Par Riadh JEMAA(*) L'expulsion de l'ambassadeur de la République arabe de Syrie décidée par le président de la République et le chef du gouvernement est une décision précipitée qui montre un manque de maturité politique, une vision limitée de ce qui se passe en Syrie et l'absence de connaissance géopolitique et stratégique. La démocratie et les droits de l'Homme ne doivent pas être, en aucun cas, un prétexte pour détruire une nation et diviser un pays. Ce sont les droits de l'Homme et l'instauration d'un Etat démocratique qui ont conduit à l'état actuel de l'Irak, un pays affaibli, occupé et divisé entre chiites au Sud, sunnites au centre et pseudo-Etat kurde au Nord. Il est regrettable que la Tunisie, initiatrice du printemps arabe, au lieu d'être le porteur du flambeau de la renaissance arabo-musulmane et du soutien de la lutte du peuple palestinien, s'aligne sur la politique occidentale, surtout celle des Etats Unis, le pire ennemi de la cause palestinienne par son soutien économique et militaire inconditionnel et sans limite à Israël et qui a utilisé son veto à l'ONU pour s'opposer à la création d'un Etat palestinien et à celle des monarchies du Golfe. Dès le début de la crise syrienne, le gouvernement tunisien a pris partie pour l'opposition. Il y a eu d'abord la réunion du Conseil national syrien en Tunisie, ensuite l'expulsion de l'ambassadeur et enfin, la tenue à Tunis de la Conférence internationale des amis du peuple syrien que j'appelle la réunion des ennemis de la Syrie. Il est vrai que la Syrie n'est pas une démocratie mais une dictature et que le peuple syrien mérite mieux, mais la même chose s'applique pour les monarchies du Golfe qui n'ont pas hésité à envoyer leurs armées pour réprimer les manifestations à Bahreïn. Au lieu d'expulser l'ambassadeur, la Tunisie aurait mieux fait d'essayer de favoriser un dialogue entre le régime syrien et l'opposition pour entrainer un changement démocratique comme au Maroc qui protège à la fois le peuple syrien et le rôle de la Syrie dans la lutte contre Israël. La Syrie est victime d'un complot, élaboré par les Occidentaux avec la bénédiction des monarchies du Golfe. Ce ne sont pas les droits de l'Homme et la démocratie qui poussent les Occidentaux et les pays du Golfe à vouloir intervenir en Syrie, et là je salue la position de la Tunisie qui s'est opposée à toute intervention armée en Syrie, mais des questions politiques et géostratégiques. Ces pays veulent se débarrasser du président Assad à cause de sa politique. Il ne faut pas oublier que la Syrie fait partie du bloc de refus qui comprend la Syrie, l'Iran, le Hamas et le Hezbollah libanais qui sont considérés comme des mouvements terroristes par les pays occidentaux. Il ne faut pas oublier non plus que la Syrie est le seul pays arabe frontalier d'Israël qui n'a pas signé avec ce dernier un traité de paix et s'est opposé à l'initiative du roi Abdallah adoptée ensuite par la Ligue arabe et qui préconise la reconnaissance de l'Etat d'Israël par tous les pays arabes et musulmans. En ce qui concerne le Qatar et l'Arabie Saoudite, leur empressement et leur soutien à une intervention armée en Syrie afin de se débarrasser du président Assad viennent du fait que ces deux pays ne pardonnent pas au président Al-Assad d'avoir fait échouer l'accord de Doha entre les différentes factions libanaises qui prévoit, entre autres, de garder Saâd El Hariri Premier ministre au Liban. De plus, les Saoudiens ne pardonnent pas non plus au président syrien son alliance avec l'Iran. Ce complot qui vise à détruire et à diviser la Syrie afin de garantir pour toujours la sécurité d'Israël fait partie d'un complot beaucoup plus vaste commencé en 2003 par l'invasion et l'occupation de l'Irak et la destruction de l'armée irakienne. Il est malheureux de voir qu'après le printemps arabe, le soutien de la cause palestinienne, la lutte contre Israël et l'opposition à la judaïsation d'Al Qods sont relégués au second plan. *(Professeur universitaire)