Traversé pas une vague de contestations, ces dernières semaines, le parti Ettakatol, que préside M. Mustapha Ben Jaâfar, a enregistré hier un nombre important de démissions, dont le chiffre prête toutefois à controverse entre la direction du parti et les têtes de file des démissionnaires, ces derniers annonçant 172 dont 22 responsables. Les démissions seraient motivées par l'«absence de démocratie» et des «méthodes de direction marginalisant le rôle des militants et militantes» aggravées par ce que les contestataires désignent par la bouche de M. Khaldoun Souilhi «l'échec de la direction du parti dans la gestion de l'actuelle étape politique». Dans la «déclaration de démission» adressée au journal La Presse, les signataires reprochent également «les erreurs fondamentales commises lors des négociations relatives à la coalition gouvernementale et l'incapacité de valoriser la place et le rôle du groupe parlementaire d'Ettakatol au sein de l'Assemblée nationale constituante» ainsi que la «déviation de la ligne officielle d'Ettakatol par rapport aux principes et valeurs authentiques et originelles, qui avaient conduit de larges franges du peuple tunisien à rejoindre ses rangs et militer en son sein, en vue de réaliser les objectifs de la Révolution». Contacté par nos soins, M. Mohamed Bennour, porte-parole du parti, nous a indiqué que la direction d'Ettakatol n'a pas été surprise par ces démissions. Sachant, cependant, que les lettres de démission envoyées à la direction du parti n'y sont pas encore parvenues, ce qui ne permet pas un recoupement du nombre des démissionnaires. M. Bennour ajoute : «Nous savons depuis toujours que Khemaïs Ksila et ses acolytes préparent ce coup. Cette manœuvre n'est pas étrangère à l'esprit de Khemaïs Ksila qui, apparemment, n'a pas changé de style depuis qu'il était avec Ben Ali. Tout le monde se rappelle son rôle et son empreinte dans la préparation et le déroulement du congrès de la Ligue des droits de l'Homme en 1994, lorsqu'il avait exécuté le plan déstabilisateur ourdi par Ben Ali, en éloignant de la Ligue le Dr Marzouki, qui en était le président, le Dr Ben Jaâfar, qui en assumait le secrétariat général et Mme Sihem Ben Sédrine, alors membre du bureau directeur. Il avait donc éloigné les trois têtes dont l'élimination était réclamée par Ben Ali, et pour laquelle beaucoup de moyens ont été consacrés». Et M. Bennour d'expliquer, concernant M. Ksila, qu'après le 14 janvier, les dirigeants d'Ettakatol «ont cru qu'il a définitivement rompu avec ce type de manœuvres rétrogrades. Mais il a attendu son élection pour reprendre du service et exécuter des plans qui ne sont pas les nôtres». A propos des éventuelles mesures que se proposeraient de prendre les dirigeants du parti face à cette dissidence, M. Mohamed Bennour précise : «En ce qui nous concerne au parti Ettakatol, nous avons parmi nous maintenant beaucoup de compétences, beaucoup de cadres et de nombreux jeunes qui militent au sein du parti. La direction a ouvert les débats après le 23 octobre. Lors du Conseil national, tenu il y a un mois, des commissions ont été créées pour chercher la bonne formule pour intégrer beaucoup d'entre eux dans les instances dirigeantes. Ces commissions ont préparé des rapports que nous allons soumettre au Conseil national qui se tiendra dimanche prochain, à 9h00 au Mechtel. Des décisions sont attendues, car il est question d'intégrer de nombreux jeunes et de militants qui nous ont rejoints après le 14 janvier, au sein des instances dirigeantes, notamment le Conseil national et le bureau politique. D'autres vont pouvoir assumer de grandes responsabilités à la tête de commissions qui vont préparer le parti en vue des prochaines échéances. Ce conseil national va aussi décider des préparatifs à entreprendre en vue du prochain congrès du parti». Et notre interlocuteur de tirer les conclusions : «Le parti connaît bien les techniques d'infiltration et de noyautage utilisées par certains groupuscules et s'est prémuni contre ce fléau. Certains veulent nous déstabiliser et nous pousser à prendre des décisions disciplinaires mais nous n'exclurons personne. En tant que parti démocratique, nous rejetons un tel recours et sommes attachés à encourager de vrais débats en notre sein. Pour nous, toutes ces manœuvres sont une tempête dans une tasse de café». Cela n'empêche que les militants et cadres de Tunis 1 et Tunis 2 sont sur le départ et qu'on nous annonce que d'autres démissions suivront.