Par Khaled GUEZMIR - Le chef du gouvernement M. Hamadi Jebali va devoir choisir entre le pouvoir absolu accompagné de la pauvreté et la démocratie qui lui ouvrent des perspectives d'avenir énormes surtout au niveau de la coopération internationale. Disons le tout de suite, pour rendre à César ce qui est à César, c'est pratiquement le seul membre du gouvernement qui travaille sérieusement sur les dossiers et les sources de financement de l'économie totalement sinistrée par plus d'une année de paresse générale et de laisser-aller ! Il frappe à toutes les portes et sillonne les espaces, du Moyen-Orient à l'Europe, à la recherche d'une dynamique nouvelle pour les investissements en Tunisie, la relance du tourisme et l'aide économique promise par la communauté internationale et le G20 à notre pays après la Révolution du 14 janvier. Mais après les douches « froides » d'Arabie où les donations se font rares et sont tout simplement conditionnées par une allégeance politique et une mise sous tutelle de la souveraineté, le Premier ministre semble avoir compris, qu'il fallait revenir aux sources de la stratégie qui a fait ses preuves depuis bien longtemps et qui consiste pour la Tunisie à «n'avoir que des amis » ! Le grand champion de cette stratégie n'est autre que Bourguiba, grand ami et allié de l'Occident, de l'Europe et même de la France qui l'a interné dans ses prisons à plusieurs reprises ; de l'Amérique qui a toujours été à nos côtés dans les moments décisifs et même de l'Union Soviétique et de la Chine, toutes deux communistes, mais toujours solidaires de la Tunisie, parce que ce petit pays a de la dignité et a appris, depuis Carthage, que ses ressources étant limitées, il ne pouvait se permettre l'aventure des confrontations idéologiques ou militaires. Dans cette perspective, la visite de M.Jebali en Allemagne ne peut être que positive car certains oublient, par ignorance malheureusement, que l'Allemagne est la grande locomotive de l'Europe sans laquelle rien ne se fait. Hier, la Pologne et aujourd'hui la Grèce doivent en grande partie leurs reprises économiques à l'aide économique et financière allemande. Par conséquent, l'Allemagne peut faire beaucoup pour la Tunisie. Déjà, son ministre des Affaires étrangères s'est déplacé, chose rare, par deux fois en une année, dans notre pays et a reconverti notre dette en source de financement pour de nouveaux projets. Il reste entendu que cela reste modeste au vu des possibilités énormes de l'Allemagne et des attentes tunisiennes surtout dans cette période de vaches maigres que nous traversons. Certains se rappellent encore des gestes importants du chancelier feu Willy Brandt, grand ami de la Tunisie, au début de l'indépendance tunisienne. Ce que nous attendons de l'Allemagne c'est d'être le vrai parrain d'un plan Marshall, avec les amis et les alliés de la Tunisie, la France, les Etats-Unis, l'Europe, la Russie et la Chine auxquels s'ajouteraient bien sûr nos frères arabes et musulmans. Elle en est capable parce que les Allemands sont tenaces, sérieux et pratiques. Tout nous unit et rien ne nous sépare ! La chancelière Angela Merkel, toujours classée première dans le Top-ten des femmes les plus dynamiques et les plus puissantes du monde, peut prendre à son tour le relai de Willy Brandt pour soutenir avec force la Tunisie en ces moments difficiles mais non irréversibles. Malgré la conjoncture européenne, l'Allemagne a les ressources pour honorer l'amitié que lui voue les Tunisiennes et les Tunisiens. Hamadi Jebali en bon diplomate n'a pas manqué de faire plaisir à la chancelière en exprimant l'appui de la Tunisie pour que l'Allemagne joue un plus grand rôle politique dans le monde en accédant à la permanence du Conseil de sécurité de l'ONU ! Bien joué ! Mais, attention, la chancelière a du caractère et elle a dit clairement à l'allemande, au Premier ministre tunisien ce qu'elle attend de son gouvernement : Notre aide économique et notre soutien seront liés à la politique tunisienne de démocratisation de la vie politique et du système et de lutte contre l'extrémisme (entendez religieux) ! Clair et net ! La chancelière exprime ainsi non seulement l'opinion allemande mis celle de toute l'Europe et du monde libre. La Tunisie doit être démocratique plurielle, tolérance et modérée comme elle l'a toujours été. D'ailleurs, le gouvernement Jebali, élu démocratiquement, ne peut pas mordre la main de la liberté qui lui a donné sa légitimité. A son tour d'accepter les règles de jeu démocratique. Le message est là vigoureux et sans appel et la chancelière, malgré son faible pour notre pays et sa sympathie est très bien informée sur ce qui se passe en Tunisie. A titre, juste d'exemple, la tente de l'obscurantisme et de la terreur contre la liberté de la presse installée aux portes de la Télévision nationale, est exactement à 250 mètres de l'Ambassade d'Allemagne, à Tunis ! A vous de juger ! Personnellement, et ayant beaucoup d'amis universitaires allemands, je suis confiant et optimiste. L'Allemagne, ne nous lâchera pas. A nous de bien coller à la « locomotive » de l'Europe en jouant franc jeu, en évitant comme le dit l'Empereur Omeyade Mouawiya Ibn Abi Soufiane, la ruse et la manœuvre (Al Hila fi tark Al Hiyal ) et l'amitié et la nature feront le reste. N'oublions pas que Frankfurt est à deux heures de vol de Tunis et que les citoyens touristes allemands adorent la Tunisie ! Alors, main dans la main !