Par Slaheddine KAROUI (Economiste) Les services numériques ne sont pas difficiles à répertorier. Ce sont principalement ceux qui sont en relation avec l'économie, les finances, le commerce, la sécurité, la recherche d'emplois, l'administration, l'éducation, la recherche, la santé, la culture, la pauvreté. Tous ces domaines ont recours à l'intervention de l'Etat exprimée sous forme de stratégies manifestées par des actions planifiées telles que la dotation du pays d'infrastructures de télécommunications modernes, la mise en place de pôles technologiques, la création d'universités spécialisées, la formation de ressources humaines qualifiées, etc. Partant du principe que les opérateurs économiques et financiers se suffisent à eux-mêmes pour exploiter l'économie numérique à leurs fins de développement, les priorités à établir ne concernent plus, alors, que l'administration, l'emploi, l'éducation, la recherche, la santé, la culture, la pauvreté. Cependant, à l'intérieur même de ces secteurs, il existe des sous-secteurs non éligibles à des choix prioritaires tels que les institutions de formation privées scolaires, secondaires et universitaires, les cliniques privées ainsi que les médias audiovisuels car ils sont supposés être capables de financer les services numériques dont ils ont besoin. Partant de ce qui précède, les choix prioritaires en matière d'usage des services numériques porteront sur ceux qui sont associés à la sécurité, la recherche d'emplois, l'administration, l'éducation publique, la recherche, la santé publique, la culture, la pauvreté. L'étude rapide de ces secteurs suggère que l'échelle des priorités suivante pourrait leur être appliquée : Priorité 1 : l'éducation, parce que sans ressources humaines compétentes, l'emploi des TIC est inopérant. Priorité 2 : la santé, parce qu'elle est précieuse, sa perte coûte cher à l'économie nationale et les services numériques sont particulièrement appropriés à la satisfaction de ses besoins. Priorité 3 : l'économie, car elle est au cœur de la croissance. Priorité 4 : l'administration publique, car elle est l'unique régulateur de la société, l'opérateur sans lequel aucune transaction administrative ne peut être effectuée et aucun impôt levé. L'usage des services numériques améliore ses performances en matière de régulation, accélère le rythme des transactions entre les opérateurs économiques et les citoyens, entretient et accroît les recettes de l'Etat. Priorité 5 : la culture, parce que les services numériques contribuent fortement à stimuler son rôle de gardienne des traditions ainsi que des patrimoines archéologiques, historiques, littéraires, scientifiques...mais également parce qu'ils favorisent la propagation mondiale des productions intellectuelles et artistiques. Employés judicieusement, ils constituent un ingrédient majeur de l'attractivité d'un pays. Priorité 6 : la recherche d'emplois, car le Web représente un outil performant et universel d'offres et de demandes d'emploi. Il ne se substituera jamais aux autres moyens matérialisés par la presse, les cabinets « chasseurs de têtes », les bureaux de l'emploi... mais il les complète et élargit leurs champs d'investigation au monde entier. Priorité 7 : la recherche, car dans un monde porté par l'innovation permanente, elle est un facteur de progrès. Actuellement, toutefois, certains PAF comme la Tunisie ou le Maroc comptent quelques centaines de chercheurs concentrés dans les pôles technologiques et bien que jusqu'ici aucun dépôt d'invention porteur ne soit venu couronner leurs travaux, ils apportent à l'informatique de l'Afrique une valeur ajoutée inestimable. Celle-ci serait vraisemblablement démultipliée si les institutions scientifiques des PAF à vocation R&D créaient une plateforme commune de concertation et conduisaient des actions de recherche d'intérêt commun comme le développement des logiciels libres. Pour conclure ce paragraphe, certains pourraient se demander où se situe la pauvreté sur cette échelle? La réponse est qu'il n'existe pas de services numériques taillés sur mesure pour éradiquer la pauvreté, prétendant de ce fait à la faire figurer sur le podium de l'échelle des priorités. La réduction de la pauvreté est une conséquence logique de la mise en œuvre des priorités citées supra. C'est la raison pour laquelle les Etats, en tant qu'autorités de régulation, doivent s'évertuer à assurer les meilleures conditions de développement de ces dernières. Une structure nationale de mesure Etats, entreprises, particuliers, tous ont besoin d'étalons de mesure de l'économie de l'information en vue de savoir quels usages ils en font et quelles influences exercent les TIC et leur contenu sur la société. Les Etats-Unis ont été les premiers à chercher à mettre en place des outils de mesure de l'économie numérique, mais ils se sont heurtés à des difficultés d'évaluation quantitative de la diffusion des TIC et au complexe problème de rendre ces outils homogènes pour permettre les comparaisons à l'internationale. Par ailleurs, l'hétérogénéité des méthodes de diagnostic sur la contribution des TIC à la croissance et à la localisation sectorielle des gains de productivité a rendu cette recherche encore plus aléatoire. En vue d'aider les Etats-Unis à définir des indicateurs de mesure applicables partout, les organisations internationales, telles que l'ONU, l'OCDE et l'UIT, ainsi que différents instituts statistiques nationaux ont travaillé ensemble à définir des méthodes communes pour mesurer l'impact des TIC sur les différentes composantes de la société. A ces organisations se sont joints d'autres institutions de cotation telles que Davos et US Moody's rating, cherchant à établir des corrélations irréfutables avec les évolutions de la croissance, du PIB, des connaissances, du commerce extérieur, de l'emploi, et de mesurer les écarts de développement dus à l'application des TIC d'une région à une autre dans un même pays, d'un pays à un autre, d'un groupement de pays à un autre, voire d'un continent à un autre. Mission impossible à remplir tant il est vrai que les TIC influencent tous les secteurs sans qu'il soit possible de préciser de quelle manière, à quel moment, avec quels acteurs, en utilisant quels logiciels et quelles fonctionnalités. En outre, les TIC ne sont pas le seul outil à impacter la société, d'autres outils y prennent part de manière plus directe, sans qu'il soit possible de mesurer la part des uns et des autres dans cet impact. Mesurer, avec précision, l'impact de l'économie numérique sur la société et les individus est donc un exercice extrêmement complexe qui pose d'épineux problèmes de délimitation internationale de la définition des TIC, des secteurs et sous-secteurs réellement impactés par les TIC, des influences des facteurs contribuant à la croissance, dont les TIC, du rôle des politiques et des opérateurs économiques, des usages qui sont faits des TIC et leurs contenus. Pour l'instant les données fournies par Davos ou l'UIT pourraient servir de points de repères, mais en aucun cas elles ne peuvent prétendre au statut d'indicateurs. En fait, il est plus réaliste pour les pays de construire leurs propres indicateurs parce qu'il est clair que la France, par exemple, ne peut avoir les mêmes méthodes de mesure d'impact des TIC sur sa croissance que les Etats-Unis, car elle n'est, contrairement à ces derniers, ni manufacturière de TIC, ni éditrice mondiale de logiciels. Ce qui est vrai pour la France l'est également pour tous les pays européens sachant que leurs 100 premiers éditeurs de logiciels pèsent seulement 1/3 de l'éditeur américain Microsoft. Ce raisonnement s'applique avec encore plus de force aux PAF, dont la Tunisie, qui ne manufacturent pas de TIC, n'éditent pas de logiciels, ne produisent pas de progiciels, élaborent très peu de contenu, développent de rares applications à l'interface avec le Web et, de surcroît, utilisent les gains de productivité à d'autres fins que la stimulation de la compétitivité. Il est archi-normal, dans ces conditions, que leurs méthodes de mesure de l'impact de l'utilisation des TIC sur la société soient dissemblables des méthodes américaines, japonaises, chinoises ou allemandes. Nonobstant, l'utilisation des indicateurs en matière de mesure de l'économie numérique, les sondages d'opinion, les audits informatiques et les diagnostics périodiques paraissent plus habilités à évaluer les tendances de l'économie numérique. Elles répondront mieux que les indicateurs à des questions comme: à quoi sont utilisés les gains de productivité? Quels sites les internautes consultent-ils? Quels usages font-ils de leurs consultations? Quelles sont les R.O.I des applications? Quels sont les taux d'utilisation des ordinateurs? Quelles fonctionnalités des composantes des TIC sont-elles inemployées? Etc. Intégrer les réponses, elles-mêmes aléatoires, de toutes ces questions dans une méthode de mesure d'impact de la société n'est pas aisé, mais il faut tenter de le faire car il vaut mieux disposer de repères imprécis que de ne pas en disposer du tout. Il vaut mieux, aussi, que ces repères soient établis par les pays eux-mêmes pour tenir compte de leurs particularités.