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La marche des moutons
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 25 - 11 - 2011


Par Fethi EL MEKKI
Alfred de Musset disait : «La prospérité trouve toujours des amis, le pouvoir aussi».
Il paraît que depuis le 25 octobre, ça se bouscule, mais discrètement, du côté du quartier des affaires, Montplaisir. Ce quartier est brutalement devenu un quartier chic et choc, où il fait bon et «in» d'être vu, plus précisément du côté du siège d'un parti politique, qui jusqu'à il y a quelques semaines était vomi et honni. Ce parti, vous l'avez sûrement deviné, c'est le parti qui vient de remporter les dernières élections ; c'est le parti islamiste Ennahdha.
Dans un récent article, j'ai mentionné, tout en étant très optimiste, que courber l'échine dans notre pays est un sport national. A priori, je me suis trompé, et aujourd'hui, en étant un peu moins optimiste, je crois que c'est beaucoup plus qu'un sport, c'est une véritable religion...
Un formidable mouvement moutonnier est en train de se former, un peu partout dans le pays, notamment dans les beaux quartiers, autour des cellules du parti vainqueur, sans attirer l'attention, et où l'on se dit et après tout pourquoi pas lui ? Malgré le double langage ahurissant de M. Hamadi Jebali et les bourdes rigolotes de M. Ghannouchi, dans la presse écrite et l'audiovisuel, on félicite, on embaume de compliments, on bat des paupières et les colombes commencent même à battre des ailes devant leurs anciens ennemis, que voulez-vous ? On ne sait jamais… mieux vaut être pragmatique et se garantir, d'une manière habile, l'accès à la mangeoire.
Apres avoir fait la queue aux toilettes les 25 et 26 octobre, on s'est ressaisi, recoiffé et revigoré. Nul doute que la meute des plieurs d'échine va se réorganiser, relever la tête et agir à pas de sioux, pour se replacer dans l'échiquier social et politique et faire sa haie de déshonneur dans les palais de la République.
Certains barbus n'en reviennent pas, on aurait même vu des blondes, oxygénées à en mourir, vaporeuses et sirupeuses, se glisser furtivement dans les couloirs sombres et discrets du siège du parti vainqueur, pour apporter les couronnes de louanges, tressées de mains de maître.
Dans l'odyssée d'Homère, les prétendants se sont présentés tous les jours à Pénélope pour remplacer Ulysse, roi d'Ithaque, parti en guerre. Ça n'a pas marché. Espérons que ce sera le cas aussi en Tunisie.
Du beau linge dans de sales draps
Bourguiba et Zaba, et leurs si douces et exceptionnelles moitiés, avaient leurs troupes de troubadours, qui, en rangs bien serrés et moutonniers, envahissaient consciencieusement tôt le matin le palais présidentiel et les lambris dorés de la République, courbés, ployés en majestueuse et horizontale humilité, pliant la nuque, qu'ils ont d'ailleurs fort souple, pour un regard, un sourire royal ou parfois même moins.
L'attrait du pouvoir en Tunisie est phénoménal. Devant les gens de pouvoir, ça se marche sur les pieds, ça joue des coudes, ça se prosterne, ça rampe à plat ventre ou à quatre pattes, bien comme il faut. On est prêt à se rouler par terre pour un soupçon de regard et les militants formés à la dure école de la lèche, à la tête à taloches, sont frénétiques et insatiables. Ce curieux penchant pour la lèche et les courbettes, associé à leur outrance obséquieuse, leur permet assez souvent de rentrer en grâce ou de sortir de disgrâce. Les scènes sont curieuses, amusantes et honteuses.
La vile courtisanerie a gangréné notre société qui souffre de cette affection sous une forme chronique, avec certaines poussées aiguës lors des grandes occasions. Notre pauvre ambitieux, à défaut de jugeote et de personnalité, tel un insecte lécheur, a malgré lui adopté l'adage «la sagesse est une denrée rare et le lèchement une industrie prospère», qui lui permet de suivre, comme une ombre les noms ronflants et gonflés de vent. Il faut le voir, mouton bêlant derrière, jour et nuit. Inutile de réfléchir. Il faut emboiter le pas. Tel un agriculteur passionné de sa terre, mais respectueux de vagues principes et de brumeuses convictions, il laboure, sème, laisse pousser, puis tentera de récolter le fruit des étreintes « militantes » et étouffantes.
Orphée n'est revenu qu'une seule fois de l'enfer, cette caste - là, au moins deux.
Véreux important persons (VIP)
Notre servilité est bien ancrée et a ses traditions. Que d'énergie consacrée, abîmée, à se rapprocher du soleil, à en célébrer le lever, à en glorifier le coucher. Ne dit-on pas que le pouvoir protège, purifie et grandit ?
L'homme à la morale élastique, aimable jusqu'à l'onction, courtisan dans l'âme, est précieux, vétilleux, frileux et prétentieux. Il chasse rarement en meute, le plus souvent seul, tatillon, arrogant et la bouche grande ouverte. En présence de ses maîtres, dont il fait le siège et tente de prospérer dans leur sillage, il ne peut s'empêcher de bêler d'admiration, il n'existe plus, il n'est que piétaille et valetaille. Les grimaces deviennent sourire, le rire est courtisan et l'humeur printanière, qu'ils auraient réchauffés une morgue ou mieux encore, fait fondre la banquise.
Parfois, dans un moment de faiblesse ou d'égarement, notre louangeur ira jusqu'à hurler «vive les moches et les grosses», espérant ainsi partager sa vie avec une des descendantes de la cuisse de Jupiter, pour pouvoir couler une retraite paisible. Dieu nous en préserve...
La gent féminine, née coiffée, n'est pas en reste. Pourtant, en politique comme en amour, il est des étapes à respecter. S'agitant tel des moucherons, autour de qui on imagine, camouflée sous une élégante courtoisie, l'esprit déploie, sans hauteur, des avalanches de compliments. La voix est doucereuse, chevrotante parfois haletante et le regard mourant, semble faire la manche.
L'ovaire étant un organe hautement sensible au pouvoir, il a absout, sanctifié, et consacré, frémissant et douloureux, des centaines de mariages pathétiques et grotesques, où on a sacrifié comme un mouton noir, son tendron, qu'on a offert au plus offrant, mais que voulez-vous ? le deal était fort intéressant. Au cours de ces fastueux mariages, on a mangé jusqu'à vomir, bu jusqu'à en mourir, dansé jusqu'au l'aube et le bêlement des brebis qui ressemblait vaguement aux you-you s'entendait à des kilomètres à la ronde... Reconnaissants, on racontera plus tard que ces unions trempées d'acier ont eu lieu sous menaces... Ravissant spectacle...
Le club des paupières lourdes
Cette caste pressée de paraître sur un nuage en blanc, somnambule, lettrée, loyale et racée, ayant pris en haine la vertu, est tel un fantôme, toujours omniprésente, là où il faut. Fêtes religieuses, mariages, décès, élections locales, régionales, nationales, municipales, législatives ou présidentielles ; dans l'entourage du président, d'un ministre, d'un conseiller, d'un gouverneur, d'un ambassadeur ou bien pour les plus futés dans l'entourage de leurs familles, tel une professionnelle danseuse du ventre, qui fait doucement rigoler. Puisque rien ne les empêche de progresser dans la servilité, pourquoi s'en priver ? D'ailleurs, leur génie est tel qu'ils pourraient même charmer une bête sauvage...
On a vu des générations entières d'une même famille, adeptes du «se coucher devant les puissants, les lobbys, ou le pouvoir de l'argent», plaie mortelle de notre société, se prosterner devant qui il faut, à la bouffonne pantomime, en usant de mots convenus, ou plus subtil encore, flatter sans rien dire, d'un regard admiratif, car ça ne laisse aucune trace, pour les assises et l'histoire.
Le panurgisme est un mouvement spontané et involontaire qui conduit nos moutons a toujours suivre le premier, où qu'il aille, tant que c'est rentable. Ces thuriféraires, constitués le plus souvent par une élite molle et caudataire, recevant régulièrement la médaille d'or du portage du panier, n'auront aucun problème lors des changements de régime, tels des cabotins bien dressés à filer à l'anglaise dans un calme mortuaire et à réapparaître sous une autre forme. On ne leur jettera pas l'anathème, car ce mal incurable est à transmission génétique autosomique dominante.
Gare aux pompistes
Durant cinq décades, le léchage et la servilité ont été les deux mamelles tristes de la politique politicienne tunisienne.
Depuis le 25 octobre, le Cassandre d'hier est aujourd'hui brutalement optimiste et les rapaces tournoient et font la ronde autour des vainqueurs des élections, qui du reste sont emportés par le zéphyr du succès et le ramage de la moutonnaille.
Le cerveau le mieux organisé ne pourrait ou ne saurait résister à cette marée montante «d'amabilités», de la part d'aimables et soupirants parterres, experts en génuflexion.
Il serait préférable pour ces nouveaux venus, n'ayant aucune idée sur les délices du pouvoir, d'ouvrir grands les yeux et d'être aux aguets, afin qu'on ne puisse plus respirer le détestable parfum d'autrefois.
La marquise de Rochebelin disait : le chien a des vers, l'enfant des poux, le roi des courtisans.
NB : Je tiens à remercier vivement toutes celles et tous ceux qui de près ou de loin m'ont inspiré pour la rédaction de cet article.


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