Par Saïda Meherzi Depuis le 14 janvier on aura tout vu tout entendu, du plus digne , au plus farfelu ... des jeunes , magnifiques ayant électrisé le monde par leur héroïsme extrêmement attentifs, aujourd'hui, à la stabilité du pays. A l'opposé, des pondérés, qui ne cessent de brandir une glaive vengeresse contre celui-ci, puis celui-là ... Une Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution qui navigue bon gré mal gré en dépit des écueils par la grâce d'un capitaine Courage. Des partis qui foisonnent à donner le tournis, des programmes qui s'enchevêtrent, des membres d'une même famille qui se regroupent sous différentes appellations, des citoyens de bonne volonté recherchant à l'image de Diogène l'homme providentiel. Et, last but not least, une Union syndicale qui aura des comptes à rendre devant l'histoire, car loin d'inciter à plus de travail dans la logique des choses, grèves et revendications salariales se succèdent instaurant un climat d'instabilité et de désordre, dans un pays économiquement exsangue. On aura tout entendu et tout vu, il y a quelques semaines un journal télévisé étrange reflétant une opposition encore plus étrange au sein d'un établissement public: l' ERTT Mais plus étrange encore, un communiqué, émanant de la même instance, rédigé en des termes comminatoires effarants! Etant issue de la même famille journalistique, j'ai tenu à exprimer mon indignation à l'Association des journalistes à laquelle je rends hommage. J'ai tenu de même à faire part de mon émotion du fait qu'aucun membre de ce même journal n'a esquissé un geste de compassion face au cataclysme qui s'est abattu sur les forces de l'ordre à Menzel Bourguiba en particulier. Que certains policiers aient pris à partie les journalistes, cela est déplorable et condamnable mais, le ministère de l'Intérieur, ayant formulé des excuses et diligenté une enquête n'était-il pas de notre devoir de penser à ces malheureuses victimes du Devoir? Ne sont t-ils pas des nôtres d'une même famille, la Patrie? Ont-ils disparu à jamais ces instants inoubliables de fraternité de ces lendemains qui chantaient durant lesquels chacun se sentait responsable de son voisin, de son quartier, de son pays? Cette chaîne d'amour qui nous rattachait les uns aux autres s'est-elle transformée en maillons de rivalité et de haine? Notre Tunisie, convalescente, ne nous impose-t-elle pas une marche en avant sans défaillance? Pour nous, être journalistes c'était travailler 12 heures par jour sans supplément salarial, parcourir le pays du nord au sud, se reposer quelques instants dans une caserne ou sur un banc des PTT durant la guerre de Bizerte, mais c'était surtout vivre en complémentarité avec la police, la Garde nationale qui nous facilitaient la tâche. Espérons que cela se reproduira ainsi bientôt. Nous avons également vu et lu une avalanche de "Mémoires", chacun sortant son héros de son tiroir. Des figures nationalistes respectées déjà célébrées, auxquelles on décerne aujourd'hui par devoir parental pour certains, la palme du patriotisme, s'efforçant par la même occasion de dénigrer copieusement leurs successeurs ou compagnons de route avec parfois quelques touches de calomnie et une pincée d'arsenic. Dès l'indépendance, des hommages ont été rendus maintes fois aux pionniers du nationalisme et de l'émancipation de la femme, pour ne citer que la radio tunisienne. Depuis Massinissa, Jugurtha, le Panthéon punique carthaginois et arabe à Ali Ben Ghadahom , Mohamd Ali el Hammi, Cheikh Thaalbi , Larbi Zarrouk, Moncef Mestiri,Tahar Hadded, Bchira Ben Mrad et Farhat Hached dont les fils participaient aux émissions commémoratives élaborées en l'honneur de leur père. De même, des programmes spéciaux avaient été réservés au retour sur la terre sacrée de grands patriotes, morts en exil, dont Mohieddine Klibi et Ali Bach-Hamba, ce rapatriement avait été décidé par le président Bourguiba qui, à l'opposé de l'image que certains s'efforcent de lui accoler, n'a jamais dénié ni renié le rôle historique de ses prédécesseurs. Le seul fait qui pourrait lui être reproché c'est le don que Dieu lui a accordé d'être un précurseur- né. Doué d'un génie politique mondialement reconnu, il a la faculté de galvaniser les foules par la sincérité de ses propos et son amour du prochain. Un homme de décision et de courage qui n'a jamais hésité à prendre les difficultés les plus périlleuses à bras le corps, ce qui incite nombre de citoyens à s'exclamer aujourd'hui " Ah s'il était là ". En 1956 Bourguiba était là au gouvernail de la patrie encore titubante, décidant contre vents et marées de décerner la médaille du mérite et de la confiance à la femme Tunisienne, propulsant ainsi la nation, en ce 13 Août au rang d'avant-garde et faisant face debout et sans faiblesse (en une image Hugolienne ) à une tempête médiévale d'opprobre en provenance de pays frères. Il y a 55 ans, naissait un nouveau Destin pour la société tunisienne, une femme objet s'élevait au rang de citoyenne à part entière. Afin de mieux percevoir l'importance de ce séisme social, je souhaiterais proposer la lecture d'une enquête que j'avais effectuée en 1956 sur l'état de la Tunisienne ( sur suggestion du directeur de l'hebdomadaire) " l'Action Tunisienne " auquel je collaborais. Enquête qui devait s'avérer être les prémices de la promulgation du Statut Personnel. Par la suite de nombreuses lois ont pavé la route du progrès dans tous les domaines, pourquoi les énumérer, nous les vivons au quotidien. Le 23 octobre prochain la citoyenne et le citoyen qui ont durant 55 ans joui génération après génération de ces droits inespérés sauront avoir une pensée de gratitude envers celui qui, en brisant le carcan séculaire de l'esclavage familial, social, et colonial, a mis la nation sur la voie d'un essor irréversible. A vous, à nous de concrétiser cette gratitude, en nous serrant les coudes afin de préserver jalousement ces acquis historiques en participant, tous, au vote et en choisissant à bon escient les hommes de demain, garants de la sécurité, de la modernité et de la prospérité de notre bien-aimée Patrie.