L'espace d'une semaine, le football tunisien a réussi un joli tir groupé, impliquant aussi bien ses clubs que sa sélection représentatifs. D'aucuns étaient allés vite en besogne en évoquant un certain printemps, ou un renouveau pour qualifier le passage de l'équipe de Tunisie en phase finale de la CAN 2012, combiné à celui de l'Espérance de Tunis en finale de la Ligue des champions, et à l'exploit du Club Africain au Nigeria en coupe de la CAF. Si cette performance n'est pas à vrai dire inédite, les vingt dernières années ayant apporté beaucoup de satisfactions, notamment au niveau des clubs, elle prend néanmoins cette année davantage de relief, sinon un éclat particulier en raison du contexte tout à fait particulier du sport-roi depuis la révolution du 14 janvier, marqué par le huis clos suivi d'une longue trêve, par le tarissement généralisé des sources de financement et par les mouvements de boycott des entraînements observés par plusieurs clubs, y compris parmi les plus grands, à l'instar du Club Africain. «Toutes ces performances soulagent le football tunisien d'autant qu'elles touchent son élite et lui donnent des ailes, analyse le directeur technique national, Kamel Kolsi. Plus on va loin dans la compétition, mieux cela donne confiance à l'équipe nationale», souligne-t-il avec satisfaction. «Tout le mérite revient aux joueurs» Commentant les résultats du dernier week-end sur le circuit continental, il avoue n'être guère étonné par ce que vient de réussir le Club Africain en terre nigériane, soit un deuxième succès consécutif (après celui à Kaduna) dans un pays où il n'est jamais facile de s'imposer‑: «Pour y avoir exercé, je peux dire que je connais parfaitement le club de Bab Jedid. C'est le genre d'équipes capables du meilleur comme du pire. Ce qui est remarquable dans cette victoire, c'est que jusqu'au dernier moment, celui de prendre l'avion, les joueurs ne savaient toujours pas s'ils allaient partir ou pas. Seulement, dans cette phase transitoire qu'ils traversent, ils ont su se montrer solidaires et forcer le destin, prouvant de la sorte qu'ils recèlent beaucoup de promesses. Il faut rendre à César ce qui lui appartient et se dire que tout le mérite revient aux joueurs». Le cas de l'Espérance de Tunis est naturellement beaucoup plus simple à traiter : «Le facteur déterminant s'appelle la stabilité et une totale concentration sur le travail, à la différence de ce qui se passe dans beaucoup d'autres clubs, relève le patron du secteur technique à la FTF. Il faut également prendre en ligne de compte le fait que la trêve du dernier hiver a été une panacée pour l'Espérance, tellement elle paraissait lessivée après la finale perdue en Ligue des champions. Revigorés par cette plage de repos inespéré, les “Sang et Or” se trouvent aujourd'hui au top de leur forme. A mon avis, ils possèdent 60% de chances de remporter le trophée continental tant convoité. Mais la méfiance est de mise : les Marocains sont des durs à cuire. Une finale reste une finale et les secrets du terrain demeurent insondables». «Le Ghana au-dessus du lot» La réussite actuelle ne pose pas moins un paradoxe lorsqu'on se rappelle qu'elle survient en plein marasme et ne traduit pas un grand niveau du championnat de Tunisie : «Sans tous ces problèmes que rencontre aujourd'hui le foot tunisien, on aurait eu indiscutablement un bon niveau. Même avec le huis clos instauré dans la dernière partie du dernier championnat, le niveau n'a pas été si mauvais que cela. Il faudrait pourtant que les techniciens se sentent davantage sereins dans leur exercice et bénéficient d'une certaine stabilité», insiste le DTN, qui jette un regard plutôt optimiste sur la prochaine campagne africaine des Aigles de Carthage : «Tous les scénarios sont possibles d'autant qu'il s'était produit une véritable hécatombe aux éliminatoires. Le Nigeria, l'Afrique du Sud, le Cameroun et l'Algérie ont été boutés “out”. Mon favori à présent reste le Ghana, puis la Côte d'Ivoire à un degré moindre. Imaginez qu'un pays comme le Niger sera là pour la première fois en phase finale. C'est la preuve qu'il y a des nations qui progressent. Sans oublier que le Maroc revient fort aussi bien au niveau technique que mental». Le Maroc et le Niger au programme ? Pour relativiser, il faudrait pourtant admettre que les meilleurs joueurs des clubs de l'Afrique subsaharienne partent très tôt en Europe, ce qui les vide inéluctablement de leurs meilleures ressources : «C'est la loi du football, tranche Kamel Kolsi. Cela donne néanmoins l'avantage de voir émerger de nouveaux joueurs. Tout le monde en profite, en fait. Lorsqu'il a fallu que Sabeur Khelifa parte, par exemple, il l'a fait. Il est tout à fait naturel qu'il parte à la découverte d'un niveau supérieur. Zouheïr Dhaouadi est un peu plus jeune, et il a tout le temps d'embrasser une carrière “pro” en Europe. C'est un droit légitime de vouloir progresser. Malheureusement, dans un championnat dont le calendrier propose une trêve derrière l'autre, cela n'est jamais garanti», déplore-t-il. La priorité de la Direction technique nationale est à présent à la préparation, la meilleure possible, de l'équipe nationale en vue de la CAN du Gabon et de la Guinée équatoriale. Quoique le programme définitif n'ait pas été arrêté, plusieurs options s'offrent déjà. En plus du test algérien du 12 novembre et celui contre la sélection de Catalogne, le 22 décembre, on n'écarte pas la possibilité de voir la sélection nationale croiser le fer avec le Maroc, que ce soit dans un match amical ou sous forme d'un tournoi triangulaire qui serait complété par le Niger. D'ailleurs, le DTN et le sélectionneur national Sami Trabelsi donneront demain (11h00) une conférence de presse pour dévoiler le planning de la préparation pour le grand rendez-vous continental.