Dans le cadre des journées du cinéma européen, a été projeté, dimanche dernier au Colisée de Tunis, le long-métrage documentaire Tunisien, comment et pourquoi? (83 min) de Lotfi Dziri. L'acteur que nous connaissons tous est, cette fois, passé derrière la caméra. Il a fait le tour des villes où le soulèvement populaire a éclaté, pour recueillir des témoignages de ce qui s'est passé, mais il n'a pas fait que cela. Sa caméra a squatté la misère, pointé du doigt la défaillance administrative, la corruption et le manque d'infrastructures. D'ailleurs, les villes «prospères», à l'exception de Sfax où des milliers sont sortis dans la rue pour une grève générale, sont absentes du film. Tunisiens, comment et pourquoi? est l'histoire de sacrifices qui ont commencé, bien avant la naissance du film. C'est forcément le cas, quand on sait que Lotfi Dziri y a mis le cachet qu'il a perçu sur le film Or noir de Jean Jacques Annaud, tourné en grande partie dans le sud tunisien, entre décembre 2010 et janvier 2011, et donc en pleine révolution. Et c'est sans doute ce qui a poussé notre réalisateur improvisé à se lancer dans cette aventure, ainsi que le devoir de mémoire qui a porté tant d'autres vers cet exercice et la volonté de saisir la prise de parole jaillissante de l'après-14 janvier. La parole, Lotfi Dziri, de par son métier, sait bien la manier. C'est un merveilleux conteur, à la diction parfaite, qui sait saisir l'oreille et l'esprit. Ce don, sculpté sûrement par la pratique, assure les retouches d'un film qui pèche malheureusement par des maladresses techniques, même si Lotfi Dziri affirme qu'il a débuté comme réalisateur et metteur en scène. Alors, aurait-il perdu la main? En tout cas, le cœur y était dans cet exercice de citoyenneté. Tunisien, comment et pourquoi? est en fin de compte, une tentative de faire le tour de la tunisianité, dans sa complexité et sa particularité. C'est dans ce cadre qu'il convient d'inscrire ce film, fait par un artiste profondément persuadé que dans cette situation, il doit être un citoyen...avant tout.