Par Khaled TEBOURBI Comment le voudrions-nous ce premier Ramadan de la révolution? De préférence, le moins révolutionnaire possible. La révolution n'épargne rien sur son passage. Le pire, saluons ! Mais souvent aussi le meilleur. Depuis le 14 janvier, elle est déjà venue à bout de nombre de nos rudiments de civisme. Il est à craindre qu'elle emporte le meilleur du Ramadan tunisien : son légendaire esprit de tolérance. On a déjà observé les Salafistes en action. De même que les Nahdhaouis au sein de la Haute instance. Ce n'était que menu fretin, mais cela «ruait» bien fort. Que dire de ce que pourrait être l'attitude des uns et des autres dans les jours à venir si les humeurs se radicalisaient à la moindre «entorse» aux usages et aux coutumes du mois saint? Mais la tolérance est l'affaire de tous. Nos républicains et nos laïques ne font pas mieux quand ils persistent à croire qu'ils sont les seuls dépositaires de la vérité. Ignorant l'existence d'une frange entière de leurs concitoyens, foncièrement musulmane et croyante, et ô combien jalouse de sa culture et de son identité arabo-islamique. On en discutait l'autre jour entre collègues. La fin de la dictature a révélé au grand jour la véritable configuration idéologique de la Tunisie. C'est une Tunisie «mixée» à parts quasiment égales. Moderniste et progressiste et, tout à la fois traditionaliste et spiritualiste. Si elle est unie dans une même aspiration démocratique, cela ne signifie pas, pour autant, que toutes ses composantes partagent la même vision et le même idéal de société. On en aura le cœur net le 23 octobre prochain. En attendant, ce Ramadan 2011 sera un test pour tout le monde. On verra, sous peu, si les positions sur la religion resteront aussi intransigeantes, aussi tranchées, ou si la vertu citoyenne prendra en fin de compte le dessus. En tout état de cause, si les Tunisiens veulent vraiment passer un mois de Ramadan dans la concorde et la paix civile, s'ils veulent préserver leur choix commun de liberté et de dignité, ils n'ont d'autre voie à suivre que celle de la reconnaissance mutuelle et du compromis. Une courte «pause révolution», voilà ce dont ils ont le plus besoin dans les circonstances actuelles. Les saines et légitimes rivalités politiques pourront s'exprimer à loisir après les élections. Pas dans ces conditions A propos d'élections, plus précisément d'inscription sur les listes électorales, les réalités sur le terrain ne concordent toujours pas avec les discours officiels. M. Kamel Jendoubi est venu nous rassurer l'autre soir sur la chaîne nationale. Il a confirmé la prorogation du délai. Et il a promis d'activer davantage et de diversifier les services. On a visité quelques bureaux. Il y avait de longues files d'attente et un guichet unique pour le public. Ajoutés à l'étroitesse des lieux et à la chaleur insupportable. Les Tunisiens ne font pas la fine bouche devant la Constituante. Ils accourent par dizaines de milliers ces derniers jours. Mais ce n'est pas en leur proposant de telles conditions qu'on les incitera à venir en plus grand nombre. Même si le délai est prorogé. Même si les services sont diversifiés. Ce qu'il faut, c'est plus de guichets. C'est de meilleurs espaces et un meilleur personnel. Ce n'est pas concéder de petites «gâteries» aux électeurs. C'est les amener à être plus fiers et plus solidaires de leur révolution.