• Profitant d'une conjoncture exceptionnelle, les contrebandiers de tout acabit sont à créditer d'un retour en force dans nos murs. Heureusement, pas de trêve de vigilance, saisies non-stop à l'appui... Touchons d'abord du bois, nous n'avons chez nous à traiter ni avec les indéboulonnables cartels colombiens, ni avec les intouchables contrebandiers aztèques du Mexique, ni encore avec la fameuse mafia sicilienne. De véritables institutions internationales diaboliquement structurées et hermétiquement fermées, connues traditionnellement pour être infiltrables. Mais, de là à dire que la Tunisie est quasi vaccinée contre ce virus, c'est tout simplement insulter la vérité et admettre avec... malhonnêteté que ça n'arrive qu'aux autres ! Car il suffit de se référer aux archives pour se rendre compte que notre pays servait déjà, dans les années 70-80, de plaque tournante aux réseaux internationaux qui en ont fait un point de transit pour l'acheminement de la marchandise vers d'autres pays. Les coups de filet réalisés, en ce temps-là, par la police et la douane tunisiennes en sont une parfaite illustration. Mais la situation n'incitait quand même pas à l'inquiétude, toutes les affaires découvertes et traitées ayant abouti à la conclusion combien heureuse que nous ne comptions pas de fiefs de contrebandiers ni tunisiens ni étrangers. L'aubaine A l'époque aussi, des pays nous enviaient ce luxe qui était jalousement protégé par une percutante stratégie de prévention doublée d'une étroite collaboration avec Interpol (police internationale) et plusieurs PJ (police judiciaire) des pays frères et amis dans le cadre des échanges de données et de prisonniers. Et patatras, survint le 14 janvier 2011 qui cisaillera cet acquis inestimable. En effet, l'anarchie et la fuite sécuritaire qui s'ensuivirent et qui furent d'une ampleur sans précèdent ont été «magistralement» mises à profit et par les trafiquants tunisiens et par leurs collègues (ou concurrents) étrangers. Dès lors, bonjour les dégâts et plus d'empêcheur de tourner en rond face à des postes frontaliers de plus en plus perméables et à une présence presqu'insignifiante d'agents de l'ordre soudainement passifs et peureux sur la voie publique. Une aubaine inespérée dont rêvent naturellement délinquants et contrebandiers, du plus chevronné jusqu'au nouveau venu dans les arcanes de la clandestinité. Saisies records Selon une source ayant requis l'anonymat, «jamais par le passé on n'a enregistré autant de saisies et d'arrestations». Jugez-en : plus de 15 kilos de lingots d'or, pas moins de 50 pièces d'antiquité, quelque 90 kilos de drogues diverses et d'importantes quantités d'appareils électroménagers illicitement introduits d'un pays voisin. Mais, ce n'est pas fini, puisque, pas plus tard que dimanche dernier, on a mis hors d'état de nuire un réseau étranger surpris en flagrant délit d'écoulement de centaines de… litres d'essence frauduleusement importée d'un pays voisin. Les huit membres du réseau qui opéraient dans le centre du pays ont tous été arrêtés. Même sort pour un autre trafiquant étranger qui s'apprêtait, l'autre jour du côté de Médenine, à écouler — tenez-vous bien — 25,5 tonnes de sucre d'une valeur estimée à 25.000 dinars. Idem pour un dealer tunisien sur lequel on a saisi quelque 20 kilos (excusez du peu) de chira. Un autre réseau a été dernièrement démasqué à l'aéroport Tunis-Carthage en possession d'une quantité de drogue dure (héroïne). Le règne des passeurs Dans la foulée, et comme la porte était ouverte aux abus… au nom de la révolution, a subitement prospéré le trafic des produits alimentaires, à la faveur d'un regain d'activité sur les frontières avec l'Algérie et la Libye. çà et là, des passeurs invétérés et à la faim jamais assouvie, en ont profité pour s'en donner à cœur joie. Et cela en assurant, via les régions montagneuses, les pistes agricoles et les zones forestières, l'acheminement des denrées alimentaires d'un pays à l'autre, et vice-versa. Ces produits vont du lait au sucre, en passant par les eaux minérales, etc. Le tout, bien évidemment, au double voire au triple de leurs prix réels, et avec l'inévitable commission au passeur qui, de tradition, ne badine jamais avec «la loi du marché». C'est-à-dire ou ça passe, ou ça casse ! «Ou l'on nous paye cash, ou la transaction est avortée, séance tenante», soutient un passeur assagi, après avoir purgé une peine de prison de deux ans. «Notre boulot, se souvient-il, n'était pas à l'abri des menaces de tous les instants. C'est pourquoi, nous étions intransigeants avec “nos clients”. Et cela ne changera ni demain, ni après-demain». Au milieu des contrebandiers où la loi du silence est reine et la discrétion vivement recommandée, on admet que «le métier de passeur a prospéré depuis le 11 janvier dernier. Au point qu'il attire de plus en plus de délinquants et de repris de justice qui ont maille à partir avec la police. Leur apport reste “heureusement” déterminant, voire salutaire». Reprendre du poil de la bête En face, il est réconfortant de constater qu'on ne reste pas les bras croisés. En ce sens que la partie entre le chat et la souris mobilisant trafiquants et appareil sécuritaire s'est transformée, ces jours-ci, en une véritable croisade menée, tambour battant, par les unités de la police, de la garde nationale, de la douane et même de l'armée. Se voulant préventive et sans pitié, elle se distingue par le renforcement des effectifs de ces unités aux postes frontaliers, la mobilisation de patrouilles de contrôle mobiles, l'intensification des rafles de routine et l'imposition d'un siège des frontières. Et pour que le moral des troupes soit au beau fixe, les frontières aériennes, maritimes et surtout terrestres ont fait l'objet récemment de visites des ministres concernés venus leur apporter soutien, en vue d'un surplus d'efficacité, condition sine qua non de l'invulnérabilité de nos frontières face aux visées destabilisatrices des contrebandiers. Obligation de résultat Si ces mesures préventives sont à saluer parce que prometteuses, il n'en demeure pas moins vrai qu'elles devront être doublées de mesures d'accompagnement dont : – Primo : un suivi minutieux et de tous les instants des dossiers judiciaires des trafiquants arrêtés remonter d'éventuelles filières impliquées. – Secundo : l'intensification des visites d'inspection des hauts responsables dans les postes frontaliers les plus reculés du pays. – Tertio : l'amélioration des conditions de travail et logistiques des unités de la police, de la garde nationale et de la douane qui devront redoubler de coordination et de synchronisation. Il va sans dire que l'obligation de résultat escomptée passe invariablement par la satisfaction de ces recommandations. Il y va de la stabilité tant sécuritaire qu'économique du pays.