«C'est avec une grande émotion que nous avons atterri dans ce pays d'Afrique du Nord, qu'est la Tunisie. Nous allons vous présenter ce soir une musique tout droit venue des Andes. Notre culture, à l'instar de plein d'autres, s'est perdue au fil du temps, à travers notre musique nous œuvrons à la préserver et à l'enrichir», annonce Miguel Osorio, un des musiciens du groupe Llapaku que les planches du Théâtre municipal ont accueilli, jeudi dernier, dans le cadre du Festival de la médina. La cordillère des Andes, rappelant-le, est la plus grande chaîne de montagnes du monde qui débute au Venezuela au nord puis se dirige vers le sud en traversant la Colombie , l'Equateur, le Pérou, la Bolivie, le Chili et l'Argentine. «Avant l'invasion des Espagnols, les Andes étaient unies, nous essayons donc de réunir ces différentes régions à travers le legs culturel que nous avons en commun», précise encore ce dernier avant d'entamer un solo de guitare, un premier morceau inaugural, histoire de se présenter. Le groupe Llapaku «Esprit andin sur les sentiers européens», est né d'un projet artistique musical initié en novembre 1990 suite à un voyage de retour aux sources en Bolivie après quelques années passées en Europe. Ce mot Llapaku, désignait au départ un esprit bienveillant qui avait le pouvoir de prédiction sur les cycles agricoles à venir. A l'heure actuelle, on considère aussi le Llapaku comme un lien permettant une vie harmonieuse entre les hommes, les astres et la terre mère. C'est précisément cette dimension mystique et cette énergie que les membres du groupe veulent transmettre par leur musique. «La terre mère nous fournit les matériaux (roseaux d'Amazonie, bois, peaux…), qui font nos instruments», notent-ils dans ce sens et de préciser «Nous continuons notre travail artistique afin de faire connaître la musique des Andes sous ses multiples facettes. Lors de nos représentations, nous offrons au public un aperçu des différents rythmes et instruments traditionnels qui caractérisent les régions andines de la Bolivie et de l'Equateur, mais aussi des compositions personnelles, qui, sur des bases rythmiques traditionnelles, présentent une musique andine plus stylisée et contemporaine en recherchant la sonorité naturelle des instruments et l'harmonie musicale entre les flûtes et les cordes». Les autres membres du groupes les frères Tintaya (German, Nestor et Cristian) et Abel Caceres, font leur apparition tout de suite après. Les teints halés, les chevelures d'un noir profond et vêtus de ponchos colorés, ces musiciens sont les ambassadeurs des cultures andines (Bolivie, Pérou, Equateur). Une culture qu'ils transmettent essentiellement à travers la maîtrise d'instruments ancestraux et traditionnels, surtout ceux à vent. Et justement le deuxième morceau nous donnait un aperçu de ces différents instruments. Nous ne pouvons omettre de les présenter, à notre tour, tant ils sont importants dans la musique du groupe particulièrement et dans la culture andine en général. De la famille des sikus, nous trouvons des flûtes qui viennent des différentes régions des hauts plateaux des Andes. Les plus grandes sont appelées toyos, puis viennent les zankas, les maltas et les chulis (plus petites flûtes). Les flûtes indiennes sans bec taillées dans un roseau de la famille des quenas, les quenachos (les plus grosses flûtes de cette famille) puis suivent les quenas et les quenillas. Nous trouvons également le rondador, un instrument à vent équatorien fait de roseaux fins de taille inégale et enfin l'antara, une flûte qui ne possède qu'une file de tubes, et qui est accordée sur la gamme pentatonique (5 notes). La première partie du spectacle, comme nous l'explique, si aimablement, Miguel Osorio, est consacrée à un répertoire autochtone (avec beaucoup de flûtes), célébrant le cycle de la nature et ses différents éléments autour de la communauté des «quatre coins du soleil», nous conduit au cœur d'une des plus anciennes civilisations aux sons de ces différentes flûtes. S'ensuivent plus tard les instruments à cordes qui font leur apparition : la guitare, un instrument apporté par les colonisateurs au XVe siècle et qui, depuis, accompagne les morceaux traditionnels et folkloriques des pays andins et le charango ou petite guitare bolivienne (10 cordes nylon, qui a un son aigu), un instrument très représentatif de la musique des Andes. Avec les percussions (le bombo chaj'chas), ces instruments domptés par ces «maîtres du temps», se mariant harmonieusement aux sons des sikus et des quenas pour nous entraîner dans un périple lointain fait de contes et légendes indiennes, de poésie ancestrales, de communions avec la nature mais aussi pour nous parler d'une cause toujours d'actualité, celle liée aux peuples autochtones indiens. «El condor vuelve» (le condor revient) nous chantent, entre autres, les cinq humbles et talentueux musiciens en référence à cet oiseau emblématique de la région et qui représente les Indiens. Merci et bravo!