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Sécurité sociale et justice sociale : une illusion ?
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 04 - 08 - 2011


Par Kamel Essoussi*
Dans le café populaire que je fréquente, deux cercles d'habitués à s'attabler pour boire un café qui refroidit à force de moisir dans le verre des heures durant: des vieux retraités qui ruminent les souvenirs d'une carrière derrière eux; de l'autre côté, un groupuscule de jeunes paumés désœuvrés, oisifs chômeurs qui entretiennent l'espoir d'une vie meilleure. Caractéristique commune‑: l'inactivité. Différence de taille‑: les retraités accourent tous les 22 du mois au bureau de poste pour retirer leur pension et discutent des prochaines augmentations; les jeunes se contentent de se disputer en commentant les victoires ou les déboires de leur équipe de foot favorite. Au milieu de ces deux cercles d'éternels habitués, très peu d'actifs travailleurs occupés dans un emploi structuré rémunéré qui débarquent le plus souvent les week-ends et qui se racontent entre collègues la sveltesse de la nouvelle secrétaire et la vie de plus en plus chère.
Ce décor qui paraît anodin érige pourtant le café populaire en café- théâtre de transferts sociaux et d'enjeux financiers importants entre ses acteurs qui peuvent mieux être perçus si on les traduit à l'échelle nationale dans le secteur public (fonctionnaires et agents des entreprises publiques). Cela veut dire à cette échelle que 613.000 personnes actives, heureuses de travailler encore, cotisent à raison du quart de leur salaire pour financer difficilement et avec un effort contributif de plus en plus soutenu et périodiquement sollicité, les rentes de 239 110 pensionnés dont le montant est aux environs de 130 milliards / mois soit la coquette somme de 1462 milliards /an. Des 750.000 chômeurs, personne n'en a cure. Les transferts sociaux ne les concernent pas puisqu'ils s'opèrent des travailleurs vers les pensionnés. Mais quel est le problème, me diriez-vous ?
C'est justement tout le problème de la protection sociale. C'est d'abord un grave mélodrame d'injustice puisque 10 de nos aînés âgés de 60 ans et plus se partagent tous les mois 7.000 D alors que 70 autres jeunes attablés à côté ont du mal à payer leur boisson. Mais c'est aussi un mélodrame financier entre les actifs travailleurs et les retraités car les 30 jeunes habitués du café actifs supportent toujours seuls le financement des pensions et sont convaincus qu'ils ne sont plus en nombre suffisant pour pouvoir mobiliser les 7000 D chaque mois servis à nos aînés. Comment y remédier?
Assurer un revenu aux jeunes sans emploi
C'est la première des priorités. Mais dans la conception actuelle de la protection sociale héritée des principes de Bismarck où seuls les travailleurs peuvent en bénéficier, il n'y a que l'assurance chômage qui puisse dans ce cadre résoudre le problème. Mais encore faut-il que les travailleurs et les employeurs se résolvent à la financer, ce qui est quasi impossible au taux de cotisation atteint aujourd'hui. Et puis l'ancienne école des sbires de Ben Ali, fuyant ses responsabilités, argumentait toujours son refus de cette assurance chômage sous prétexte qu'elle encourage à l'oisiveté, bien que cette prestation soit inscrite dans les 9 branches de la sécurité sociale que tout Etat, signataire comme le nôtre de la convention n°52 de 1952 du BIT, se doit d'instaurer.
C'est du reste pour ces raisons et pour éviter que des franges entières de notre société restent sans ressources que l'idée d'un socle de la sécurité sociale a été récemment introduite par les instances internationales. Ce n'est plus la conception «‑bismarckienne‑» à base professionnelle qui est de mise mais la conception de Beveridge dite «‑universelle »qui est remise au goût du jour. La sécurité sociale pour pouvoir jouer son rôle de lutte contre la pauvreté et l'exclusion doit savoir assurer à tous les citoyens résidents par le biais de l'impôt des besoins élémentaires concrétisés par un revenu minimum accompagné d'une couverture maladie. A ce socle de base se superposerait un second palier de la sécurité sociale professionnelle actuelle financée par la profession, avec pour les plus nantis d'entre nous un troisième palier facultatif d'assurances privées pour mieux arrondir ses rentes au moment où on cesse la vie active. C'est une première piste fondamentale pour résoudre en profondeur les maux de notre protection sociale mais elle est hautement périlleuse. Elle nécessiterait un coup de pied dans cette ruche pour recenser d'abord les ressources disponibles en cotisations et en impôts, recenser les besoins de chaque catégorie sociale et mieux répartir ensuite ces immenses sommes d'argent en fonction des besoins de chacun . C'est tout le problème à résoudre et il n'est pas mince du tout. Tous les pays qui ont osé se frotter à cette ruche se sont fait piquer.
Résoudre les graves problèmes financiers des retraites
Pour ce faire, il va falloir au préalable lisser, rationaliser et éviter les dérives du second palier constitué par notre sécurité sociale actuelle à consonance professionnelle. Si on reprend l'exemple du café-théâtre, il va falloir vulgariser pour les retraites la notion de «‑répartition‑» ignorée par la majorité de nos acteurs sociaux et clé de voûte du processus. Les 10 retraités du café ont besoin de 54 cotisants actifs pour financer leurs retraites. Or ils ne sont que 30 uniquement. C'est le mal démographique structurel des retraites. Son corollaire de complications économiques est concrétisé par le chômage endémique car le tissu de nos entreprises et de notre Fonction publique n'arrive pas à absorber et donc à embaucher les 25 actifs cotisants qui manquent.
Le crachouillis de réformettes injectées jusqu'ici dans le système tel qu'augmenter les cotisations et donc pénaliser les actifs et les employeurs n'est plus possible car cela a toujours été la solution de facilité sur laquelle on s'est rabattu et qui a montré ses limites. Reculer l'âge de la retraite peut être une seconde alternative mais elle se fera au détriment de l'embauche des jeunes qui continueront à moisir devant le café sans ressources. Reste la solution la plus douloureuse et que nos dirigeants sous l'ère de Ben Ali n'ont jamais osé prendre : atténuer les largesses et les folies dépensières dispensées à nos aînés qui n'en demandaient pas tant, décidées par le législateur en 1985 et avec la complicité d'administrateurs peu au parfum des prévisions actuarielles, peu regardants des déséquilibres démographiques structurels, peu courageux pour prendre le taureau par les cornes et rectifier le tir au moins pour les retraités à venir. Et pourtant la recette n'est pas difficile à concocter : il suffit de décrocher avec l'idée entretenue que les retraites sont le prolongement du revenu de l'activité puisqu'elles ne sont réellement qu'un revenu de remplacement pour assurer les besoins spécifiques de nos aînés. De là, viendraient l'abolition inéluctable de cette hérésie du dernier salaire de référence pour le calcul de la pension, de ce massacre de l'équilibre appelé revalorisation ou péréquation automatique des pensions et qui est un délire purement tunisien puisqu'il aligne les augmentations sur les homologues actifs. Il va falloir assurer de plus une gouvernance qui soit prudente en évitant les interprétations inconscientes faites de largesses à propos des dispositions déjà confuses et éminemment généreuses. S'attaquer de front aux régimes spéciaux des ministres, députés et gouverneurs, exorbitants de droit commun, ne serait pas une mesure de trop dans ce processus.
La réforme de la sécurité sociale dans le sens d'une plus juste répartition de ses ressources entre ses citoyens urge désormais. Les mutations démographiques, économiques, la déstructuration des rapports de travail, le chômage ne peuvent plus souffrir qu'on se croise les bras à constater les dérives et les injustices. La Tunisie n'a pas fait sa révolution pour voir ses institutions ronronner sur le même rythme qu'auparavant avec des instances sans initiative, sclérosées, minées par une omniprésence de la toute puissance du parti unique et des dirigeants formatés par cet appareil qui en assurent une gouvernance monocorde. Les caisses de sécurité sociale devraient pouvoir entamer leur révolution sur ces plans et sur d'autres à inventer, courageusement, sans heurts, sans précipitation, pacifiquement et sans chasse aux sorcières. Le chemin est certes long mais le pari en vaut la peine.


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