Même pendant les mois les plus durs de l'après-révolution, les prix des produits de consommation n'ont jamais connu une telle hausse comme celle de nos jours. Malgré les mesures urgentes qu'avait prises, il y a deux semaines, le ministère du Commerce pour lutter contre la convoitise des marchands et réguler l'approvisionnement du marché, l'équation de l'offre et de la demande demeure encore complexe. En effet, le panier de la ménagère, qui s'allège de plus en plus, n'arrive plus à retrouver son équilibre d'antan. Mis à part quelques réajustements tarifaires légèrement perçus dans les grandes surfaces, suite à un compromis engageant les structures professionnelles et le ministère de l'Agriculture, l'envolée des prix garde son ampleur, laissant le consommateur sombrer dans l'incapacité de joindre les deux bouts. N'empêche, les services du contrôle économique s'efforcent de réduire les écarts et de rapprocher les intérêts des deux côtés. Ils sont en train d'intensifier les campagnes d'inspection à une large échelle. Pas plus tard qu'hier, une trentaine d'équipes compétentes relevant du ministère du Commerce ont débarqué, tôt le matin, au marché de gros de Bir El Kassaâ, à Ben Arous. Il est 7h30, l'ordre du jour est clair : visite inopinée sur le terrain pour évaluer l'état des lieux, avec pour destination divers points de vente de denrées alimentaires, de produits agricoles et de pêche. Dans la même salle des réunions, M. Habib Dimassi, accompagné de M. Ridha Lahoual, respectivement directeur de la compétition et des enquêtes économiques et P.-d.g. de la Société tunisienne des marchés de gros (Sotumag), explique aux équipes la teneur de la mission, en leur demandant d'être en mesure de répondre aux attentes escomptées. Il s'agit de vérifier tout et de relever toutes les manifestations de fraude et de transactions commerciales illicites, partant de la facturation aux instruments de pesée, passant par l'affichage des prix, la vente conditionnée et les opérations spéculatives. M. Dimassi leur a recommandé aussi de faire preuve de vigilance dans la mesure où ils doivent agir dans le cadre de la loi et de la transparence. Sans pour autant trop intervenir dans les détails superflus. Tout pour l'intérêt du commerçant et la préservation du pouvoir d'achat du consommateur. Avant qu'ils ne soient affectés par zones ou districts couvrant les gouvernorats du Grand-Tunis, les agents du contrôle ont été répartis par deux pour se partager la responsabilité. L'heure du départ a déjà sonné. Il est presque 10h00, Hani Frioui et son collègue Arbi Abdaoui, venus de la direction régionale de Kairouan, s'apprêtent à partir vers les quartiers d'El Mourouj. D'autres équipes se sont dirigées ailleurs. Première destination à El Mourouj 3, où un début d'infractions a été enregistré. Un marchand de légumes souligne qu'il vient d'ouvrir depuis à peine une demi-heure. Il a juste voulu justifier sa contravention de non-affichage des prix, sans aucune facture d'achat. Et les agents ne lui ont pas dressé de procès-verbal, en raison de l'absence de sa carte d'identité. Son voisin, lui aussi, est contrevenant en flagrant délit, puisqu'il ne respecte pas la règle tarifaire stipulant que passé 72 heures, le prix de vente de tout produit doit correspondre au prix d'achat initial. Autre direction, le marché hebdomadaire de la place. Les mauvaises conditions climatiques n'ont pas facilité la tâche des agents. Mais en dépit des averses qui se sont abattues en grandes quantités, ils ont continué difficilement leur visite. C'est un marché parallèle où personne ou presque n'était dans les normes. A El Mourouj I, le bilan des infractions était mi-figue mi-raisin. Un boucher a été sanctionné pour absence d'affichage des prix. Il étale les viandes pêle-mêle. Alors que son voisin légumier exerce dans les normes. Chez un vendeur de volailles du même endroit, les quatre œufs sont à 580 millimes. Il respecte la règle de la concession comme il a été convenu lors des précédentes négociations commerciales. Au terme de cette tournée qui n'a pas manqué d'autant de surprises et d'avertissements, M. Hani Frioui nous a révélé que la «moisson» du jour a enregistré quelque cinq infractions. Et pourtant, il qualifie la tournée de réussie, vu la baisse progressive des fourchettes des prix. Les deux agents devraient, par la suite, préparer leur rapport final pour le soumettre ultérieurement à la direction régionale du commerce de Ben Arous. Et les contrevenants seront, bien entendu, convoqués, demain ou après-demain, pour répondre de leurs infractions.