• La vision anglo-saxonne, purement financière, parie sur un éclatement de la zone euro et celle européenne sur une victoire, comme toujours, de la volonté politique sur les obstacles économiques. Les banques européennes vont-elles bien ou vont-elles mal? Christine Lagarde répond que tout va bien. Qui a raison? Pourquoi cette divergence radicale de points de vue? Pour le Fonds monétaire international et les marchés financiers américains, les banques européennes sont au bord du gouffre, il faut d'urgence les recapitaliser. Christine Lagarde a même recommandé d'utiliser l'argent public du Fonds de stabilité financière, autrement dit de nationaliser partiellement les banques. Les Européens croient dur comme fer à leur destin commun. D'accord, l'histoire est tortueuse, compliquée, les plans de sauvetage des pays surendettés arrivent toujours en retard et sont toujours un peu insuffisants. Mais l'Europe est ainsi faite qu'un compromis se signe à la dernière minute. Ce destin est un enjeu politique avant d'être un enjeu économique. C'est le contraire pour les Américains. En tout cas pour les milieux financiers américains. Contrairement à Wall Street, les gens de Washington ont compris l'intérêt de l'euro et d'une stabilité monétaire en Europe. C'est pourquoi on ne croit pas que Laurence Parisot ait raison de parler de complot, ça ne se passe pas comme ça. Pour les marchés financiers, la construction européenne est trop bancale, les mésententes entre Européens sont trop grandes. Entre le «Nord fourmis» et «le Sud cigales», ça ne tiendra pas. Cet éclatement conduirait à un effondrement des banques européennes, il est logique de craindre pour elles. Les «stress tests», dont M.Barroso fait grand cas, n'ont pas prévu que l'Italie saute. Car si l'Italie fait défaut, beaucoup de banques européennes dont les françaises très investies outre-Alpes sautaient aussi. Pour les Européens, que l'Italie fasse défaut sur sa dette est tout simplement inimaginable. La divergence est donc là: l'euro va éclater, selon la vision économique américaine. Au contraire, il survivra, selon la vision politique européenne. Le drame est que les deux analyses sont justes. L'euro survivra, c'est une certitude, mais les gouvernements européens ne font pas ce qu'il faut face à la brutalité des attaques des marchés. Les marchés américains sous-estiment la volonté politique des Européens qui surestiment leur force face aux marchés.