Les structures sanitaires des hôpitaux universitaires posent de nombreuses problématiques: dégradation du matériel, insuffisance de personnel, vétusté des établissements, des ascenseurs quasiment en panne. C'est le cas du service de pédiatrie de l'hôpital Hédi-Chaker de Sfax. La situation générale des deux services pédiatriques est source de nombreuses critiques. Les urgences pédiatriques accueillent quotidiennement entre 120 et 150 enfants venant de sept gouvernorats. Elles fonctionnent 24/24, mais laborieusement. Un médecin spécialiste et deux stagiaires accueillent les bébés et les enfants. En cette période hivernale de l'année, les urgences connaissent un flux remarquable à cause des bronchites liées à la saison. Selon un cadre paramédical, les urgences pédiatriques fonctionnent au jour le jour. Le matériel existant dans les salles de consultation et des soins de premières nécessités ne répond pas parfois aux besoins aggravés des souffrants. Pendant les périodes de pointe, le personnel devient insuffisant. La nuit, un surplus de travail peut être une cause de contestations et d'un climat de mécontentement entre les parents et le cadre soignant. Les professeurs Abdelmajid Mahfoudh et Mongia Hchicha nous ont accompagné dans notre visite aux deux services de pédiatrie de l'hôpital universitaire Hédi-Chaker de Sfax. Dr Abdelmajid Mahfoudh, chef de service de pédiatrie, d'urgence et de réanimation pédiatrique, indique que cette unité a été créée en 2005. Il a été prévu de mettre en place 25 lits d'hospitalisation, 10 lits de réanimation et un hôpital de jour qui accueille 10 patients. L'hôpital du jour qui, normalement devait fonctionner à côté des urgences au rez-de-chaussée, n'a pas pu voir le jour faute de matériel et de personnel. Les enfants nécessitant une surveillance pendant la journée sont accueillis à l'unité d'hospitalisation relevant du service de pédiatrie, d'urgence et de réanimation se trouvant au premier étage. Cette situation est à l'origine parfois d'une surcharge dans l'unité d'hospitalisation. Le grand problème de ce service est l'unité de réanimation. Un service de réanimation pédiatrique dans un hôpital universitaire comme celui de Hédi-Chaker qui accueille quotidiennement des centaines de malades ne peut offrir que deux lits de réanimation pédiatrique. «Actuellement, nous n'avons que deux lits de réanimation, ce qui cause un grand problème. Il nous arrive de nous trouver dans des situations difficiles lorsque plus de deux bébés nécessitent une réanimation. Nous sommes obligés dans ce cas d'effectuer une réanimation manuelle, ce qui n'est pas normal du fait que cela présente des risques pour le malade», précise le Pr Mahfoudh. Toutefois, un manque ou une absence de collaboration sont remarqués entre les différents services à l'hôpital Hédi-Chaker. Alors que le service de réanimation pédiatrique souffre d'un manque flagrant de lits de réanimation, le service de néonatalogie en dispose de 40. Ce dernier n'accepte que les enfants âgés de moins d'un mois et qui sont nés dans cette unité. C'est-à-dire qu'un enfant âgé de 25 jours né à Jbeniana, Gafsa, Sidi Bouzid et autres régions nécessitant une réanimation n'est pas accepté au service de néonatalogie de l'hôpital Hédi-Chaker ! Côté infrastructure et équipements, le service de réanimation n'est pas bien aménagé. Il existe une seule salle de soins intensifs. Les autres sont des bureaux administratifs. «Faute de ressources financières, la direction de l'hôpital n'a pas entamé les travaux de mise à niveau de l'unité. Nous espérons qu'avec ce nouveau ministère, les choses changent et qu'on s'intéresse davantage à la santé publique», ajoute Dr Mahfoudh. Ce qui est positif dans ce service, c'est qu'il est assisté par un personnel compétent. De même, les enfants hospitalisés dans l'unité bénéficient de l'accompagnement des mamans. Selon Dr Hchicha, chef de service de pédiatrie, le fonctionnement du service présente des insuffisances. «Nous avons de sérieux problèmes avec un manque flagrant au niveau du personnel paramédical et des ouvriers, les équipements existants sont dans un état dégradant. La nuit, le travail devient plus difficile. Deux ou trois paramédicaux assurent la surveillance de 60 lits. Il s'agit, essentiellement, d'un problème d'affectation. De même, les mamans dans le service ne sont pas autorisées à rester avec leurs enfants dans l'unité d'hospitalisation. Nous espérons que les autorités de tutelle améliorent les conditions d'hospitalisation dans l'unité et créent un service mère-enfant pour que les mamans puissent prendre en charge le côté hygiène des bébés», confie Dr Hchicha. Mauvaise odeur ! Par ailleurs, le service souffre d'un problème de propreté. Les poubelles remplies d'ordures et de déchets médicaux sont partout. Les mauvaises odeurs des couches bébés choquent les visiteurs. «C'est l'anarchie totale dans le service. Le dialogue est quasiment absent entre le cadre médical et les ouvriers. Il y a certains employés qui ne respectent pas la hiérarchie et qui refusent de travailler. Chacun doit comprendre ses tâches et assumer ses responsabilités. Un autre problème se pose : la sécurité est absente à l'hôpital. Les agents de sécurité n'effectuent pas leur travail convenablement. A cette situation dégradante, s'ajoutent les pratiques scandaleuses de certains éléments du cadre paramédical qui vendent les médicaments, les pansements et les seringues aux malades pour gagner de l'argent», ajoute le Dr Hchicha. La situation générale du service de pédiatrie devient plus complexe avec le nombre accru des hospitalisés. Ce service couvre les sept gouvernorats du Sud puisque les hôpitaux régionaux souffrent d'un manque de personnel et d'appareils médicaux. En ce qui concerne le service de chirurgie pédiatrique, l'état est inquiétant. Une seule équipe travaille de 7h00 à 13h00. Un manque de paramédicaux est observé. Les malades sont envoyés vers le service de chirurgie pédiatrique de Monastir. Cette réalité est choquante d'autant plus quand il s'agit d'un centre hospito-universitaire comme celui de Hédi Chaker ! «La nécessité d'une mise à niveau du secteur de santé notamment des établissements publiques devient une exigence. Le malade a droit à des conditions favorables de prise en charge. Et pour commencer, il faut penser à appliquer des normes dans les différents hôpitaux», conclut Dr Hchicha.