Par Mondher BEN CHEDLI Le 24 octobre 2011, quels sont les enjeux ? Quand on observe avec sérénité la grande fébrilité et la passion avec lesquelles les acteurs sociaux, les composantes de la société civile et les nombreux citoyens participent à la grande page historique que nous sommes tous en train d'écrire, on constate que la majorité écrasante de nos compatriotes adhèrent activement au processus de transition démocratique dans ses différentes étapes. Les électeurs de l'Assemblée constituante du 23 octobre 2011, avec tous les paliers intermédiaires qui ont été déjà franchis avec succès, en sont une première étape qu'il ne faut en aucun cas perturber ou dévoyer. Elle permettra de clarifier le paysage politique de notre pays et de donner à chacun la place qui lui revient. Aucune force politique ou mouvance n'ose aujourd'hui remettre en cause cet objectif, malgré les manœuvres sournoises et inavouées de partisans du pouvoir déchu ou de ceux qui veulent se donner une nouvelle virginité politique. Cette transition démocratique ne pouvait pas évidemment se faire sans soubresauts, ni déchirements. Elle se fait sur un fond de crise économique et sociale sans précédent et qui va en s'amplifiant. Le 24 octobre 2011, au lendemain des élections, aucun messie, aucun calife ne viendra avec des solutions miracles. Encore moins si les forces conservatrices et antidémocratiques marquent des points dans les urnes. Alors quels seront les enjeux ? Le premier enjeu serait d'assurer la continuité et la stabilité dans la conduite du pays. Les institutions exécutives actuelles qui sont transitoires, demeureront encore transitoires jusqu'à l'adoption de la nouvelle Constitution et l'élection par le peuple des nouvelles institutions qui lui seraient proposées. Pourquoi cette agitation pour adopter, dès à présent, l'ordre du jour de l'Assemblée constituante et lui fixer des orientations ? L'attachement indéfectible aux intérêts du pays nous poussent aujourd'hui à nous entendre et à nous écarter de toutes les voies et solutions, aussi pures soient-elles sur la plan juridique ou déontologique, qui risquent de diviser les forces politiques et assombrir par là, l'horizon politique. Il ne faut pas s'engager dans des marchandages politiques et des batailles fratricides, il s'agit plutôt de ne pas perdre le fil conducteur en poursuivant la transition démocratique sur un fond de paix civile et de redressement économique. Aussi, au lendemain des élections et après avoir, chacun à sa manière, fêté cette première étape de transition démocratique, les institutions du pays pourraient-elles être redistribuées et renforcées ainsi : Une Assemblée constituante en exercice avec un mandat de 12 mois comme le stipule déjà le décret du 3 août 2011. L'Assemblée désignera son président, qui dirigera ses travaux et assurera la présidence de la République, à titre transitoire, pendant la durée de la Constituante, sans droit de briguer un nouveau mandat. De son côté l'équipe gouvernementale devrait être composée en dehors du vacarme et de la compétition idéologique et politique qui battra son plein au sein de l'Assemblée constituante. La maturité des nouvelles forces politiques issues du scrutin, leurs expériences de la gestion des affaires de l'Etat et la faiblesse du dialogue politique démocratique entre les différents courants, ne permettraient pas d'éviter des déchirements et des batailles politiques mortelles pour notre révolution. Les adversaires de cette transition attendent sournoisement dans l'ombre pour contre-attaquer. Ils le font déjà sous différents masques et utilisent tous les moyens pour maintenir les perturbations dans le pays. Ils risquent d'être présents ou représentés dans la future Assemblée où ils joueront à visage découvert le jeu de la contre-révolution. Toutes les forces politiques qui ont tant sacrifié pour combattre la dictature, ne doivent en aucun cas se diviser autour de sujets, certes importants, mais qui restent provisoires, comme la direction du futur gouvernement. L'équipe gouvernementale actuelle a su, tant bien que mal, traverser, malgré l'environnement très hostile, les différentes crises qui ont secoué notre pays et est parvenue à éviter «les peaux de bananes» lancées par les nombreux consommateurs de ce fruit qui reste malgré eux, succulent. L'équipe gouvernementale commence à s'adapter, avec tous les quolibets, les insultes et les agressions que de vils politicards ne cessent de lancer dans l'impunité. Elle a su mener la barque à bon port avec une grande expertise. Il faut, moyennant certains remaniements indispensables, la laisser poursuivre sa tâche, jusqu'aux prochaines échéances du processus de transition démocratique : les élections de nouvelles institutions définitives du pays. Ce choix est guidé par la sagesse et l'expérience politique et surtout l'inquiétude ressentie par la majorité écrasante de notre peuple quant à son avenir et celui de ses enfants.