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La discorde serait-elle la continuation de la politique par d'autres moyens ?
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 26 - 03 - 2012


Par Abdelmajid HAOUACHI*
Le ton grave, l'air troublé mais ferme, Ali Laaraiedh, ministre de l'Intérieur a été clair, net et précis sur la situation sécuritaire du pays par les temps qui courent. Son diagnostic se rapporte à la montée du salafisme et à la manière de confronter ce fléau. D'après lui la situation est difficile. Elle comporte des dangers imminents et des sacrifices... Le peuple est donc vivement interpellé pour une nouvelle épreuve qui, à ses dires, est loin d'être une promenade. Ali Laaraiedh s'est adressé à l'opinion publique, par chaîne satellitaire interposée, en sa qualité de ministre de l'Intérieur. Mais il est, par ailleurs, l'un des principaux dirigeants d'Ennahdha, le parti islamiste au pouvoir que l'accélération de l'histoire semble acculer à une confrontation fratricide avec les salafistes. Le spectre de la discorde qui n'épargnerait personne parmi les religieux et les laïques serait-elle la continuation fatale de la politique en Tunisie sous le troisième gouvernement provisoire issu de la Constituante du 23 octobre 2011 ?
Les contours séparant les salafistes d'Ennahdha étaient pourtant confus tout au long des péripéties premières de la Révolution du 14 janvier. On dirait même que l'actuel parti au pouvoir a tiré profit de l'exaltation des cohortes salafistes à un moment crucial marqué par un avantage très net en faveur des véritables forces révolutionnaires dont les revendications étaient loin des visées islamistes comme le ciel et la terre. Il fut donc un moment où une symbiose salafo- nahdhaouiste faisait l'affaire des uns et des autres, le temps d'opérer une dérive dans le développement des chroniques révolutionnaires en mystifiant les tenants et les éventuels aboutissants du séisme du 14 janvier 2011 en leur greffant la question identitaire. Ceux qui tiraient les marrons du feu pour Enahdha lui rendaient un précieux service sur le terrain de l'action politique quotidienne, d'autant que le parti islamiste semblait débordé et dépassé par les événements. Mais ce ne fut point là une opportunité durable à même d'occulter des contradictions génératrices d'un conflit réel voire d'une discorde au sein même de la maison islamiste que le cours des événements actuel est en train de montrer au grand jour. A présent, seuls les esprits simplistes ou les simples d'esprit continueront à ignorer cette fracture fratricide et à minimiser un clivage qui tient ses origines d'un passé récent ou encore de soutenir que les salafistes ne sont qu'une simple armée de réserve pour les nahdhouis.
Genèse d'un clivage
«Les salafistes, je ne les connais pas», prétend Moncef Ben Salem, un autre dirigeant nahdhaoui, ministre de l'Enseignement supérieur. En fait, il les méconnaît autant qu'un père méconnaitrait son propre fils ! Car, dit-on, le fils de Moncef Ben Salem est un activiste salafiste, tout comme celui d'Ali Laaraiedh d'ailleurs. Mais à vrai dire, mieux vaut prendre au mot le ministre de l'E. S. car ses propos risquent d'être fort instructifs sur l'historicité des relations entre Ennahdha et le salafisme et par delà sur la pomme de discorde éventuelle entre ces deux courants de l'Islam politique.
S'il s'avère inutile de revenir sur la genèse d'Ennahdha dans une pareille esquisse, il est, en revanche, fort utile de rappeler que les salafistes ont surgi de l'ombre de l'actuel parti au pouvoir. Leur éruption eut lieu alors que Rached Ghannouchi et compagnie subissaient la rude épreuve de la répression de Ben Ali lors des années 90 du siècle dernier. Il s'agit d'un courant néo-islamiste qui se démarque d'Ennahdha au moins sur deux plans. Au premier chef sur le plan de l'orthodoxie idéologique puisque le salafisme situe sa rivalité avec Ennahdha au niveau de son fondamentalisme wahabite pur et dur allant jusqu'à la proclamation du Jihad pour certaines factions.
Au second chef, il y a toute cette culture religieuse populaire et populiste véhiculée par les chaînes satellitaires et qui s'est répandue comme une traînée de poudre dans les milieux populaires. La culture religieuse étant, bien entendu, indissociable de la culture politique l'illustration de celle-ci ne tarda point à voir le jour du temps de Ben Ali sous une forme violente avec notamment les événements de Sliman (fin 2006). Dès lors, à mesure que le mouvement d'Ennahdha gagnait en matière de realpolitik, de révision de sa stratégie initiale, le fossé se creusait entre le salafisme et son frère aîné. La politique de l'ignorance et de la désertification culturelle du régime déchu accentua, à l'évidence, le dogmatisme et le fanatisme salafiste au point de se démarquer nettement avec Ennahdha. Même qu'un dirigeant nahdhaoui m'a un jour confié que les salafistes nourrissent une rancœur encore plus grande à l'encontre des nahdhaouis qu'envers les laïques. «Ils nous considèrent tout simplement comme des renégats(Mourtaddin)», dit-il .Sachant qu'en Islam, la sanction des renégats est plus sévère que celle des mécréants.
A côté de la plaque
On ne dira jamais assez que le salafisme est, par ailleurs, un phénomène médiatique entretenu régulièrement par les chaînes satellitaires qui ont fait du sacré un fonds de commerce en réinvestissant des fonds faramineux provenant des pétrodollars dans le secteur médiatico-islamiste. En tant que tels, les médias islamistes ont été des instruments d'aliénation plutôt que de libération des sociétés arabes livrées à la tyrannie la plus atroce des dictatures et des théocraties...Pour preuve, lorsqu'éclatèrent les révolutions arabes, la propagande islamiste cherchait encore à émouvoir les Musulmans par la rhétorique des «supplices du tombeau» (adhab el qabr). Cependant, le choc émotionnel le plus ample vint des fins fonds des milieux déshérités, des laissés-pour-compte, ceux qui subissaient les injustices les plus atroces de la part de Ben Ali et de sa pègre...La grande émotion qui secoua le peuple tunisien ne vint pas du discours de Wajdi Ghénim ou Amr Khaled mais de l'acte héroïque de Mohamed Bouazizi qui a défié la dictature, son régime et ses appareils... Du coup, le peuple tunisien s'est senti soudé et se dressa comme un seul homme contre la dictature et pour la dignité...Bien sûr que les médias alternatifs y ont été pour quelques choses et même pour beaucoup. Mais les jeunes révolutionnaires qui ont défié l'embargo médiatique, ceux là même qui ont saisi le sens historique de la révolution médiatique et des Ntic ne sont pas des salafistes mais tout simplement une jeunesse illuminée et progressiste. La Révolution du 14 janvier fut ainsi le fruit de l'articulation entre le fait sociopolitique et le fait médiatique, elle est, comme il plaît à certains de dire, «une révolution postmoderne». En tout cas, elle n'a rien à voir avec l'idéologie islamiste.
L'on comprend donc que dans tout cela les islamistes, toutes tendances confondues, ont été, quelques semaines durant, à côté de la plaque. Aussi, pour eux, le problème ne fut point de rattraper le temps perdu pour se mettre au diapason de la Révolution mais de l'usurper et la mutiler pour en faire une «révolution islamiste». Il fallait donc changer ses objectifs, ses slogans et son essence même. Pour ce faire, les islamistes s'y sont mis de pied ferme dans des combats de rues contre les laïques en faisant valoir le slogan identitaire.
Un sacré dilemme
Les factions islamistes ont-elles pour autant réussi à dénaturer la Révolution du 14 janvier ? Pour l'heure, l'historien estime qu'il est encore tôt pour se prononcer d'une manière exhaustive sur cette question, même si le scrutin de la Constituante a donné à la Ennahdha le tiers des suffrages exprimés le 23 octobre 2011. Mais contentons nous-sur ce chapitre, de noter qu'Ennahdha a profité des aberrations de la gauche et des libéraux mais aussi de l'instrumentalisation de l'Islam et de la crise morale profonde engendrées par la politique mafieuse de Ben Ali et son régime. N'a-t-on pas souvent entendu dire dans les milieux populaires «qu'il vaut mieux voter pour des gens qui craignent Dieu» ?
Comme on devait s'y attendre, l'accès d'Ennahdha à la Constituante et, du coup, au pouvoir allait annoncer une nouvelle étape dans les relations entre les deux factions islamistes. Confrontée aux difficultés sérieuses des sits-in survenus au lendemain des élections comme pour discréditer ce scrutin, la Nahdha devait, de surcroît, honorer ses engagements vis-à-vis de ses partenaires dans la Troïka ainsi que ses bailleurs de fonds occidentaux...Avec tout ce monde, le nouveau parti au pouvoir s'est engagé, entre autres, à respecter la nature civile de l'Etat.
Dans cette nouvelle configuration post-23 octobre, les salafistes paraissent résolus à mettre la barre haut en passant à l'application de leur programme stratégique visant à instaurer un régime théocratique, un Etat islamiste avec notamment un nouveau statut pour la femme, une Constituante basée sur la charia en tant que seule référence, et un nouveau drapeau. Ce faisant, les salafistes œuvrent à couper l'herbe sous les pieds d'Ennahdha qui, du coup, se trouve confrontée à un sacré dilemme : si le parti s'oppose au programme salafiste, que lui restera-t-il de sa référence islamique ? Et s'il obéit aux exigences salafistes, comment pourrait-il prétendre désormais qu'il est avec la modernité ? Mais le plus périlleux dans tout cela est que les salafistes commencent à mettre Ennahdha, ou plutôt toute la société à l'épreuve, d'où l'attitude précédemment annoncée d'Ali Laaraiedh.
Un new deal
En dégageant la contradiction de plus en plus conflictuelle entre Ennahdha et les salafistes, nous entendons rompre avec la vision simpliste de la banalisation des enjeux politiques et idéologiques qui marquent le processus révolutionnaires en cours en Tunisie. Gageons, toutes proportions gardées, que les défis et les périls de l'assaut salafiste ne visent pas que la société tunisienne avec ses expressions civiles et laïques diverses. Il vise aussi Ennahdha et notamment tous ceux à l'intérieur de ce parti-mouvement qui revendiquent la modernité. Aussi est-il temps d'abandonner les idées faisant de l'islam politique un groupe compact figé. La chose publique dans le contexte actuel est à même de mouvoir les hommes en dehors de leur culte commun pour étaler leurs divergences et leurs contradictions sur le seul terrain politique. Et je crois que les esprits les plus lucides au sein d'Ennahdha ne tarderont pas à engager une lutte politique contre le fléau salafiste sur un même terrain, sinon un terrain si proche de celui de la lutte des laïques. La conscience de cette tendance dans l'évolution du processus révolutionnaire impose certaines responsabilités. Ces responsabilités vont notamment vers «l'opposition» qui devrait rompre avec la stigmatisation de la Ennahdha dans des calculs de conspirations visant à évincer le parti actuel au pouvoir par la devise classique de «la fin justifie les moyens» et, le cas échéant, des calculs électoralistes en vue du prochain scrutin.
Mais les responsabilités vont également du côté d'Ennahdha qui devrait en finir avec l'hésitation pour gagner en crédibilité dans ses visions modernistes. Si la clairvoyance et la juste mesure des enjeux historiques encourus actuellement gagneraient chez les uns et les autres, un new deal serait alors envisageable. La question de la relation entre le sacré et la chose publique serait alors élucidée communément et abstraction faite des références idéologiques. Mais pour ce faire, il faut sortir des sentiers battus pour saisir la profondeur de l'évolution historique, surtout au temps des séismes révolutionnaires, et se mettre à l'école de la Révolution tunisienne qui nous enseigne chaque jour ce que nous n'avons jamais appris dans les livres ou dans les académies.
*(Agrégé d'histoire, journaliste et militant de gauche)


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