Par Hédi Belghith Parler de création d'emplois nécessite une précision de taille : quelle est la population ciblée par cette création ? S'il s'agit de créer des emplois pour ceux qui font partie des cinq cent mille chômeurs de longue durée, la tâche est plus ardue concernant une bonne partie des nouveaux diplômés. Certaines institutions de formation professionnelle ou universitaire mettent sur le marché des diplômés prisés par les opérateurs économiques : certaines formations d'ingénieurs, certaines spécialités commerciales, financières etc. Ceux là sont souvent recrutés avant même l'obtention du diplôme, dans le cadre des projets de fin d'études. D'autres suivront la filière des professions libérales ou poursuivront une carrière universitaire. Le reste chercheront du travail directement en s'adressant à des entreprises, en participant à des concours etc. Il faut tout de même noter que rares sont ceux qui optent pour le travail indépendant ou la création d'entreprises qu'elles soient petites, moyennes ou grandes. Enfin, après quelques mois de l'obtention du diplôme, certains diplômés s'installent dans le chômage mais continuent d'espérer trouver un jour un emploi. Aujourd'hui, ils sont quelques centaines de milliers dans cette situation et ce chiffre augmente lentement, mais sûrement. Il ne peut y avoir que deux solutions au problème du chômage. La première est la création de quelques grands projets pouvant employer au moins cinquante ou soixante mille demandeurs d'emplois chacun. La deuxième consiste à orienter la plupart de ces demandeurs d'emploi vers la création de sources de revenus. Il me semble et j'espère me tromper que, la première possibilité n'est pas envisageable avant l'installation de l'Etat sur la base de la nouvelle Constitution. La deuxième est, en revanche, envisageable et même inéluctable. Elle est inéluctable, mais elle représente un excellent choix pour la Tunisie : aller dans le sens d'une politique active d'emploi est une position économique saine ; opter par contre pour une politique passive à travers la création d'une caisse de chômage est antiéconomique. En outre, une indemnité de chômage coûterait trop cher car il faudra compter parmi les chômeurs, tous les travailleurs informels, toutes les femmes au foyer, etc. L'Etat ne doit jamais s'engager dans une politique de l'emploi passive La deuxième possibilité, qu'on peut baptiser programme d'orientation et d'encouragement des demandeurs d'emploi de longue durée, vers le travail indépendant, doit être conçue comme un processus dynamique de longue durée (dix ans au moins). Il transcende donc la durée de vie du Conseil Constitutionnel, celle de la première législature et une bonne partie de la deuxième législature. Il doit donc survivre à plusieurs gouvernements et probablement à plusieurs ministres de l'Emploi. Donc, il me semble inapproprié de lier la résolution du problème de l'emploi à la durée de vie de la Constituante. Au contraire, le respect du délai d'un an pour cette asemblée peut représenter un signal fort pour de grands investisseurs étrangers et les inciter à créer de grands projets (première possibilité). Le rôle de la Constituante serait donc de mettre en place les conditions législatives nécessaires pour assurer la pérennité du programme et son financement. Le rôle du gouvernement de transition serait de mettre en place la structure qui aura la charge de l'exécution du programme ainsi que les mécanismes de financement, d'incitation. Cette structure aura une mission et des objectifs très précis, des moyens appropriés et une obligation de résultat. L'exécution proprement dite serait du ressort de la société civile et du secteur privé, notamment les associations et bureaux d'études capables de former et de coacher les demandeurs d'emploi, ainsi que les associations et les institutions de microcrédits. Le gouvernement de transition aura eu le mérite d'avoir initié le processus. Maintenant, comment éviter la reconstitution de ce stock de demandeurs d'emploi de longue durée ? Autrement dit, comment maîtriser les flux des diplômés ? La réponse passe par une réforme de fond de notre système national d'éducation et de formation. Cette réforme doit être globale, systémique et orientée vers l'emploi car réformer, - l'Ecole de base sans tenir compte des besoins de l'enssignement secondaire. - l'enseignement secondaire sans tenir compte des besoins de l'université, - l'université sans tenir compte des besoins du marché de l'emploi, - l'Ecole de base et l'enseignement secondaire uniquement sur des bases pédagogiques sans tenir compte de la demande de la société, serait une erreur. J'avais déjà développé cet aspect dans ces colonnes (voir La Presse du 13-04-2011), mais je reviendrai là-dessus. Aussi, s'il devait y avoir des états généraux pour ces différents domaines, ils devraient concerner l'éducation, la formation professionnelle et l'enseignement supérieur.