De tous les côtés s'entassent à travers la ville et ses périphéries des amas de détritus divers. Souris, cafards, insectes et autres étranges créatures ont révolutionné le décor de nos demeures. Infernal était l'été à Tunis et la situation est d'autant plus grave qu'alarmante. A l'origine, une conduite humaine aussi irresponsable qu'abracadabrante, mais aussi, une gestion des affaires liées à l'environnement et à la salubrité publique en déphasage total avec la réalité. Que dire de ces humains qui jettent leurs ordures n'importe comment et n'importe où ? Que dire aussi de ceux qui garent leurs véhicules et déchargent un tas d'ordures aux abords des routes ? Que dire encore du laxisme des services concernés ? Voilà des pratiques qui n'ont fait qu'ériger nos rues et nos quartiers, nos routes et nos forêts en des dépotoirs à ciel ouvert, répandant une odeur pestilentielle. Un espace agonisant où les hommes étouffent et où les horizons s'avèrent de plus en plus rétrécis. Les citoyens pointent du doigt la mairie et cette dernière reproche aux premiers un flagrant incivisme. Un face à face en chiens de faïence qui ne date pas d'aujourd'hui provoquant des dégâts énormes. Et c'est l'environnement qui en prend un sacré coup. Qu'en est-il des responsabilités de chacun ? Une situation compliquée Contacté à ce sujet, Dr Belhassan Langar, directeur de l'hygiène et de la protection de l'environnement de la ville de Tunis, nous a indiqué que la question de l'insalubrité publique concerne toutes les municipalités. Se dévoilant sur les origines de la problématique, il a observé que les citoyens mettent en cause la création de tant de décharges sans les avoir déjà prises en considération. C'est qu'ils dénoncent toute forme d'atteinte à un droit sacré pour eux : celui de vivre dans un environnement sain, loin des odeurs nauséabondes. Un droit autrefois bâillonné par la force de la répression. Dans la même optique, notre interlocuteur a fait remarquer que le régime déchu n'a fait qu'appauvrir les municipalités. C'est que la collecte des déchets et leur gestion relève selon la loi de l'inviolable responsabilité de la municipalité. Or, la partie concernée sous la houlette de l'ancien régime a procédé à la création de l'agence nationale de gestion des déchets non comme une structure de renfort, mais plutôt comme un organisme servant à mettre la main sur une bonne part du capital financier réservé à l'ensemble des municipalités. Sur un autre plan, M.Langar a précisé que certains ouvriers relevant du personnel de la municipalité ne cessent de revendiquer une augmentation de salaire au moment où la municipalité vient de titulariser près de 3000 personnes, avec une enveloppe estimée à 9 millions de dinars. "L'on admet tous que leur salaire est insignifiant par rapport à la tâche qu'ils assurent. L'on comprend également que le service social de la municipalité est insatisfaisant. Ce qui provoque notamment une attitude révolutionnaire chez le personnel ouvrier. Toutefois, cela ne justifie aucun chantage alors que le pays traverse une période délicate. On n'a qu'à patienter et tout viendra à point à qui sait attendre. Sachant que l'intérêt supérieur de la patrie exige de nous tous un peu de sacrifices pour un lendemain meilleur", a renchéri notre interlocuteur. Projets pilotes Comme l'a affirmé Dr. Langar, la municipalité de Tunis a prévu des projets pilotes visant à remettre les pendules à l'heure, sinon à minimiser les dégâts. Ces projets pilotes consistent à réaliser des sondages d'opinion avec les citoyens par quartier afin de déterminer les horaires qui leur convient le mieux pour faire sortir leurs ordures ménagères. Un contrat moral qui implique aux citoyens de respecter les horaires de passage des éboueurs de ramassage et à la municipalité d'assurer la régularité et la continuité du service. A la lumière des résultats desdits sondages, le ramassage sera pratiqué soit le jour soit la nuit, en fonction du choix majoritaire des habitants de chaque quartier. A noter que cette démarche est déjà opérationnelle du côté d'El Menzah, de Djebel Jeloud et d'El Hrairia, entre autres, en attendant qu'elle soit généralisée à tous les quartiers. Tout est question de civisme Les Tunisiens sont-ils vraiment civiques ? Voilà la question que l'on se pose chaque fois que l'on est confronté à un comportement en contradiction avec les règles de la bienséance. Tout au plus, Ibn Khaldoun a écrit un jour "l'homme est un être social par nature". Aurait-il la même attitude s'il était encore vivant parmi nous Tunisiens ? Comment se fait-il qu'un bipède pensant se permette de salir sa propre demeure, d'être injurieux et de se montrer peu digne de respect ? Les récalcitrants d'aujourd'hui, ceux qui ont détruit près de deux mille conteneurs estimés à deux millions de dinars ne sont que les toutous obéissants d'autre- fois. Car ils ont toujours craint jusqu'à un passé proche le délégué, le président de cellule ou encore le comité de quartier. Ils étaient donc respectureux par crainte de la punition et non par conviction. Donc, civiques par ce qu'ils redoutaient la brutalité du système, non par ce qu'ils y croyaient. Inutile d'en débattre. Car il faut frapper le fer pendant qu'il est chaud. Ce faisant, il vaut mieux se pencher sur les jeunes générations pour leur inculquer les abc du comportement civique à un âge précoce, dès la maternelle, bien entendu. Quant à la municipalité, elle n'a qu'à s'adapter aux mutations sociales et urbaines que connaît le pays. Car "rien ne va de soi, rien n'est donné, tout est construit".