessés a atteint 1.380, alors que les actes de destruction des biens privés se chiffrent à 347. La commission a traité jusqu'au 14 juillet 2011 quelque 1.965 dossiers. Il a également relevé que le rôle de «la commission consiste à recueillir des informations et non à extorquer des aveux», ajoutant que les prévenus sont arrêtés au cas où leur culpabilité serait prouvée. «Près de 1.000 citoyens ont été anditionnés à Kasserine par les services de la justice et la commission écoutera au cours de la période à venir 15 anciens responsables et ministres dont Ridha Grira, ancien ministre de la Défense nationale», a encore précisé Me Bouderbala.