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Niqab, liberté et université de la République
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 14 - 03 - 2012


Par Hatem M'RAD*
La question du niqab ne cesse de défrayer la chronique en Tunisie, essentiellement à la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de La Manouba, au point que cette faculté est en train de devenir dans notre pays le bastion de la résistance de la liberté contre l'obscurantisme et l'intolérance, et même le symbole de la défense du drapeau national. Tout à son honneur. Mais autant les étudiants, les enseignants, les responsables de l'université et surtout l'opinion publique paraissent résolus à faire prévaloir la raison, l'ordre, la loi et les usages universitaires, autant l'Etat donne l'impression à l'opinion publique d'être démissionnaire dans le traitement des problèmes que connaît cette université, malgré les déclarations de principe des responsables politiques.
L'Etat attend-il le point de non-retour pour agir ? La radicalisation des positions va-t-elle dans le sens de la résolution des problèmes ? Les composantes du gouvernement ont-elles intérêt au pourrissement des questions liées aux salafistes, comme le niqab? Le laxisme de l'Etat ne le dément pas en tout cas. Ya-t-il des arrière-pensées qui nous échappent dans le traitement interminable de ce dossier ? «Il faut se mettre d'accord avec nos arrière-pensées», disait le général De Gaulle, à propos de la conclusion d'accords politiques entre les dirigeants. Les islamistes d'Ennahdha cherchent-ils à engager leurs véritables combats d'arrière-garde idéologique par salafistes interposés ? Ennahdha est liée par les rapports de force institutionnels: pas les salafistes! Ces derniers permettent alors à Ennahdha de brûler les étapes dans leur combat contre les modernistes et pour les nouveaux fondements de l'Etat. En contrepartie, Ennahdha s'engage à tolérer les excès des salafistes. Marzouki et le CPR, Mustapha Ben Jaâfar et Ettakatol ont-ils convenu de laisser traîner le dossier des salafistes en vue d'acculer les islamistes à la faute en le rendant plus impopulaire encore? Ce contrat implicite de politique politicienne semble en valoir la chandelle pour les deux parties. Les stratégies électoralistes, notamment les prochaines législatives, feront désormais partie des stratégies des uns et des autres.
Sur l'essentiel, les membres du gouvernement et les responsables de l'Etat, islamistes ou laïcs, considèrent que le niqab fait partie de la liberté vestimentaire, une liberté individuelle valable pour tous. Certains ont le droit d'opter pour l'habit moderne, d'autres pour le hijab, comme d'autres pour le niqab ou la burqa. A ce niveau, les positions étaient quasi identiques, tant chez le cheikh Rached Ghanouchi ou Hamadi Jebali que chez Moncef Marzouki ou Mustapha Ben Jaâfar. Toutefois, les islamistes ne sont eux-mêmes pas toujours d'accord sur la question. Rached Ghanouchi, Samir Dilou ou Moncef Ben Salem paraissent assez tolérants à l'égard du niqab, et appellent à une solution de compromis pour les «mounakkabât» à l'intérieur de l'université durant les cours et les examens. Solution de compromis dont ils n'ont jamais pu définir les contours. Le ministre de l'Enseignement supérieur, un homme politique qui se comporte comme un fonctionnaire, et auquel on a reproché son laxisme en la matière, a fait le gigantesque effort de demander l'avis du Tribunal administratif sur la question, qui a finalement considéré dans un avis rendu sur la question que le directeur de l'établissement universitaire et les conseils scientifiques peuvent régler la question à l'intérieur de leur établissement. De fait, à la Manouba, les «mounakkabât» ont été traduites à juste titre devant le conseil de discipline et sanctionnées pour leurs abus. Mais, le ministre de l'Intérieur, Ali Laâridh est, lui, résolument contre le niqab. Il a déclaré, dans un entretien à la chaîne Hannibal, que «Le niqab n'a aucun rapport avec l'islam». C'est également au fond l'opinion de Rached Ghannouchi, même s'il défend leur liberté dans le choix de leur tenue vestimentaire.
S'agissant des composantes laïques de l'Etat, le président Marzouki estime en substance, dans ses différentes prises de position, que dans un pays libre comme le nôtre, chacun a le droit de se vêtir librement. La liberté est un tout, et il faut respecter sa logique malgré ses inconvénients. Mais il n'est pas rentré dans les considérations pratiques. En revanche, le président de l'Assemblée constituante, Mustapha Ben Jaâfar, a été plus précis sur la question. Il a considéré que les mounakkabât doivent aussi savoir, au-delà de leur liberté de se vêtir, que personne ne les a jusqu'à présent menacées ou agressées dans la rue en raison de leur niqab. On leur demande seulement de respecter les réglementations et les usages en vigueur dans les établissements universitaires, exigeant l'égalité entre les étudiants dans la vérification de leur identité et le contrôle dans les examens. Il faudrait, estime-t-il, discuter avec elles, et, en cas de refus de leur part, prendre les sanctions qui s'imposent.
Les Tunisiens sont en droit d'attendre de l'Etat des réponses claires et cohérentes à leurs préoccupations légitimes. La politique, c'est aussi de la pédagogie. L'Université est une institution de la République, ouverte à tous ses enfants sans exception, abstraction faite de leur situation économique, sociale, ethnique, raciale ou culturelle et de leurs tendances culturelles, identitaires, religieuses, politiques ou idéologiques. Dans l'école de la République, censée être ouverte à tous, on ne tolère pas d'ordinaire les signes ostentatoires religieux. Au kouttâb du quartier, on peut le faire, mais pas à l'école de la République, école nécessairement laïque, non religieuse, école de l'universalité, de l'égalité, du savoir et de la science. La cohabitation de tous dans cette école unificatrice du savoir national nécessite le respect, à l'intérieur de l'Université, des règles du jeu pédagogique inhérentes au fonctionnement de l'institution. C'est comme dans un match de football: tous les joueurs doivent durant le match respecter momentanément les règles du jeu imposées par l'arbitre et jouer d'une manière conforme aux normes sportives internationales. Une fois le match terminé, ils retrouvent tous leur liberté pour vaquer à leurs occupations, jouer ou s'exercer autrement selon d'autres modèles. On demande juste à l'étudiante mounakkaba, en vue de vérifier son identité, de dévoiler son visage au moment où elle accède à l'université et durant les séances de cours et d'examen, pour respecter les usages et les nécessités du cours interactif, où l'enseignant est censé connaître l'identité de son interlocuteur, d'observer l'expression de son visage, pour pouvoir s'entretenir avec elle et répondre à ses interrogations légitimes. L'université n'est en effet pas un cercle d'anonymes.
Une fois le cours terminé, l'étudiante retrouve son droit de remettre son niqab et de se conformer à sa propre philosophie religieuse de la vie et à ses opinions. Personne n'aurait ainsi porté atteinte à sa liberté de se vêtir ou d'opinion. De même qu'on ne voyage pas sans montrer son passeport, et la nécessité de montrer son passeport aux services douaniers ne porte pas atteinte à notre liberté de voyager, de même on ne peut suivre un cours à l'école ou à l'université sans montrer son visage. Et montrer son visage à l'université ne porte pas fondamentalement atteinte à la liberté de penser ou aux convictions religieuses des mounakkabât. La liberté étant une foi interne inébranlable.
Toutes les tendances politiques des étudiants acceptent depuis longtemps ces règles du jeu : de l'extrême gauche à l'extrême droite, en passant par les islamistes tunisiens ordinaires. Les salafistes, minoritaires à l'université, faut-il le rappeler, (tout comme les islamistes d'ailleurs), surtout dans les universités de sciences humaines, semblent pousser les mounakkabât à leur jeu pour se faire une place à l'université, et dans la société. L'attachement ferme des quatre ou cinq étudiantes de La Manouba au niqab devient un acte politique, suscité délibérément par les salafistes en vue d'autres stratégies de combat, d'ordre religieux, civilisationnel, culturel ou politique, notamment le jihâd fi sabil allâh en vue de l'instauration de la souveraineté de Dieu et le califat. La quête du savoir scientifique est loin d'être leur préoccupation majeure.
L'identité de l'être humain, tout comme sa liberté d'opinion, qui synthétisent sa personnalité, et qui font d'ordinaire sa fierté, s'affichent au grand jour, mais ne se dissimulent pas derrière un voile ou un niqab. L'université, qui contribue au développement de la personnalité des jeunes étudiants, futurs cadres du pays, par le savoir qu'elle leur inculque, peut-elle tolérer des jeunes filles qui acceptent d'avance et a priori leur effacement, leur dépersonnalisation, leur fermeture aux autres, leur soumission à la loi des mâles salafistes, en considérant leur visage, donné pourtant par Dieu lui-même, comme un objet de honte, objet du diable, qu'elles doivent aussitôt dissimuler ? Pourquoi Dieu a-t-il donné un visage aux êtres humains si ces derniers se trouvent condamnés aussitôt à le dissimuler ? A part le toucher, tous les autres sens de l'homme ont élu leur siège dans le visage : l'ouïe, la vue, l'odorat, le goût. N'est-ce pas une merveille divine ? Le niqab n'est-il pas alors contre-nature ?
Mais une chose est sûre : contrairement à ce qu'on pense, on peut porter le niqab, être libre et accéder paisiblement à l'université. Dans d'autres pays démocratiques occidentaux, on a pu le faire. Pourquoi pas chez nous en terre d'Islam? Il faudrait juste que les mounakkabât acceptent les usages universitaires. Est-il impossible pour une étudiante, aussi illuminée soit-elle, portant le niqab, d'accepter d'être pragmatique durant quelques heures par jour à l'université pour le bien de son avenir? «Le salut laïc» n'est pas toujours contraire au salut divin, même si la cité des hommes n'est pas la cité de Dieu.
* (Professeur à la faculté des Sciences juridiques et sociales de Tunis)


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