Par Soufiane BEN FARHAT L'acharnement qu'ont mis certains partis à se chamailler sur les dispositifs de la loi impliquant le financement des partis politiques est paradoxal. Il s'est en effet accompagné d'un mutisme plus que parfait sur la teneur des articles âprement disputés. Finalement, l'opinion n'en sait rien. Qu'à cela ne tienne. Certains partis politiques s'en soucient comme de la cadette de leurs sous-préoccupations. L'opinion se réduit pour eux à une simple donne électorale, "formatable" à souhait au besoin. Entre-temps, le jeu d'ombres, d'escamotage et de simulacre investit la place. Le constat est amer. Mais les faits sont têtus. Ici comme un peu partout ailleurs, l'argent est le nerf de la guerre. Et l'argent des partis politiques est essentiellement l'argent du contribuable. Plus d'un s'interrogent déjà : Pourquoi diable faut-il que le citoyen supporte le financement des partis politiques ? Lorsqu'on sait la vraie place des partis dans le cœur et la conscience des Tunisiens, la question interpelle à plus d'un titre. Et puis la sagesse populaire instruit bien que «celui qui ouvre un moulin doit le pourvoir d'une cloche». Sachant que bien des formations politiques nouvellement créées ne sauraient être expliquées que par les seuls coups de tête et autres élans fantaisistes. Et ce n'est que la face visible de l'iceberg. Certains partis politiques ont bataillé mordicus –et obtenu gain de cause – pour que les entreprises et personnalités privées puissent financer les partis politiques. Charges non voilées, pressions, menaces de retrait et entourloupettes savamment dosées ont fini par être payantes. Là aussi, des questions fondamentales demeurent posées. N'y a-t-il pas danger de privatisation des partis politiques et, au-delà, de la vie politique dans son ensemble ? Les partis, entendons-nous bien, ne sont pas des sociétés avec registre de commerce en sus. Ce sont des instances par essence et vocation publiques. Avec une personnalité morale reconnue et légalement consacrée comme telle. Pourquoi faudrait-il dès lors que les mercanti et entreprises privées se mettent à financer les partis politiques ? En la matière, tout effort mérite rétribution et tout financement engendre des dividendes. Quels seraient les dividendes d'une entreprise privée finançant les activités et la campagne d'un parti politique ? Cela saute aux yeux des aveugles. Les débats à ce propos ont été houleux mais confidentiels. Le modus vivendi dégagé est bien l'affaire des participants aux joutes oratoires. Mais, à bien y voir, et à défaut d'une réelle consultation populaire, les dispositifs si controversés devraient demeurer contraignants conventionnellement pour ceux qui y ont souscrit. Lorsqu'on sait que ces dispositifs feront l'objet d'un décret-loi, on mesure leur ampleur. Mais l'on sait également que ledit décret-loi est taillé sur mesure à l'aune de la pré-phase transitoire. Au-delà de l'élection de l'Assemblée constituante, il sera nul et non avenu. Et c'est de bonne guerre pour ainsi dire. Pareils textes devraient être conçus, élaborés et débattus par la nouvelle Assemblée constituante. C'est à elle qu'il appartient de proposer une Loi fondamentale ainsi que les codes et lois nécessaires au bon déroulement des affaires de la cité. Les lois sont faites pour être générales, impersonnelles, d'application immédiate et n'ayant guère d'effet rétroactif. C'est le b.a.-ba. Le financement des partis politiques dépasse d'ailleurs le cadre défini par la nouvelle loi. Il provient également des associations, proches, amies ou inféodées à certains partis. Il s'élargit par ailleurs aux instances médiatiques, journaux et magazines partisans inclus. Lesquels associations et supports médiatiques finissent par nourrir les pommes de discorde plutôt que de fédérer les protagonistes. C'est dire l'importance de l'examen approfondi de la problématique par la nouvelle Assemblée constituante qui, si tout va bien, verra le jour au lendemain des élections du 23 octobre. Autrement, l'opportunisme produira à terme des effets pervers dont tout le monde pâtira, sans exclusive.