• Une efficacité retrouvée, des milliers de nouvelles recrues et un plan de réforme, autant de signes qui rassurent quant à un avenir meilleur… Nos policiers ont fini de manger leur pain noir qu'alimentait la fuite sécuritaire causée par les retombées de la révolution. Souvenons-en: en pratiquement sept mois, depuis précisément le 14 janvier jusqu'au mois d'août dernier, ils ne comptaient plus les revers et les déboires. Livrés à eux-mêmes, complètement dépassés jusqu'à la marginalisation, ils avaient du mal à faire oublier à un peuple révolté les affres et mauvais souvenirs d'un appareil policier longtemps invincible et cynique sous l'ère Ben Ali. La traversée du désert qui aura donc duré quelque huit mois était alors si pénible que, durant d'interminables journées de sit-in, de manifestations et de grèves, nos flics, si impuissants et buvant la coupe de leur calvaire jusqu'à la lie, passaient presqu'inaperçus. Au point que les plus sages et les plus patriotes parmi la population commençaient à s'inquiéter pour la stabilité d'un pays devenu, du coup, si abusivement insécurisé et si dangereusement exposé aux risques et périls… Regain d'embellie Au milieu de ce climat d'incertitudes, il fallait réagir illico presto, car temporiser équivalait à enfoncer encore le clou et à aggraver la situation. Ce que l'Etat a enfin compris, en passant à la contre-attaque. Le réveil sera heureusement fulgurant et, pour certains, presqu'inespéré. Ce retour en force a été matérialisé par l'intensification des rafles et descentes policières qui connaîtront un superbe pic le mois dernier par l'arrestation de près de 1.700 personnes et la réalisation d'importantes saisies. Ainsi réhabilités et remis en selle, nos policiers ont désormais retrouvé leur aura et recouvré leur pouvoir de dissuasion, condition sine qua non de la réussite de leur tâche et de la sauvegarde de la stabilité du pays. Des mesures incitatives Derrière cette «renaissance» se trouvent des mesures concrètes et incitatives, prises par l'Etat. En effet, outre l'entreprise de remise en confiance de nos forces de sécurité intérieure, il a été décidé de rénover les postes de police et de la Garde nationale endommagés, de revoir les salaires vers la hausse, de renforcer le parc roulant par l'acquisition de véhicules flambant neufs, d'intensifier les stages de formation et de perfectionnement, d'encourager l'exercice syndical dans la légalité et d'étoffer l'effectif humain existant par l'enrôlement de nouvelles recrues (des milliers ont été, depuis, engagés). De surcroît, l'Etat a vu juste en ordonnant la création d'un nouveau poste gouvernemental, celui de ministre délégué auprès du ministre de l'Intérieur, chargé des Réformes. Avec, à la clé, la constitution — qu'on dit imminente — en son sein d'une commission d'experts qui sera chargée de la préparation d'un projet de réforme touchant l'appareil sécuritaire dans toutes ses composantes. Et c'est de bon augure, dans la mesure où, selon certaines indiscrétions policières, ledit projet s'annonce tout simplement révolutionnaire en termes de sécurité intérieure. Bien évidemment, sa mise en œuvre devra prendre des mois, par commissions et réunions préparatoires interposées, s'agissant il est vrai d'une réforme intéressant un ministère aussi sensible et de souveraineté que celui de l'Intérieur. Mais l'on peut d'ores et déjà affirmer que le projet, au vu de ses grandes lignes rendues publiques récemment, promet beaucoup. Notamment en ce qui concerne la proposition de la création «d'une faculté de la police et de la Garde nationale». Attardons-nous un peu sur ce point pour dire que créer une telle institution inspirée du modèle de l'enseignement supérieur serait salutaire à plus d'un titre. Sur le plan moral d'abord, parce qu'elle est de nature à en finir avec la réputation peu flatteuse forgée, depuis déjà l'aube de l'indépendance, par nos policiers qu'on taxait (qu'on taxe encore ?) de «mal instruits». Ensuite, la création de ladite faculté pourrait alléger l'énorme charge de travail qu'endosse l'Ecole de formation policière de Salammbô, outre le fait que d'autres écoles similaires dépendant de la police et de la Garde nationale gagneraient en efficience et en rentabilisation en synchronisant leurs tâches avec les attributions de la faculté en question. Toutefois, nous considérons que, à l'instar de ce qui se passe en Occident et même dans certains pays arabes (Egypte notamment), ce projet devrait bénéficier de mesures d'accompagnent dont : — Primo : le lancement d'une action promotionnelle tendant à inciter les futurs bacheliers et les professeurs et experts à opter pour ladite faculté. — Secundo : l'établissement d'un courant d'échanges fructueux entre cette faculté et ses homologues étrangères spécialisées en sécurité. — Tertio : l'instauration, au sein de cette institution, d'une véritable culture démocratique qui reste, qu'on le veuille ou non, le seul garant de la démystification et de l'assainissement des rapports entre les policiers et les citoyens, d'une part, et entre les corps de la police et de la Garde nationale, d'autre part.