Après une semaine de projections interminables qui finissaient à des heures très tardives, de débats fructueux et de rencontres intéressantes avec des réalisateurs et artistes étrangers et des soirées festives bien animées, samedi dernier, le théâtre de plein air de la maison de la culture a accueilli la soirée de clôture de la 26e édition du Fifak au cours de laquelle les trois jurys, de la compétition des films d'école, la compétition nationale et la compétition internationale, ont révélé leurs verdicts — publiés dans notre édition d'hier — (voir La Presse du dimanche 11/9/2011) devant un public toujours aussi nombreux et enthousiaste. En guise de bilan, on peut dire que cette édition a connu des hauts et des bas. Au niveau de l'organisation, il y a eu quelques perturbations lors des projections. Des plaisantins s'amusaient à lancer des pétards créant la panique chez les spectateurs. La sécurité n'était pas assurée à 100%. "Je n'étais pas tranquille. Je ne savais pas ce qui pouvait se passer derrière moi", nous déclarait Hassène Kassi Kouyaté, artiste burkinabé membre du jury international. Dalila Dhahri, cinéaste amateur, parle d'"infiltration de certains intégristes qui cherchent à provoquer des perturbations et entraver le bon déroulement du festival". Compte tenu du contexte et aux appréhensions, Tahar Chikhaoui, universitaire et critique de cinéma, attribue une note satisfaisante à l'organisation même s'il relève toutefois des retards dans les débats. "La Ftca a intérêt à se soucier davantage de l'organisation pour donner une forme inédite, voire singulière à cette manifestation qui ne manque pas de vivacité, de liberté et de festivité. Je reste bienveillant à son égard". Des films facebook Il y a eu également manquement concernant les prestations hôtelières. Il faut savoir que le Fifak est organisé dans un seul espace, un hôtel de la place. "L'infrastructure touristique laisse à désirer. Pourtant, le festival procure à la ville de Kélibia un apport économique non négligeable", souligne Dalila Dhahri. Pour sa part, Kouyaté estime que "face au dévouement de l'équipe d'organisation, le reste devient anecdotique, même si j'ai ressenti quelques frustrations au niveau de la langue arabe que je ne comprenais pas". Toujours est-il que sur ce plan et par manque de moyens, il reste beaucoup à faire. Le changement de programme de dernière minute (rajout ou retrait de films) est à éviter, parce que cela dénote d'un manque de sérieux flagrant. Cependant, l'aspect positif se situe au niveau de la qualité et de la maturité des débats. Pour ce qui est des films concourant dans les différentes compétitions, les niveaux différent, selon qu'il s'agit de films d'école ou de films issus des clubs de la Ftca ou réalisés par des cinéastes indépendants. "Je suis désagréablement surpris par les films d'école. Ils sont davantage dans l'exercice de style que dans la narration d'histoire. Chacun des jeunes cinéastes essaie de créer un langage cinématographique ce qui conduit à une sorte d'absence d'uniformité esthétique. Ce sont des films influencés par facebook. Ils n'ont pas d'identité culturelle propre", juge avec sévérité Kouyaté. "Ils n'ont pas d'excuses, parce qu'ils disposent du matériel, de l'espace et de l'encadrement. Et pourtant, ces films se caractérisent par un certain mimétisme où se révèlent la personnalité fragmentée du réalisateur et une paresse intellectuelle", affirme Dalila à ce sujet, tout en déplorant, par ailleurs, l'utilisation du français comme langue principale des films. "C'est inadmissible". Moins de crispation Quant aux films produits par les cinéastes de la Ftca, Dalila Dhahri pense que "le désistement des "barons" a fait que les jeunes aient été livrés à eux-mêmes et aient manqué, de ce fait, d'encadrement. S'ils manipulent avec aisance l'outil, ils ne maîtrisent pas tout à fait le langage cinématographique. Ils ont un problème sérieux d'écriture scénaristique et de culture générale". Tahar Chikhaoui, lui, est plutôt agréablement surpris par l'état d'esprit des jeunes cinéastes qui, dit-il, a beaucoup changé. "Il y a moins de crispation, d'a priori et plus d'ouverture tant dans les films que dans les débats. Il y a une curiosité réelle et un désir de cinéma notable. Cela ne signifie pas que la qualité des films soit bonne". Ce désir qui traverse les films et la volonté de s'exprimer en toute liberté se font remarquer dans l'ensemble de la production filmique qu'elle soit d'écoles ou d'amateur. "Je trouve le même engagement qu'avant. Les jeunes cinéastes ont toujours à cœur les questions sociales brûlantes mais ont un désir de s'exprimer cinématographiquement. Je constate cela dans les débats où l'intérêt est réel des uns par rapport aux autres", déclare le même Chikhaoui. Le duel écoles/amateurs existe et la différence est nette entre les deux. Elle est intéressante, parce qu'elle crée une diversité. Si les amateurs restent attachés au contenu thématique, les écoles, par contre, ont un souci académique de la technique et de la forme, mais ce qui fait encore défaut chez eux est la question artistique qui est confondue avec la technique et la rhétorique ", estime-t-il. "Les cinéastes provenant des clubs amateurs ont intérêt à dépasser les questions sociales en essayant de courir le risque d'explorer de nouvelles formes d'expression", conclut Tahar Chikhaoui. Il va falloir donc éviter de s'accommoder avec ce qui existe et avoir plus d'audace pour continuer à faire du Fifak un espace d'expression fort et libre.