L'espace est superbe, gainé de lambris de bois, éclairé d'un faisceau de fibres optiques simulant un ciel étoilé, dallé de marbres couleur lapis-lazuli, habillé de verre et d'acier. Et il est tristement désert. Le Musée de la Monnaie a été créé à la fin de l'année 2008, sa réalisation ayant mobilisé des moyens extrêmement sophistiqués. Il venait succéder à un premier musée, créé quant à lui en 1960, et en héritait des collections. La Banque centrale ayant été déplacée, on exposa les collections dans le hall, en un premier temps, avant d'inaugurer cet espace couvrant 600 mètres carrés sur deux niveaux, distribué autour d'une rotonde et surmonté d'une mezzanine. Au rez- de-chaussée, dans la rotonde, sont présentées les médailles créées par la banque pour différentes occasions. Autour, est exposée la collection historique, couvrant, selon une présentation chronologique, les périodes puniques, numides, romaines, vandales, byzantines, arabes. Celle-ci provient, pour une grande partie, du fonds de Hassen Hosni Abdelwahab. Et si la partie antique n'est pas des plus riches, le point fort de la collection appartient, essentiellement, à l'époque médiévale arabe. La mezzanine, cependant, est supposée être consacrée aux expositions permanentes. Sauf que ce musée superbe, placé sur un grand axe routier, aisément accessible, et qui mérite d'être mieux connu et plus visité, manque singulièrement d'animation et d'évènements susceptibles d'attirer le public. Aussi, après avoir longtemps géré le musée comme un service de la banque, a-t-on décidé de lui donner une vraie vocation muséale, de confier sa direction à un historien, Khaled Ben Romdhane, qui est le premier numismate tunisien, et de travailler en étroite collaboration avec l'Institut national du patrimoine Khaled Ben Romdhane élabore actuellement un programme dynamique, « qui donnera envie aux gens, non seulement de découvrir le musée, mais aussi d'y revenir». Pour cela, il se propose de multiplier les évènements et les animations, en ciblant le public. C'est ainsi qu'il prévoit plusieurs expositions par an, « sur des thèmes touchant à l'économie, au commerce des métaux précieux, aux médailles, à la façon dont on bat la monnaie, à l'impression des billets de banque... ». Il envisage également d'élargir ces expositions à l'invitation de pays amis et voisins. Son but : « attirer le public et lui donner des motivations pour revenir». Débordant l'aspect strictement patrimonial, et n'oubliant pas que ce musée est celui d'une banque, on prévoit de s'intéresser à l'aspect scientifique en programmant des conférences, colloques et tables rondes sur la numismatique, et sur l'économie financière de la Tunisie, de toutes les époques. Et puis, parce que c'est auprès des jeunes que se joue l'avenir du patrimoine, que c'est à eux qu'il faut apprendre à l'aimer pour mieux le préserver, le Musée de la Monnaie prévoit de monter des ateliers de différentes disciplines, mosaïque, moulage, sculpture, en reprenant des thèmes existants sur les monnaies. Mais en attendant, le musée prend un coup de jeune : les vitrines seront revisitées, sortiront de la stricte exposition chronologique, intègreront d'autres éléments, selon un concept muséographique qui refuse le caractère figé et statique. Plus que de montrer, il s'agit, en effet, de raconter une histoire. Et chacune des huit vitrines du musée aura pour rôle de mettre en scène des évènements exceptionnels ou le simple quotidien d'une époque. Et aussi conservatrice que soit la maison mère, car n'oublions pas que nous sommes à la Banque centrale de Tunisie, on introduira tous les nouveaux moyens techniques dont dispose la muséographie moderne. Médiathèque, embryon de bibliothèque, borne interactive, boutique de musée existent déjà, mais demandent à être développés et étoffés. Une banque de données sera créée, un réseau incluant tous les numismates de Tunisie, les collectionneurs, les chercheurs, permettra de faire de ce musée le réceptacle de tout le savoir en matière de monnaie. A suivre de très près.