Les férus de musique instrumentale ont eu raison d'être au rendez-vous. Les frères Gharbi ont, en effet, donné, jeudi dernier, au palais d'El Abdelliya, un spectacle fort en émotions et en prouesses techniques. Ces jumeaux forment, déjà, par eux-mêmes un orchestre imposant, dont les notes lyriques du violon de Mohamed répondent aux sollicitations du luth de Béchir. Que dire lorsque à ce duo s'ajoutent les murmures du piano et les expressions du tamtam et du «bendir». Il faut dire que l'assistance n'était pas venue en masse. Mais pour de pareilles musiques, seul un public connaisseur et passionné s'y rend avec la quasi certitude de trouver ce dont ses oreilles ont besoin. Le spectacle commence avec un «Samaï Hijez Ouchayrane»; un morceau «lucide», à dominante triste, qui met d'emblée en exergue les deux instruments de base, à savoir le violon et le luth. Puis, les jumeaux nous offrent «al kafila» (caravane), une pièce qui, tout en se basant sur ce duo instrumental, introduit avec souplesse percussion et piano. Et l'on comprend, aussitôt, le choix de cet intitulé, tellement la musique nous plonge dans un tableau d'aquarelle, où le fond serein du désert est ponctué par le rythme redondant du galop des chevaux. Le public reste silencieux et attentif à tant de prouesses et de créativité. Chacun vaque à son imagination, s'appropriant, sans doute, ce flot d'émotions, le convertissant en l'expression parfaite de ses propres émois. Et les morceaux s'enchaînent dans une progression à la fois agréable et surprenante. Les compositions de Mohamed, celles de Béchir ou encore celles concoctées en commun convergent toutes vers une même perception de la musique, vers le choix audacieux et l'intéressant panache des «makamet» (modes). Du «samaï kordi», à «Khawater» (dont leur album porte le nom), les morceaux se succèdent, tenant le public en haleine. La musique des frères Gharbi commence toujours par des notes sereines, «disciplinées» pour s'enchaîner et monter en crescendo, suivant les folles inspirations des jumeaux. Certaines pièces reflètent une transe créatrice des compositeurs, traduite notamment par la synchronisation frénétique et ascendante à la fois, de tous les instruments. Après tant de découvertes et de surprises, le public a eu droit à un moment de nostalgie, les frères Gharbi ayant pris le soin de le "bercer" par un morceau connu et fort apprécié par plusieurs présents. Il s'agit de «Taammoulet» (méditations) qui a déjà été présenté dans le cadre de la récente édition du festival de la musique et qui n'a cependant pas été récompensé par le jury, au grand dam d'un public réjoui. Le spectacle s'achève par une nouvelle pièce intitulée «Nozha» (promenade) qui apporte un souffle différent au répertoire des Gharbi, étant imprégnée d'une légère, mais perceptible touche de jazz. Du début jusqu'à la fin du spectacle, pas un seul spectateur n'a quitté sa place, pas de chahut ni de bruitage dans l'espace. Seule la musique, et de la bonne, a résonné dans le lieu. A l'évidence, satisfaits de leur performance et de la réaction d'un public régalé, les frères Gharbi réapparaissent sur scène pour rejouer «Nozha». Une dernière brise musicale après un tourbillon d'émotions.