• Un cadre médical et paramédical dépassé • Urgence de réorganiser le secteur de la pédiatrie L'épidémie de bronchiolite, qui perdure depuis fin novembre, a touché cette année un grand nombre de nourrissons de moins d'un an qui ont été admis à l'hôpital d'enfants de Bab Saâdoun pour toux et rhinorée. Au troisième étage de l'établissement, 98 nourrissons et enfants ont été admis au cours des dernières heures, dont 20 cas de bronchiolite, alors que le service ne comporte que soixante lits. Pour pouvoir prendre en charge tous ces malades dont certains ont fait une détresse respiratoire, le personnel a, faute de place, installé trois à quatre nourrissons par chambre et procédé au protocole de routine : lavage de nez pour désobstruer les voies, fractionnement des biberons, surveillance de la fièvre et intubation pour ceux qui ont fait une insuffisance respiratoire. « La bronchiolite est une infection d'origine virale des petites voies aériennes, explique le Professeur Khadija Boussetta, chef de service. Il s'agit d'une infection provoquée par plusieurs types de virus dont celui de la grippe qui touche les nourrissons de moins d'un an et qui peut prendre une forme sévère chez les nourrissons de moins de trois mois, ainsi que chez l e nouveau-né.L'enfant arrive généralement avec une toux et un écoulement nasal. L'épidémie est virulente cette année. Afin d'éviter que cette épidémie ne se propage, il y a des principes simples à suivre : la mère doit se laver les mains chaque fois qu'elle touche son enfant. Si l'un des parents est enrhumé ou grippé, il doit éviter d'être trop en contact avec le nourrisson et mettre un masque sur son nez et sa bouche ». L'épidémie a connu certains pics, comme en 2006, au cours de laquelle plus de 3.000 nourrissons ont été admis pour bronchiolite aiguë. 68% ont été traités en ambulatoire et 32% hospitalisés. Au cours de la saison 2008/2009, près de mille nourrissons ont été admis dont 42% étaient âgés entre 0 et deux mois. Outre la bronchiolite, l'hôpital admet tout au long de l'année un très grand nombre de nourrissons et d'enfants atteints de pathologies diverses dépassant de 100% sa capacité d'accueil avec l'enregistrement, en moyenne de près de vingt mille admissions pour une capacité de 175 lits. Le ras-le-bol commence à se faire sentir chez les médecins et les infirmiers travaillant dans les services pédiatriques qui ont en plus à supporter la surcharge de travail découlant de l'encombrement constant des services. «Dans le service de pédiatrie, nous avons quatre médecins spécialistes qui doivent assurer la prise en charge de 6.000 hospitalisations par an. Il est arrivé un soir d'avoir deux infirmières de garde pour soigner et surveiller 58 nourrissons malades», relève le chef de service pédiatrie. Des risques de transmission En période d'épidémie, l'activité est à son summum dans l'établissement qui tourne à plein rendement. Alors qu'il n'y a pas un nombre suffisant de lits, un grand nombre de nourrissons et d'enfants sont admis tous les jours et hospitalisés dans des conditions désastreuses.Deux nourrissons, et parfois trois, atteints de la même pathologie ou de pathologies diverses sont installés dans le même lit, augmentant ainsi le risque de transmission de virus. Des conditions qu'ont du mal à accepter les parents qui s'en prennent physiquement et verbalement au cadre médical et paramédical obligé d'encaisser. «Nous avons admis récemment un nourrisson atteint de méningite. Comme nous avons été dans l'obligation de l'isoler, il a fallu mettre cinq autres nourrissons dans la même chambre», a observé, à ce propos, le professeur Boussetta. A cause du nombre insuffisant de lits qui s'élève à quatorze, le service de réanimation pédiatrique a dû à plusieurs reprises, refuser l'admission d'enfants se trouvant en détresse respiratoire et provenant soit des services de pédiatrie soit des hôpitaux périphériques et régionaux. Une situation devenue inacceptable selon le chef de service de pédiatrie qui pointe du doigt la désorganisation du secteur de la pédiatrie publique en Tunisie, en grande partie responsable du problème de saturation de l'hôpital d'enfants de Bab Saâdoun qui travaille au-dessus de sa capacité. En effet, l'établissement accueille dans ses services de réanimation et d'urgence pédiatrique les nourrissons et les enfants transférés en urgence des hôpitaux de la Rabta et de Charles-Nicolle ainsi que des CHU de Bizerte et de Nabeul et des hôpitaux régionaux qui ne disposent pas de service d'urgence pédiatrique et de réanimation pédiatrique polyvalente. « Nous accueillons les transferts des hôpitaux périphériques ainsi que les transferts des hôpitaux du Grand-Tunis et de la Marsa ainsi que des hôpitaux régionaux, a expliqué le Professeur Boussetta. C'est une charge lourde pour l'hôpital d'enfants de Bab Saadoun qui ne dispose pas de l'infrastructure nécessaire pour la supporter. Le cadre médical et paramédical travaille au-dessus de sa capacité.Il faut absolument revoir l'organisation du secteur de la pédiatrie ainsi que celui de la réanimation néonatale et pédiatrique». Devant cette surcharge de travail, l'établissement a été détourné de sa vocation première, en l'occurence la recherche médicale, l'encadrement des compétences, le développement des soins et des actes de pointe, ainsi que celui de la diversificiation des spécialités pédiatriques afin d'assurer les soins de première ligne. «Du fait que pratiquement aucune structure ne peut assurer les soins de première ligne en pédiatrie, nous sommes obligés de le faire et, par conséquent, nous ne pouvons plus nous consacrer convenablement à l'encadrement des compétences, à la recherche médicale ainsi qu'au développement d'autres spécialités pédiatriques. Alors qu'il est supposé être un hôpital de troisième ligne, l'hôpital d'enfants de Bab Saâdoun se retrouve à assurer des soins de première ligne à cause de la mauvaise organisation du secteur de la pédiatrie en Tunisie». Une situation à laquelle il est urgent de remédier.