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La baguette magique
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 22 - 02 - 2012


Par Omar BOUHADIBA
Il est une règle bien connue des consultants en stratégie appelée la règle des 100 jours. La règle dit que si dans les 100 jours suivant le lancement d'une nouvelle stratégie, on n'a pas vu même un début de changement, il est probable que la stratégie échouera.
Notre Assemblée constituante vient de clôturer ses 100 jours. Le Tunisien, intrigué, regarde sur son petit écran la valse des micros du Bardo qui tantôt s'allument, tantôt s'éteignent, se demandant quel lapin va finalement sortir du chapeau. Manœuvres politiques, et envolées lyriques ou délirantes continuent de plus belle mais le peuple essaie toujours de comprendre à quoi on joue. L'Assemblée, elle, semble avoir oublié sa raison d'être. D'assemblée constituante, la voilà qui se transforme en parlement. Le seul texte produit à ce jour est celui qui régit le fonctionnement de l'auguste assemblée elle-même. 100 jours à ne parler que de soi.... c'est long !
Après des semaines d'attente, notre gouvernement fut finalement annoncé. Approuvé par le seul corps légitimement élu de notre histoire, c'est un gouvernement légal. Pourtant, presque immédiatement, la nouvelle équipe dirigeante était saluée par une recrudescence de sit-in, grèves et actes de violence. Pour la première fois depuis des siècles, nos routes ne sont pas sûres.
Notre Premier ministre plaide avec éloquence pour ses 100 jours, mais rien n'y fait. Il est maintenant confronté à la dure réalité d'être le commandant en chef, sujet à l'obligation de résultat qui vient avec tout mandat populaire.
Le peuple, aujourd'hui, seul vrai chef à bord, a déjà tranché. Plutôt compréhensif du temps du gouvernement précédent, il est aujourd'hui pressant et exigeant. C'est comme si, d'un commun accord, les Tunisiens avaient décidé de retirer à la nouvelle équipe le privilège le plus précieux qu'ils puissent lui allouer. Celui du bénéfice du doute, ce privilège si difficile à gagner, si vite perdu.
Ce changement soudain de comportement n'est pas, en y réfléchissant, vraiment surprenant.
Caïd Essebsi avait d'emblée mis ses cartes sur la table. «Je n'ai aucune ambition autre que de servir mon pays et je partirai dès que possible», déclarait-il. Notre nouvelle équipe au contraire pratique le clair-obscur dès qu'on parle de la durée de leur mandat. A la Kasbah tout comme à Carthage ou au Bardo, on devient évasif dès qu'on aborde le sujet. Mieux encore, on s'irrite à l'appellation de provisoire ou intérimaire, allant jusqu'à entamer une action en justice contre une courageuse chaîne de télévision. Assez de faux pas en tout cas, pour créer le doute quant aux arrière-pensées et aux véritables intentions de nos élus.
Alors que toutes les forces vives du pays devraient travailler d'arrache-pied pour sortir le pays d'une crise très grave, voici un gouvernement qui donne l'impression d'emblée de vouloir s'incruster, d'être plus soucieux de consolider son emprise sur le pays que de le reconstruire.
Les équipes mises aux commandes, elles, diffèrent largement tant en style qu'en substance. Inconnus pour la plupart du public, certains dans l'equipe de Caïd Essebsi avaient abandonné des postes lucratifs à l'étranger pour servir leur pays. Ils se mettaient, ce faisant, parfaitement en phase avec l'élan de patriotisme post-révolutionnaire qui saisissait la Tunisie. Certains parlaient à peine l'arabe, beaucoup tâtonnaient, mais personne ne pouvait remettre en cause leur sincérité. Peu connaissaient leur coloration politique, et encore moins s'en souciaient. Ils étaient là pour faire le travail. C'est tout.
La nouvelle équipe, en revanche, commençait du mauvais pied. Soulevant l'irritation des Tunisiens, elle n'a été mise en place qu'au prix d'âpres négociations partisanes qui durèrent des semaines. Aveugle à la situation catastrophique du pays, on négociait dur les postes donnant une impression de partage de butin, à une population au bout du rouleau.
Le gouvernement approuve sans sourciller par l'Assemblée constituante, confirmant l'impression que l'appartenance politique primerait désormais sur tout. Ajoutant l'ironie à l'insulte, aux 41 ministres qui composaient le gouvernement originel, devaient s'ajouter 15 autres, et le partage du gâteau devint distribution de prix. Le Tunisien se gratte la tête, essayant de comprendre pourquoi un petit pays comme le nôtre compterai autant de ministres que l'Angleterre et la France mises ensemble. Et toujours, pas une ligne à la Constitution, pas un emploi créé, pas un projet entamé, pas... Rien.
A cette paralysie incompréhensible, s'ajoute la passivité inacceptable, qui transforma une simple vague de froid en catastrophe humanitaire. Pendant des jours, nous subîmes le spectacle d'un gouvernement perdu, incapable de gérer une crise, infligeant des souffrances sans doute évitables aux plus démunis de nos citoyens.
Il n'est une interview ou une conférence de presse où nos nouveaux responsables ne mettent en avant l'argument parfaitement logique de cette fameuse baguette magique qui nous fait si cruellement défaut. Donnez nous le temps, plaident-ils sur toutes les chaînes.
C'est là que le bât blesse. Le peuple, qui a tout compris, sait bien qu'à l'impossible nul n'est tenu. En revanche, il exige tout ce qui est humainement possible.
Les ingrédients de la relance sont bien connus des économistes. Il est des recettes de politiques monétaires ou fiscales, qui sans pour autant être aisées, ont fait leurs preuves de par le monde. Ayant à sa disposition les meilleurs cerveaux du pays, le gouvernement aurait pu facilement formuler une stratégie de sortie de crise et s'atteler à la tâche.
On pourrait par exemple commencer par réajuster la politique de taux d'intérêt. L'argent bon marché est un facteur de relance, tout le monde le croit. Des taux d'intérêts bas encouragent les investissements qui créent les emplois. Il suffit de regarder autour de soi, comment les grands de ce monde répondent à la crise internationale. Le Libor, taux interbancaire de Londres, pris en général comme la référence européenne, est à un demi pour cent pour le dollar, et 1% pour l'euro, tous deux à leur niveau le plus bas de l'histoire. Le taux fédéral de référence américain est à 0,12% depuis 2009, également un record baissier. Quant au yen japonais, il est pratiquement à zéro pour cent. Notre TMM, lui, est a plus de 3%. Modéré dans l'absolu, il apparaît par comparaison presque exorbitant.
Au plus fort de la crise financière mondiale, il y a quelques mois, Obama injectait des milliers de milliards dans l'économie américaine. Il intitulait cette politique Quantitative Easing ou QE, deux lettres qui entraient immédiatement dans le jargon économique. A QE1 succédait rapidement QE2, et l'on parle aujourd'hui de QE3. L'intention était de mettre de l'argent dans les coffres des banques, qu'elles puissent prêter, dans les comptes des sociétés, qu'elles puissent employer, et dans les poches des consommateurs, qu'ils puissent dépenser. L'argent abondant favorise la relance. Si c'est vrai pour l'Amérique d'Obama, c'est vrai pour nous.
La plus grande crise de tous les temps, celle du 29 octobre 1929, le fameux jeudi noir, mérite un retour en arrière. Franklin Delano Roosevelt, FDR, élu en 1933, ne s'y trompait pas. En l'espace de 100 jours, il lançait son fameux New Deal. Un train de mesures et de lois comme l'Amérique n'en avait jamais vu. Il fallait créer des emplois coûte que coûte. Pour ce faire, l'Amérique fondait une série d'agences et de programmes, dont le but déclaré était d'employer les chômeurs. The Works Progress Administration, la plus grande de ces agences, engageait des millions de travailleurs pour construire des grands projets, parfois pour ne rien faire. The Civilian Conservation Corps, the Public Works Administration, the Tennesee Valley Authority... et bien d'autres en faisaient autant, routes, ponts, centrales électriques, logements sociaux, jardins publics, le pays devint un immense chantier. Il fallait mettre de l'argent dans les poches des déshérites. FDR appelait cette politique «amorcer la pompe».
Toujours en Amérique, il y a seulement quelques jours, Obama présentait au Congrès son budget pour 2013. Parmi les diverses propositions, en figurait une qui devait provoquer le courroux des républicains. 800 milliards de dollars (plus de mille milliards) pour lancer de grands projets dans le but de créer des emplois. Il déclarait, avec des accents rooseveltiens : «Nous avons base ce budget sur la conviction que notre pays fonctionne le mieux quand nous donnons sa chance à chacun (comprenez un emploi)».
On pourrait facilement concevoir une politique de grands travaux d'Etat dont le but serait d'employer les plus démunis, et de désenclaver les zones déshéritées d'où est partie la révolution. Eau, électricité, routes, logements sociaux... Il y a tant à faire. Une espèce de New Deal Tunisien est absolument nécessaire.
Bien sûr, la question du financement de ces grands travaux se posera. Nous n'avons d'autre choix que de nous tourner vers l'extérieur. Les comptes de la Tunisie sont sains, et l'endettement modéré. Malgré la conjoncture internationale extrêmement difficile, l'argent est disponible, pour autant que l'on présente un projet crédible. Christine Lagarde, présidente du FMI, l'a dit clairement, lors de son passage à Tunis. Le fameux G8 nous avait promis quelques milliers de milliards dont nous n'avons pas vu le premier sou. Promesses en l'air ? Mauvaise foi des plus grands pays de la planète ? Peut-être serait-ce plutôt parce que nous n'avons su remplir les conditions de déboursement ?
Lever de l'argent dans les marchés financiers est un métier de professionnels. Participer à quelques conférences alpines en clamant «Invest in Democracy» ne va pas nous mener très loin. Par contre, dépêcher nos technocrates les plus brillants sillonner la planète, avec des projets bien ficelés et cohérents pourrait marcher.
On dit que même en Tunisie, l'argent est abondant, mais préfère rester sur la touche, attendant des jours plus sereins. Ramener cet argent hors jeu dans les mécanismes économiques est la responsabilité du gouvernement. Et puis, c'est sans doute inévitable, on sera forcé de laisser filer un peu le déficit. Dans le monde financier, comme en médecine, tout traitement de choc a des effets secondaires. Ceux-ci s'appellent inflation, détérioration des comptes extérieurs, endettement et autres. Les grands argentiers du pays devront gérer cette situation délicate autant qu'inévitable. Pour cela, nous aurons besoin de toutes nos compétences, parce que la bataille sera ardue.
Personne ne dit que ce sera facile mais ce qui est certain, c'est que cette fameuse baguette magique existe bien. Elle s'appelle se mettre au travail.


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