Dominique de Villepin, invité d'honneur des Journées de l'Entreprise 2025 à Sousse    Youcef Belaïli remercie ses supporters après sa blessure    La Cité des Sciences à Tunis accueille le 1er hackathon sur l'entrepreneuriat social Hackath'OOUN    Huile d'olive 2025 : les prix oscillent entre 12 et 14 dinars le litre !    EST : Yann Sasse touché par une légère blessure    Bardo : bus 104 et 30 déviés à cause des travaux de la Ligne D    Sidi Hassine Sijoumi : la SNIT ouvre la vente des appartements sociaux    La syndicat des pharmaciens appelle à une intervention urgente face au non-paiement par la CNAM    La pièce Les Fugueuses de Wafa Taboubi remporte le Prix de la meilleure oeuvre de la 3e édition du Festival National du Théâtre Tunisien    Amina Srarfi : Fadl Shaker absent des festivals tunisiens    Semaine mondiale de l'Entrepreneuriat : formations pratiques (gratuites) et table ronde à l'IACE    Dhafer L'Abidine à la Foire du Livre de Sharjah : Les histoires doivent transcender les frontières    Lem7ata : quand un espace de créativité et de solidarité investit la place Barcelone de Tunis    Bâtir une IA africaine souveraine et ambitieuse : trois jours à Sousse en congrès africain global    Sarkozy fixé ce soir sur sa libération    ESET Research alerte sur les méthodes du groupe DeceptiveDevelopment, du faux entretien d'embauche au vol crypto    Météo en Tunisie : averses isolées au nord    Tunisie: Financement de projets d'excellence scientifique    Les raisons de la pénurie de beurre en Tunisie... les causes    Décès du Pr Abdellatif Khemakhem    Hatem Kotrane: Le Code de protection de l'enfant 30 ans et après?    Match EST vs CA : où regarder le derby tunisien du dimanche 09 novembre 2025?    La Fête de l'arbre: Un investissement stratégique dans la durabilité de la vie sur terre    Nouvelles directives de Washington : votre état de santé pourrait vous priver du visa américain    Enseignement en Tunisie: une seule séance?    Justice tunisienne : 1 600 millions pour lancer les bracelets électroniques    Les hormones: ces messagères invisibles qui orientent nos jugements intellectuels à notre insu    Tunisie : Le budget de la Culture progresse de 8 % en 2026    L'Université de la Manouba organise la 12è édition du symposium interdisciplinaire "Nature/Culture"    Qui est Ghazala Hashmi, la musulmane qui défie l'Amérique ?    Qui est le nouvel ambassadeur de Palestine en Tunisie, Rami Farouk Qaddoumi    Météo en Tunisie : pluies éparses, températures en baisse    Secousse tellurique en Tunisie enregistrée à Goubellat, gouvernorat de Béja    Derby de la capitale : l'Espérance exige des arbitres étrangers pour éviter la polémique    Suspension du Bureau tunisien de l'OMCT pour un mois : les activités à l'arrêt    La Tunisie prépare une réduction du nombre d'établissements publics pour plus d'efficacité    Elyes Ghariani: Comment la résolution sur le Sahara occidental peut débloquer l'avenir de la région    Mondher Khaled: Le paradigme de la post-vérité sous la présidence de Donald Trump    Congrès mondial de la JCI : la Poste Tunisienne émet un timbre poste à l'occasion    Attirant plus de 250 000 visiteurs par an, la bibliothèque régionale d'Ariana fait peau neuve    Ligue 1 – 11e Journée – EST-CAB (2-0) : L'Espérance domine et gagne    New York en alerte : décès de deux personnes suite à de fortes précipitations    Le CSS ramène un point du Bardo : Un énorme sentiment de gâchis    Lettre manuscrite de l'Emir du Koweït au président Kaïs Saïed    Taekwondo : la Tunisie s'impose parmi les quatre meilleures nations    Le "Djerba Music Land" en lice pour les Heavent Festival Awards 2025: Une reconnaissance internationale pour le festival emblématique de l'île des rêves    Match Espérance de Tunis vs Club Bizertin : où regarder le match de la ligue 1 tunisienne du 30 octobre    Kharjet Sidi Ali Azzouz : bientôt inscrite au patrimoine culturel immatériel    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Tunisis hysteresis (2e partie)
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 17 - 02 - 2012


Par Mohedine BEJAOUI
Un détour par le théâtre pourrait apporter un éclairage particulier, parce qu'il n'est pas très abusif de penser que la comédie humaine est au peuple ce qu'est le psychologue pour l'individu, si tant est que l'une et l'autre consentent à se mettre à table ou à s'allonger sur le divan en acceptant de régler la prestation.
Amnésia, Junun, deux pièces prémonitoires de la troupe du Nouveau Théâtre , qui s'empara de la folie comme thématique récurrente, «prétexte» d'une dramaturgie franchement inspirée des flottements de la société tunisienne entre continuité et rupture, modernité et réaction, espoir et anxiété. Deux personnages emblématiques traversent les deux pièces, incarnent par alternance la structuration sociale, en dominant-dominé, en faible-fort, en homme-femme; construction historicisée, intériorisée, qui survécut au 14 janvier 2012 et, qui ne s'évanouira pas par la seule disparition physique du dictateur. Sa figure fuyante, paternaliste abusive, écrasante, hégémonique, hante encore les esprits des siens, comme de ses victimes. La nature sociale a aussi horreur du vide, les places libérées ont été aussitôt occupées «opportunément» par une espèce d'appel d'air. La révolution est une monture peu rétive, elle se laisse monter par des cavaliers dont la morale flexible est paradoxalement peu chevaleresque. Les personnages du nouveau théâtre ont cette duplicité, cette étoffe changeante qui, de burnous en trois pièces peut vous transformer le destin d'un homme, ou celui d'une nation. L'habit fait le mufti, comme le niqab fait la polémique, «la fitna».
«Cachez-moi cette Fetina que je ne saurais voir !»
Dans Amnésia, le chef a été limogé par les siens, abandonné par ses anciens affidés, échouant dans un hôpital psychiatrique après une confusion mentale vraie ou simulée. Il n'y pas de lieu plus approprié pour prendre acte des blessures d'une société au travers des incohérences des siens, ne serait-ce que de sa façon de traiter ses fous furieux, on peut juger le degré de sa maturité et son civisme. Le chef déchu y retrouvera ses victimes perturbé par les mêmes démons et hallucinations que lui, alors qu'il en a été l'artisan doué. Dans cet hôpital, on retrouvera les peurs, les doléances, les chikayas, les non-dits enfin exprimés dans leur vulgarité par les gros mots qui conviennent, l'obscénité du pouvoir du plus fort sur le plus faible, l'infirmier qui reprend de l'autorité sur le dictateur en chef, l'ordre de l'arbitraire inversé mais toujours opérationnel. Et si sommeillait en chacun de nous un dictateur en puissance? Fascinant !
Maintenant que le dictateur n'est plus là, que se passe-t-il aux frontières de l'hôpital psychiatrique ?
Le personnage central de Junun, paranoïaque errant, qui voit en tout un chacun un tortionnaire potentiel, n'est pas le fou du village à qui on attribuait à tort ou à raison des vertus d'extra lucidité et de sagesse inaccessible aux profanes, Nun, est tout vivant sous la chape de plomb d'une dictature féroce, se réfugiant dans les chimères consuméristes, qu'il les réalise ou pas, doublement prisonnier d'une situation insensée mais fonctionnelle. Pourvu qu'on soit plusieurs à souffrir, la douleur est plus supportable !
Pas de possibilité de bonheur collectif, le bien-être communautaire est hors de portée ici-bas, alors souffrons ensemble comme le dit cet adage tunisien détestable «une pendaison collective est une villégiature». La révolution «doit-elle s'arrêter avec la perfection du bonheur» (Saint -Just). Le grand soir de la révolution est ivresse, le lendemain est fait de gueule de bois, un moment historique tellement court — un instant, une temporalité — qui porte un espoir manifestement immense suivi d'un désenchantement immédiat. Toute révolution porte en elle les germes de la déception, ses acteurs tombent inexorablement dans une psychose post-insurrectionnelle. (F. Ben Slama)
Comment quitter la folie ? Comment sortir de l'hôpital psychiatrique? Une opération d'évacuation que prendrait en charge une élite de «saints d'esprit» serait-elle la panacée? Ça se saurait.
Dans une situation exceptionnelle, extraordinaire où les espoirs et les peurs font corps, tout peut basculer dans la terreur. Le déferlement des passions, les manifestations pacifiques ou violentes, la libération de la parole opprimée depuis 50 ans, autant de comportements qui s'apparentent à une thérapie de groupe — sociétale, sociale — qui s'organisent malgré tout, sous des dehors intempestifs, festifs, avec quelques accents délirants. Les Tunisiens parlent, disent des choses, beaucoup de choses, sensées ou impertinentes, ils parlent, vocifèrent, ils ne s'écoutent pas. Le dialogue de sourds s'alimente d'une méfiance généralisée de toute parole différente, soupçonnée a priori de porter le risque coercitif : la laïcité pour les uns , parce que garante d'une neutralité du pouvoir vis-à-vis de la supériorité surdéterminée de la religion, la Charia selon d'autres parce que l'Islam est incontestablement au-dessus de tous et de tout, entre les deux courants, Dieu a du mal à reconnaître les siens, dans une bagarre où des énergies folles sont dépensées alors que le peuple veut vivre dignement dans un minimum de sécurité et de respect. L'insécurité qui règne sur le pays, qu'elle soit orchestrée ou spontanée, accroît la défiance, augmente la méfiance et laisse le pays livré à des accès paranoïaques dans des frontières symboliques et géographiques éclatées. On ne sait plus qui est qui ? Donc, le danger peut venir de partout. Des malfrats déguisés en policiers, des policiers ex-gros bras de la répression se pensent victimes du la dictature qu'ils ont servie, de faux barrages sur les routes, de sit-in pour exiger des emplois qui finissent par faire fermer l'usine dans laquelle les «sit-inneurs» auraient bien aimé travailler, des «Rcdistes» ont changé de veste et adopté le kamis sous la barbe des nouveaux pouvoirs... Le réel se dérobe sous des grilles de lecture précaires, bricolées dans l'urgence post-révolutionnaire sans le recul nécessaire qui neutralise les illusions d'optique.
Pour rétablir le dialogue, il faut absolument que des corps intermédiaires ad hoc puissent intervenir comme des médiateurs, ils seront les facilitateurs d'une dialectique de construction discursive et initiateurs d'une pédagogie de la négociation entre des acteurs qui crient d'autant plus fort qu'ils ont moins raison, pour de bonnes et mauvaises raisons. Des figures sages insoupçonnables de connivence avec l'ancien régime, affranchies d'ambitions personnelles pourraient réinstaurer une méthode et un espace de discussion entre des protagonistes aussi méfiants les uns des autres qu'ils demeurent prisonniers de leur aversion à accepter la contradiction, tapie en leur for intérieur. L'insoumission à l'arbitraire ne peut triompher que si l'individu s'émancipe de sa propension naturelle à s'écouter parler en se donnant systématiquement raison, que s'il consent à ouvrir un espace à l'autre, si semblable, si différent pour que naisse un projet collectif.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.